Les auditions se sont poursuivies ce mercredi 21 juin 2017 dans l'enquête préliminaire menée par le parquet national financier (PNF) pour corruption, favoritisme et trafic d'influence dans l'attribution des marchés de la nouvelle route du littoral (NRL). A l'issue de cette deuxième journée d'auditions menées à la caserne Vérines, à Saint-Denis, les gardes à vue du conseiller régional, Dominique Fournel, ainsi que celles des trois administratif de la collectivité ont été levées ce mercredi soir. Les auditions pourraient se poursuivre ce jeudi. Par ailleurs, de sources proches de l'enquête on souligne qu'avant l'ouverture des plis concernant le marché de la NRL, la collectivité régionale avait été mise en garde par son cabinet juridique contre des risques de dysfonctionnement.
Ces sources indiquent que cet avertissement a été adressé peu de temps avant l'ouverture des plis par la commission d'appel d'offres, le 15 octobre 2013. C'est le cabinet juridique de Maitre Monod, avocat au barreau de Paris et représentant les intérêts du Conseil régional, qui avait alerté la collectivité sur le risque de dysfonctionnements.
Ces sources ajoutent qu'une réunion a eu lieu la veille de l'ouverture des plis, en présence d'un avocat du cabinet Monod. Au cours de cette rencontre, il a notamment été question de ce "risque de dysfonctionnement". Les échanges entre les différents participants à la réunion auraient été parfois vifs. "Il semblerait que ces mises en garde n'aient pas suffisament retenu l'attention de la collectivité régionale", commentent les même sources.
Elles ajoutent que l'ensemble du dossier, au centre de l'enquête préliminaire actuelle, découlerait de ce manque d'attention supposé. Les enquêteurs du PNF actuellement présents à La Réunion se seraient intéressées de très près à cet épisode. Ils auraient cherché à déterminer avec précision qui a assisté à cette réunion d'avant ouverture des plis. Une invitation pour cette rencontre avait été adressée par mail à plusieurs personnes. Certaines d'entre-elles affirmeraient maintenant ne pas en avoir eu connaissance contrairement à ce que déclaraient d'autres participants à la rencontre.
- Tard dans la nuit -
Mardi matin, avaient été placés en garde à vue Ahmed Mohamed, direeur général des services de la Région, Nicolas Morbé, directeur adjoint des routes, Clément Padre, directeur juridique de la collectivité et Dominique Fournel, vice-president du conseil régional chargé de la NRL au moment des faits supposés en 2013. C'est à cette date que le marché de 1,2 milliard d'euros avait été attribué au groupement Vinci/Bouygues pour la construction de la Route du littoral. Le groupe Eiffages s'était vu attribuer la partie congrue du marché évalué à 400 milllions d'euros.
L'élu régional et les trois salariés de la collectivité se trouvaient toujours en garde à vue mercredi matin lorsque Roger Georges, dirigeant de la SBTPC, membre du groupement Vinci/Bouygues, est arrivé à la caserne Vérines, où ont lieu toutes les auditions, en compagnie de son avocat Maître Marc Courteaud du barreau de Paris. Le chef d'entreprise est ressorti livre de la caserne en début de soirée.
Les gardes à vue de Dominique Fournel et celles des trois administratifs ont été levées en milieu de nuit.
Toujours ce mercredi, Michel Allamèle, chef d'une entreprise de terrassement et dirigeant d'un syndicat local du BTP a pour sa part été entendu en qualité de témoin. Interrogé à l'issue de son audition, ce dernier a déclaré "si ces gens (les enquêteurs du PNF - NDLR) sont là, c'est qu'ils ont des éléments sérieux. Ils ne seraient pas venus de Paris si cela n'était pas le cas".
Avant d'être entendu, Michel Allamèle avait violemment mis en cause des personnes devant la presse, et affirmé "avoir des révélations à faire et des témoignages à apporter". Un ancien membre du Cabinet de Didier Robert a également été entendu.
