Les filles achèteraient plus et plus cher que les garçons

Effets scolaires - Sexisme, stratégie commerciale... les clichés ont la vie dure

  • Publié le 8 août 2016 à 09:12

Stylos, agendas, classeurs... L'heure des courses pour la rentrée scolaire est arrivée. A quelques jours de la reprise pour les plus jeunes à La Réunion, il est nécessaire de remplir le cartable... Mais attention, les achats dépendront probablement du sexe de l'enfant, tandis que les marques sous lesquelles sont commercialisés les effets scolaires, ne prennent pas ce détail à la légère. Réputées pour acheter plus et s'intéresser davantage au matériel de bureau, les filles et jeunes femmes sont la cible de plusieurs produits phares (et de clichés), qui sont souvent vendus plus chers que ceux pour les garçons. De grandes marques n'hésitent pas non plus à créer des effets "100% filles", comme des stylos ou des agendas. Sexisme ou stratégie commerciale ?

A La Réunion comme ailleurs en France, il n'est pas rare de voir les rayons des grandes surfaces ou des magasins spécialisés se remplir de produits griffés de toute sorte à l'arrivée de la rentrée scolaire. Période souvent cruciale pour les papeteries, elle l'est aussi pour les grandes marques du secteur, qui visent une clientèle restreinte pour l'occasion. Sans trop d'étonnement, il est possible de constater que la gent féminine est au centre d'une stratégie commerciale précise, qui peut parfois tomber dans le sexisme.

"Soyons honnêtes, cela dépense plus pour les filles

Dans une librairie dionysienne, même combat. En entrant, un ilot, séparé en deux (un côté garçon, un côté fille) présente fièrement la large gamme d'agendas scolaires pour l'année scolaire 2016-2017. D'un côté, plusieurs modèles sombres, affichants super héros et skate board. De l'autre, princesses, animaux, et instruments de musique.

Si le côté fille est un peu plus fourni que celui des garçons, c'est parce que "le business" le veut ainsi. En effet, "60% des effets commandés sont pour les filles et 40% pour les garçons. En général les garçons sont un peu "jemenfoutiste". Ils prennent quelques marques mais ne se dirigeront pas vers le beau stylo, ou les produits griffés. C'est bien plus facile de commander pour les filles parce que l'on sait que ça va plaire. Pour les garçons ne sait pas réellement quel type de produits fantaisie il faut mettre en avant" témoigne Jean-Yves, le gérant du rayon papeterie de la librairie Autrement.

Les commerçants commandent plus d'effets féminins parce qu'ils se vendent mieux. Jugées comme de "bonnes clientes", les filles et jeunes femmes seraient plus friandes de ce genre de produits et seraient plus difficiles à satisfaire, d'où le choix croissant en matière de cahiers, de gommes ou de cartables. Cette donnée expliquerait peut-être aussi pourquoi le matériel connoté pour les filles est vendu plus cher que celui "réservé" aux garçons. "C'est assez logique… Les affaires pour les garçons sont banales. Chez les filles, il y a beaucoup plus de références et soyons honnêtes, cela dépense plus pour les filles que pour les garçons alors du coup c'est plus cher" lance Jean-Yves.

La cible phare des grandes marques

Si la mode dicte évidemment les tendances, même en matière d'effets scolaires, cette dernière influence aussi les "créations" des grandes marques spécialisés, quitte à virer lègèrement vers le sexisme. C'est ainsi qu'il sera possible d'acquérir un agenda 100% réservé aux filles ou un stylo spécialement conçu pour les mains de femmes (et vendu plus cher que les autres), comme l'a fait le géant Bic. La marque a depuis retiré le stylo de la vente, après d'être attiré les railleries de la gent féminine sur internet qui n'a pas omis de préciser que les rasoirs roses de la marque française étaient aux aussi sexistes et plus onéreux.

 

 

Pour ce qui est la préparation des listes scolaires, plusieurs enseignes en ont fait un service gratuit pour les clients. Quand il s'agit du choix des produits, certains préparateurs préfèrent demander les goûts des jeunes élèves, avant de fournir le panier. D'autres iront d'emblée vers les couleurs réputées pour plaire aux filles, soit le rose, le mauve ou le violet. Il sera évidemment possible d'en changer avant d'acheter, bien qu'il soit facile de constater que les clichés ont la vie dure.

"Papa travaille, maman cuisine"

Enfin, si le débat des effets scolaires jugés sexistes ne s'illustre que par quelques exemples, celui de la théorie du genre dans les manuels scolaires a pour sa part animé les foules. Une étude a en effet passé au crible une vingtaine de livre de lecture destinés aux classes de CP, parus entre 2008 de 2015.

Les résultats ont témoigné de la sous-représentation des femmes et des filles (39%) dans le contenu et d'un certain nombre de stéréotypes. "Femmes à tous faire et pères invisibles" font partie des clichés constatés, tout comme, "d’une manière générale, on voit donc que filles et garçons ne font pas les mêmes activités. Les garçons apparaissent dans un panel d’activités plus varié que celui des filles, qui sont plus souvent à l’intérieur et/ou occupées au soin des autres" relate l'étude. De même, l'image du "prédateur" est systématiquement masculine, soit une image faussée de la réalité renvoyée au jeune public.

Si les pratiques vienent à évoluer, les clichés représentés au sein du système d'enseignement et parmi les modes commerciales favorisent la discrimination dès le plus jeune âge. Il en va de soi qu'un garçon a parfaitement le droit d'aimer le rose et la cuisine et qu'une fille est parfaitement capable d'écrire avec un stylo classique. Pour l'heure, il s'agirait d'en convaincre les secteurs concernés.

www.ipreunion.com

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