Décès de Paul Vergès : Un intarissable flot de réactions

La Réunion rend hommage à l'un de ses derniers grands hommes

  • Publié le 13 novembre 2016 à 06:00

Son décès a déclenché un flot intarissable d'hommages de tous les côtés. Politiques, proches, anonymes, associations... tous ont tenu à saluer la mémoire d'un des derniers grands hommes de La Réunion. Car Paul Vergès a profondément marqué la vie de l'île. Défenseur ardent de l'autonomie, fondateur du PCR, et combattant de la cause ouvrière, l'homme politique a enchaîné les mandats. Rétrospective sur un parcours exceptionnel.

L'annonce de son décès a été diffusée tôt dans la matinée de ce samedi. Le fondateur du parti communiste réunionnais, âgé de 91 ans, s'était éteint dans la nuit, au CHU de Bellepierre. Il y était hospitalisé depuis déjà plusieurs jours.

Première à lui rendre hommage : Nassimah Dindar, présidente du Conseil Départemental, qui a remercié celui qui fut "un puissant bâtisseur de La Réunion, portant et concrétisant des projets majeurs de développement de l’île". Les réactions se sont ensuite enchaînées toute la journée, de tous les horizons. Du côté de l'Elysée, François Hollande a salué la mémoire d'un "résistant, militant anticolonialiste" qui a "toujours défendu l'égalité". Son premier ministre, Manuel Valls, a affirmé que "sa voix manquera dans le débat politique". L'artiste Thierry Gauliris a lui, tiré "son chapeau" à cet homme "qui a su porter sa pierre à l'édifice pour La Réunion". Le parti communiste réunionnais a témoigné sa douleur en appelant les Réunionnais à se rassembler pour rendre un dernier hommage à celui qui fut leur fondateur.

Sur les réseaux sociaux, nombreuses ont aussi été les réactions d'anonymes. Le nom de Paul Vergès est notamment resté dans les tendances, sur Twitter, une bonne partie de la journée. Plus de 3000 tweets ont été postés, suite à l'annonce de son décès.

 

- Le souvenir d'une carrière politique exceptionnelle -

 

L'infatiguable défenseur du progrès à La Réunion laisse derrière lui le souvenir d'une carrière politique exceptionnelle. Retour sur un parcours qui restera certainement gravé dans la mémoire de nombre de Réunionnais.

Paul Vergès était le frère jumeau du célèbre avocat Jacques Vergès, décédé en 2013, et le fils de Raymond Vergès qui a oeuvré à la départementalisation de La Réunion, des Antilles et de la Guyane en 1946. Paul Vergès voit le jour en Thaïlande, le 5 mars 1925. Son père est alors consul de France au Vietnam. Sa mère, d'origine vietnamienne, meurt en 1928. Raymond Vergès et ses deux fils arrivent à La Réunion quelques années plus tard, en 1932. Les jumeaux sont scolarisés dans le seul lycée existant à cette époque, à Saint-Denis.

Il a 17 ans lorsqu'il s'engage dans les Forces Françaises Libres (FFF), aux côtés de son frère Jacques. Il combattra en France métropolitaine avant de démissionner de l'armée, lorque des militaires des FFF sont envoyés en Indochine pour affronter les insurgés.

C'est en 1946, année de départementalisation de La Réunion, que le futur fondateur du PCR, est impliqué dans une bagarre qui éclate en plein centre-ville de Saint-Denis. La campagne des législatives bat alors son plein. Alexis de Villeneuve, adversaire de Raymond Vergès, est tué par arme à feu. Paul Vergès est accusé. La cour d'assises de Lyon le condamne à de la prison avec sursis, il sera ensuite amnistié. L'homme a cependant toujours nié être l'auteur des faits.

 

- "La départementalisation est un rêve raté" -

 

Au milieu des années 1950, Paul Vergès signe son retour définitif sur l'île. L'île souffre alors d'une grande misère sociale et d'un retard de développement économique que la récente départementalisation ne parvient pas à soulager. C'est le début d'une longue carrière politique. Il occupe le poste de rédacteur en chef du journal fondé par son père, Témoignages. Son fer de lance : la lutte des classes ouvrières. Son premier mandat est à Saint-Paul, où il occupe le poste de conseiller général en 1955. Suivant le sillage de son père, proche du Parti Communiste Français (PCF), il le quitte "pour mieux ancrer la revendication identitaire réunionnais". Naît alors le Parti Communiste Réunionnais (PCR). Autonomie est son mot d'ordre, puisque "la départementalisation est un rêve raté".

 

- Le PCR, premier parti de l'île -

 

Cette prise de position est applaudie par nombre de Réunionnais, qui rejoignent les rangs du nouveau parti. C'est le départ d'un combat acharné - et souvent violent - entre les partisans de l'autonomie et les "départementalistes" avec à leur tête Michel Debré, ancien premier ministre du Général de Gaulle.

Son dernier grand combat, Paul Vergès le mène au milieu des années 1980, lorsqu'il démissionne de son mandat de député. Sa revendication est sans appel : il demande le versement à parité avec la France métropolitaine des prestations sociales et du Smic. Il obtiendra gain de cause au début des années 1990.

Entre-temps, le PCR est devenu le premier parti politique de l'île. Paul Vergès enchaîne deux mandats à la tête du Conseil Régional à partir de 1998. Il y restera jusqu'en 2010. Sous le poids d'un appareil qui a fini par le couper de ses bases populaires, le chef du PCR sera battu par Didier Robert, l'actuel président de la Région. Le parti a depuis entamé une inexorable décrépitude électorale conjuguée à une désertion de ses cadres historiques.

 

- Un politicien visionnaire -

 

Après l'annonce de son décès, François Hollande a salué la mémoire d'un "visionnaire". Paul Vergès était déjà qualifié ainsi de son vivant, y compris par ses adversaires politiques : il a notamment été l'une des premières personnalités à mettre en garde contre le réchauffement climatique.

Si la vie de Paul Vergès a été marquée au fer rouge par la politique, elle a aussi été marquée du côté familial. Marié et père de quatre enfants, la mort frappe l'homme de plein fouet lorsque l'un de ses fils, le député Laurent Vergès, est décédé des suites d'un accident sur la route du Littoral.

Le flot intarissable de réactions montre bien l'empreinte que laisse Paul Vergès sur le paysage réunionnais. Pas seulement d'un point de vue politique, mais aussi au niveau humain. Un hommage militant est prévu ce dimanche à Sainte-Suzanne. L'ensemble des Réunionnais y est invité, pour un ultime salut à celui qui fut l'un des derniers grands hommes de l'île.



 

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