Ce que l'on sait sur l'attentat des Champs-Elysées

Karim Cheurfi, un assaillant qui voulait s'en prendre aux forces de l'ordre

  • Publié le 21 avril 2017 à 16:41

Un assaillant connu pour son intention de tuer des représentants des forces de l'ordre, une revendication du groupe jihadiste Etat islamique (EI) qui pose question : ce que l'on sait de l'attaque jeudi soir sur les Champs-Elysées où un policier a été tué et deux autres blessés à trois jours de l'élection présidentielle.


- L'attaque

Vers 21h00 jeudi (23h Heure de La Réunion), une voiture s'arrête à la hauteur d'un car de police garé dans le haut de l'avenue des Champs-Elysées à Paris. Le conducteur sort et tire à l'arme automatique contre le véhicule des forces de l'ordre, tuant l'un des policiers et essayant de s'en prendre aux autres en courant.
L'assaillant est tué après avoir blessé deux autres policiers, dont l'un grièvement d'une balle au bassin, ainsi qu'une touriste allemande touchée au talon, a précisé une source policière.
Dans la voiture, les enquêteurs ont retrouvé un fusil à pompe, deux gros couteaux et un sécateur.

 

 


- L'assaillant identifié
Né le 31 décembre 1977 à Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), autre commune de la banlieue nord-est de Paris, l'agresseur est un Français de 39 ans, Karim Cheurfi, résidant à Chelles (Seine-et-Marne) et connu de la police et de la justice. Il avait été arrêté le 23 février, parce qu'il était soupçonné de vouloir s'en prendre à des policiers, selon des sources proches de l'enquête.
Une intention qu'il aurait confié à des proches, précise l'une des sources. Il avait été remis en liberté faute de preuves suffisantes. D'après cette source, cette procédure était ouverte au parquet de Meaux. Mais par la suite, la section antiterroriste du parquet de Paris avait aussi ouvert une enquête préliminaire.
Karim Cheurfi avait déjà été condamné en 2005 par la cour d'assises d'appel du Val-de-Marne à 15 ans de réclusion pour tentatives d'homicide volontaire : en 2001, il avait blessé grièvement par balles un élève gardien de la paix et son frère, après une course-poursuite en Seine-et-Marne. Pendant sa garde à vue, il avait de nouveau blessé un policier après lui avoir volé son arme. En liberté conditionnelle, il était retourné en prison, après une nouvelle condamnation pour vol aggravé par le tribunal de Meaux en 2014 à quatre ans de prison, dont deux ans de sursis avec mise à l'épreuve.
Selon une source proche de l'enquête, cet homme sans profession ne présentait pas de signes de radicalisation en détention. Depuis mars, il était visé par une enquête antiterroriste confiée à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) mais n'était pas "fiché S", selon une de ces sources.
L'homme a semblé avoir agi seul et des investigations sont en cours pour établir "s'il a bénéficié ou pas de complicités", a indiqué le procureur de la République à Paris, François Molins. Trois membres de son entourage étaient interrogés en garde à vue vendredi matin.

"Ici, tout le monde le connaît, c'est quelqu'un qui a perdu la raison, de psychologiquement vraiment atteint", confie à l'AFP sous couvert d'anonymat un habitant de son quartier calme et pavillonnaire de Chelles (Seine-et-Marne), qui dit le connaître depuis plus de vingt ans. "Ses actes, ses réactions, sa façon de marcher, son attitude étaient en décalage, comme s'il venait de Mars", poursuit-il.
"Il a un grain", confirme Salim, qui se présente comme un ami d'un de ses cousins, et assure l'avoir vu pour la dernière fois "il y a deux ou trois semaines". "Il était marqué par la prison mais pas marqué par la religion ou autre", estime Mohammed, 21 ans, qui vit dans la petite cité HLM proche du pavillon où Karim Cheurfi vivait chez sa mère. "Il avait une haine de la justice et de la police(...), il a peut-être pété un plomb en sortant de prison".Après sa libération conditionnelle, il n'avait pas particulièrement fait parler de lui. "On avait des petits dossiers sur lui mais rien de transcendant. Depuis sa sortie de prison, il avait réussi à se faire un peu oublier", indique une source policière.
Du reste, Karim Cheurfi n'est pas décrit dans son voisinage comme un homme radicalisé ayant pu graviter dans la nébuleuse salafiste jihadiste.
"Vous lui disiez "Daech" (un acronyme en arabe de l'EI, NDLR), je suis sûr qu'il ne savait même pas ce que c'était", balaye Salim. "Il ne savait même pas se servir d'une télécommande, alors aller sur internet et contacter "Daech", j'imagine pas!", développe-t-il.
Abdel, un autre voisin de 23 ans, abonde: "il avait une haine contre la police, contre la France. Il était marqué par la prison. Mais Daech, c'est n'importe quoi".
L'homme n'était pas non plus connu comme ayant une quelconque pratique musulmane communautaire. "Je vais souvent à la mosquée, je ne l'y ai jamais vu", dit Salim. Même constat chez un autre riverain, qui décrit un homme "absolument pas religieux".


- La revendication jihadiste
L'attaque a été presque aussitôt revendiquée par le groupe jihadiste Etat islamique (EI), à l'origine de la plupart des attentats, parfois de masse, qui ont fait 238 autres morts depuis 2015 en France. "L'auteur de l'attaque des Champs-Elysées dans le centre de Paris est Abu Yussef le Belge, et c'est un des combattants de l'Etat islamique", précise un communiqué publié par son organe de propagande Amaq.
Mais cette revendication pose question puisque l'identité semble différer de celle du Français abattu sur les Champs-Elysées.
Correspond-elle à celle d'un homme signalé jeudi à la France par les services belges ? "L'homme faisant l'objet d'un avis de recherche diffusé par les autorités belges s'est présenté dans un commissariat d'Anvers", dans le nord de la Belgique, a annoncé le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Pierre-Henry Brandet.
Selon le parquet fédéral belge, "il n'y a pas de lien entre cet événement (la fusillade à Paris, ndlr) et la Belgique", mais "l'enquête se poursuit".


- Un policier tué
Le policier tué dans l'attaque, Xavier Jugele, 37 ans, était membre de la 32e compagnie de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police de Paris.
Les policiers et les militaires sont des cibles privilégiées pour les radicalisés agissant au nom du jihad qui ont multiplié les actions violentes à leur encontre en France ces dernières années, conformément aux consignes explicites du groupe EI.
Le 13 juin 2016, un policier et sa compagne ont ainsi été tués à leur domicile, à Magnanville, à l'ouest de Paris, par un homme qui s'était réclamé du groupe EI.
Des militaires ont aussi été blessés dans des attaques récentes, le 18 mars à l'aéroport parisien d'Orly et le 3 février au Carrousel de Louvre. Trois militaires figurent parmi les sept victimes tuées en mars 2012 par le jihadiste Mohamed Merah, 23 ans, à Toulouse et Montauban.

AFP

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