France - Après la mort d'un nourrisson

Suspension de la commercialisation de l'Uvestérol D

  • Publié le 4 janvier 2017 à 09:19

Les "investigations disponibles à ce jour" sur la mort le 21 décembre d'un nourrisson de dix jours qui avait reçu une dose d'Uvestérol D "mettent en évidence un lien probable entre le décès et l'administration" du médicament, a annoncé mercredi l'ANSM.

"Aussi, en dépit des mesures de réduction des risques mises en place depuis 2006 pour sécuriser l?administration et le renforcement des recommandations, l'ANSM lance, par mesure de précaution, une procédure contradictoire auprès du laboratoire en vue de la suspension de la commercialisation de sa spécialité Uvestérol D, dans les prochains jours", précise l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans un communiqué.

Le rappel des faits

Que s'est-il passé le 21 décembre ?

Un nourrisson âgé de dix jours est décédé "à son domicile" par "arrêt cardio-respiratoire" après avoir reçu une dose d'Uvestérol D, a expliqué l'Agence du médicament (ANSM) dans un communiqué. L'enfant, "sans antécédent", a présenté "des signes de suffocation (...) immédiatement après l'administration" du produit, "deux heures après la tétée", a détaillé l'ANSM dans un courrier électronique envoyé le 30 décembre aux centres régionaux de pharmacovigilance, dont l'AFP a obtenu copie. Aucun détail n'est donné sur le délai entre la suffocation et l'arrêt cardio-respiratoire.

Un "bilan complet" (clinique, biologique, radiologique...) a été réalisé et une autopsie "recommandée", souligne dans ce message l'ANSM, ajoutant être "en attente" des résultats de l'investigation. L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a de son côté précisé que le nouveau-né n'avait "jamais été transféré ou pris en charge" à l'hôpital Cochin, comme indiqué par Le Figaro mardi soir. Le quotidien évoquait mercredi un transfert à l'hôpital sud francilien de Corbeil-Essonnes.

Quel est le produit concerné? Pourquoi est-il prescrit?

L'Uvestérol D est un médicament très courant à base de vitamine D, produit par le laboratoire français Crinex. Il se présente sous forme liquide, dans un flacon dont on extrait, à l'aide d'une pipette, la dose à administrer.
Il est indiqué "dans la prévention et le traitement de la carence en vitamine D chez le nouveau-né, le nourrisson et l'enfant jusqu'à 5 ans", rappelle l'ANSM.

La vitamine D est naturellement produite par notre corps, sous l'effet des rayons du soleil. Lorsqu'elle n'est pas synthétisée en quantité suffisante, il y a un risque de rachitisme, un manque de calcification des os et des cartilages qui se traduit par des retards de croissance.
Elle est également souvent prescrite aux adultes, en particulier aux femmes enceintes ou qui allaitent, aux personnes âgées, à celles peu exposées au soleil ainsi qu'à celles ayant une peau très pigmentée.

Pourquoi ce produit était déjà sous surveillance?

Le lien entre ce décès et l'Uvestérol D n'est pas formellement établi, explique l'agence du médicament, qui attend les "premières conclusions" de l'enquête dans "les prochains jours".

"Une dizaine de millions d?enfants ont été traités grâce à Uvestérol D" depuis sa commercialisation en 1990, "sans aucun décès à déplorer", souligne Crinex.

Plusieurs incidents graves (malaises avec apnée, "fausses routes"...) ont en revanche été signalés par le passé, liés au mode d'administration avec la pipette, valant au produit "une surveillance renforcée" depuis 2006, rappelle l'ANSM.

En 2006, puis à nouveau en 2013, l'agence a alerté sur les précautions à prendre chez les nourrissons: "toujours administrer le produit avant la tétée ou le biberon", installer l'enfant "éveillé" "en position semi-assise", laisser l'enfant "téter" la seringue ou faire couler le produit "goutte à goutte", ne pas l'allonger "immédiatement après l'administration", prévient la notice.

Le laboratoire a aussi reformulé le produit en 2014, désormais plus concentré pour que le volume à administrer soit plus faible (0,2 ml, soit quatre gouttes, contre 1 ml auparavant).

Mais "on ne dispose d'aucun élément tangible d'évaluation montrant que ces changements réduisent le risque de malaise" notait en 2015 la revue médicale Prescrire après avoir, en 2014, déploré l'absence de "prise en charge sérieuse du problème".
"J'appelle l'agence à suspendre la prescription", a réagi auprès de l'AFP Gérard Bapt, député socialiste spécialiste des questions de santé publique, se disant "sidéré par le manque de réactivité et de transparence" de l'ANSM.

Existe-t-il d'autres produits disponibles ?

L'utilité de la vitamine D en elle-même n'est pas remise en cause à ce stade pour les nourrissons.
Il existe "d'autres spécialités à base de vitamine D" destinées aux nouveau-nés et nourrissons qui "ne font pas l'objet de signalements et de malaises", souligne Prescrire, invitant à choisir ces alternatives, qui n'impliquent pas une administration directement dans la bouche.
Le ZymaD, du laboratoire Meda Pharma, est par exemple vendu en flacon compte-gouttes, pouvant être dilué dans le biberon.

AFP

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