Karine Nabeneza, conseillère d'opposition centriste à la majorité régionale du président Didier Robert (LR) a été auditionné pendant plus de deux heures par les enquêteurs du PNF en qualité de témoin. Il y a quelques mois elle avait effectué un signalement au parquet national financier. Elle estime en effet que "plusieurs éléments pourrait laisser supposer l'existence de dysfonctionnements".
- Menaces de mort -
Lesquels dysfonctionnements supposés porteraient sur "les conditions de l'exécution du marché qui peuvent paraître floues. En effet, il semble y avoir une confusion entre le rôle du maître d'ouvrage, le conseil régional en l'occurence, et celui du groupement attributaire du marché. La Région semble agir comme si il lui revenait d'alimenter le marché en roches massives. Or, c'est plutôt aux prestataires de s'assurer de la fiabilité de son approvisionnement" explique une source proche du dossier.
"Je vais redire aux enquêteurs ce qu'il y avait déjà dans mon courrier de signalement. J'espère qu'il n'y aura pas de problème par la suite" a pour sa part déclaré Karine Nabeneza à son arrivée à la caserne Vérines.
Elle faisait allusion aux menaces de mort peintes sur le portail du domicile de Thierry Robert dans la nuit de mardi à mercredi. "Avec ce que tu as dit sur la route du littoral, cet après-midi, tu es mort" a-t-il été inscrit en créole réunionnais sur le grillage du principal opposant LPA au président de Région Didier Robert.
Thierry Robert avait été auditionné pendant un peu plus de deux heures par les enquêteurs en tant que témoin suite à un signalement qu'il a effectué après du PNF.
Retrouvez le live de la journée de mercredi ici
Pour rappel
Les enquêteurs du parquet national financier (PNF) quant à eux sont arrivés à la caserne Vérines à Saint-Denis, ce lundi 19 juin 2017, où se tiennent les auditions dans le cadre de l'enquête préliminaire du PNF sur l'attribution du marché de la Nouvelle route du littoral. Ils sont au moins deux à avoir pris le premier vol en provenance de Paris. Maître Daoud, avocat de la collectivité régionale, se trouve également sur l'île.
C'est deux jours avant le premier tour des élections législatives qu'une série de convocations a été remise par les gendarmes à plusieurs élus dans le cadre de l'enquête diligentée par le PNF. En question, l'attribution des marchés de la NRL au groupement Vinci/Bouygues et GTOI/SBTPC pour un montant s'élevant à environ 1,6 milliard d'euros.
Une enquête préliminaire sur l'attribution des marchés de la nouvelle route du littoral a été ouverte pour "corruption" et "favoritisme" depuis début 2015. 11 perquisitions ont été menées simultanément par la brigade financière de la gendarmerie le jeudi 8 octobre 2015 à partir de 6 heures du matin. Sous l'autorité du parquet national financier, les forces de l'ordre sont notamment intervenues au conseil régional, au domicile du président du conseil régional Didier Robert situé à la Montagne et à la SBTPC. Des perquisitions ont également été menées dans les domiciles de Dominique Fournel, Jean-Louis Lagourgue et de collaborateurs proches du président de Région.
Le mardi 3 mai 2016, une nouvelle série de perquisitions a eu lieu chez des proches de Didier Robert et notamment au domicile de son épouse, Corinne Robert, dans les hauts de Saint-Paul. Au même moment, des gendarmes se rendaient à la Région et avaient un entretien de plus de deux heures avec le directeur de cabinet du président.
Le mardi 27 septembre 2016, les enquêteurs étaient de retour au Conseil Régional. Arrivés vers 9 heures, ils en repartaient à 18h20 avec plusieurs sacs de documents.
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Merci et bon week-end !
Les gardes à vue ont été levées parce qu'elles avaient atteint la limite dans ce genre d'affaire ou parce qu'elles n'étaient plus nécessaires ? (Bonjour Chaban, les enquêteurs avaient encore une quinzaine d'heure de garde à vue de disponible, il est donc permis de penser que ces gardes à vue n'étaient plus nécessaires à ce stade - webmaster)