Marlène Schiappa a passé deux jours à La Réunion

Violences conjugales : plusieurs annonces fortes... qui restent à concrétiser

  • Publié le 7 novembre 2019 à 23:58
  • Actualisé le 8 novembre 2019 à 07:56

La secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa a passé deux jours à La Réunion. Une visite avant tout destinée à la signature du Grenelle des violences conjugales et dont elle a profité pour faire plusieurs annonces. En effet, Marlène Schiappa, comme elle l'a rappelé à plusieurs reprises, n'est pas venue les mains vides. Au milieu des présentations et des prises de parole multiples, elle a présenté plusieurs mesures fortes pour lutter contre les violences faites aux femmes, notamment une rallonge de 135.000 euros pour La Réunion. Le tissu associatif s'en réjouit mais reste prudent. Annoncer c'est bien, agir c'est mieux. Maintenant que le Grenelle est signé et que ces nouvelles propositions sont sur la table, il faudra s'assurer que l'Etat fera ce qu'il faut pour qu'elles soient réellement appliquées. (Photo rb/www.ipreunion.com)

La secrétaire d'Etat avait préparé cette punchline, qu'elle a énoncée à plusieurs reprises durant sa visite : elle n'est pas là pour être "une plante décorative". Hors de question de rester passive pour celle qui défend à la fois son caractère de Corse et son combat pour les droits des femmes "depuis 20 ans".

C'est donc avec plusieurs annonces en poche que la secrétaire d'Etat a fait le déplacement sur notre île. Parmi ces mesures, l'Etat qui se porte garant dans le cadre du dispositif Visale pour les femmes victimes de violences et qui cherchent un logement, ou la révision de l'autorité parentale pour les pères auteurs de violences envers leurs conjointes.

Mais l'annonce-clé, et elle est financière, la voici : une rallonge de 300.000 euros pour les territoires ultramarins, somme dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes, dont 135.000 euros pour La Réunion. Cet argent sera ensuite réparti, notamment parmi les associations, petites comme grandes, garantit Marlène Schiappa.

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"135.000 euros, ce n'est pas beaucoup et il faut le dire"

Thérèse Baillif, au coeur de l'action, tempère : "135.000 euros, ce n'est pas beaucoup et il faut le dire". Récemment décorée par le président de la République pour son engagement, elle ajoute que "pour les associations qui tirent la langue, c'est trop peu pour être efficace et essayer d'inverser cette courbe exponentielle de violence".

Cette annonce restait cependant très attendue par les associations. Et des annonces en général, il y en a eues, il faut le reconnaître. Les acteurs et actrices du quotidien s'en réjouissent malgré tout. La prise de conscience est en marche, elle se concrétise à travers des propositions, qu'il faudra surveiller à la loupe.

Toute convention demande concrétisation

A commencer par cette plateforme censée aider à réduire l'inégalité professionnelle entre les femmes et les hommes et appelée "Chancégal". Un site qui s'assume comme étant pédagogique pour aider les entreprises à mieux gérer les écarts de salaires, les nominations aux hauts postes et le traitement différent entre femmes et hommes face aux urgences familiales.

Les entreprises vont-elles vraiment s'appuyer sur ce site pour réduire les inégalités entre salariées femmes et salariés hommes ? A surveiller.

Le Grenelle péi, lui aussi, contient 5 actions principales qui se veulent fortes car portées par les associations. Parmi elles, doubler le nombre d'assistants sociaux, qui seront 9 cette année et 15 en tout d'ici deux ans. Egalement mettre en place un 39 19 "créolisé", un numéro d'urgence qui fonctionnera 24h sur 24.

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Parmi les mesures évoquées, créer plus de relais pour accueillir les femmes victimes, ou encore leur donner la possibilité de quitter le département, en étant accompagnées financièrement.

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Ces 5 grandes mesures seront-elles mises en place rapidement et efficacement ?  Là aussi, à surveiller.

Thérèse Baillif a encore une fois parfaitement résumé la situation : "beaucoup d'intentions, beaucoup de promesses, beaucoup de choses. Mais nous les associations sommes pragmatiques, nous attendons la réalisation".

La spécificité réunionnaise prise en compte

En somme, impossible de dire que cette visite fut vide. Et c'est assez rare pour le souligner : oui Marlène Schiappa a pris conscience des spécificités de La Réunion, sans bien connaître pour autant notre île comme elle l'a souligné à son arrivée. Mais les associations locales ont été écoutées.

Ainsi La Réunion souffre du fléau de l'alcoolisme, qui fait partie intégrante des affaires de violences conjugales, sans être pour autant une circonstance atténuante. A ce sujet, Marlène Schiappa a bien expliqué qu'elle ne voulait pas "qu'on dédouane la responsabilité des auteurs de violences." Elle a cité en exemple les femmes victimes d'alcoolisme, "ce n'est pas pour autant qu'elles frappent ou tuent leurs époux". Sans citer pour autant l'affluence de promotions pour des boissons alcoolisées dans les grandes surfaces, elle a estimé que "l'action de pédagogie" devait être renforcée.

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Sur la question de l'éloignement du conjoint violent aussi, la secrétaire d'Etat a admis que les ordonnances d'éloignement sur un terrain insulaire est une chose "extrêmement compliquée" et que "ce n'est pas à la victime de partir, c'est à l'auteur de violence". C'est d'ailleurs un point évoqué dans le Grenelle spécifique à La Réunion : prioriser un départ de l'auteur de violences du domicile, plutôt que chercher un logement pour la femme et les enfants victimes.

Fut également évoquée pendant ce Grenelle l'idée de prévenir les femmes victimes de violence quand leurs bourreaux sortent de prison.

Sur le mauvais usage des financements, Marlène Schiappa a rappelé que les téléphones grave danger (TGD), 25 à La Réunion, n'étaient pas distribués. En effet, ils "restent dans un placard" a-t-elle déploré. "Il faut que les magistrats les attribuent."

Marlène Schiappa reviendra

Il y a des choses à améliorer, il y a des annonces sur la table. Mais les acteurs sur le terrain sont méfiants et il faut les comprendre. Car les mesures annoncées doivent être concrétisées et appliquées. C'est ce qu'attendent les associations, c'est ce qu'attendent les femmes. Les violences conjugales, c'est l'affaire de tous.

Il y a urgence. Cette année, 1.670 affaires de violences conjugales ont été dénombrées, contre 1.513 l'année dernière, soit une augmentation de 10%. On compte en moyenne 185 femmes victimes par mois, soit 6 par jour.

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"Je vais être tenue de revenir à La Réunion pour voir comment évolue ce Grenelle des violences conjugales et où on en est" a conclu Marlène Schiappa à la préfecture ce jeudi 7 novembre. C'est noté.

mm / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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