[PHOTOS-VIDÉOS] Début de campagne sucrière dans le Nord-Est

La gueule de bois des planteurs

  • Publié le 21 juillet 2017 à 02:59

Richesses de cannes en perte de vitesse, centaines d'hectares dégradés par les conditions météos défavorables, trésoreries dans le rouge.... Les agriculteurs connaissent un retour difficile dans les champs. La faute au retard lié au plus long conflit social de l'histoire de la filière cannes-sucre. Certains planteurs, installés au volant de leur tracteur, livrent leurs marchandises à l'usine de Bois Rouge. Un ballet de véhicules agricoles observé depuis ce lundi 17 juillet 2017, jour du lancement de la coupe dans le Nord-Est. (Photo d'illustration)

 

Ce jeudi 20 juillet, Paul, exploitant d’une dizaine d’hectares, s'apprête à décharger sa production à la structure de Saint-André. "J’ai participé à la grève et je n’ai pu ni préparer les champs ni m'occuper de l’organisation des coupeurs. Deux d’entre eux sont allés cherchés du travail ailleurs. J’aurais déjà dû envoyer une cinquantaine de tonnes à l’usine. C’est une perte de plus de 2 000 euros", commente-t-il, entre deux bouffés de cigarette.

Il savoure sa pause, en attendant de peser son chargement. Le professionnel observe un  technicien en train d’évaluer la richesse des cannes d’un autre confrère. Il procède à des prélèvements. Des mesures détaillées sur les images suivantes par l'opérateur.

 

 

Paul parle, lui, d’une perte de ressources. En cause: l'incidence directe de la météo sur l’activité. La faute, là aussi, au démarrage tardif de la coupe. Clément, propriétaire de moins de 5 ha à Sainte-Marie, décrypte ce phénomène. "Après la pluie, on sait quand couper afin d’avoir une bonne richesse, dès que l’ensoleillement revient. Mais là, avec le retard dans le début de la coupe, je n’ai pu livrer à temps et j'ai perdu en richesse", décrit-il, désabusé.

Dans le métier, depuis une dizaine d’années, l’homme de 37 ans insiste sur les crédits qu’il doit honorer tous les mois. "Quelques milliers d’euros à sortir pour rembourser les acquisitions d’engins et de machines", lâche-t-il. Même sentiment de découragement chez Julien, jeune agriculteur de 30 ans, basé à Saint-André. Il évoque une mauvaise convention canne 2017-2021 signée entre les représentants de planteurs et Téréos.

- Début de campagne médiocre -

Cet accord prévoit une progression de 2,60 € du prix de la tonne, une prime d’intéressement de 0,88 centimes et une aide à la production de 0,4 cts pour les producteurs de moins de 700 t. "Quand je prends l’augmentation du prix de la tonne et que je la ramène aux coûts de l’exploitation et à ceux que je dois payer en tant qu’exploitant, je suis perdant. Cette trésorerie supplémentaire servira à payer mes coupeurs, le carburant ou le matériel. Cela ne va pas dans ma poche", lance, amer, le trentenaire.

Ferdinand, de 20 ans son aîné, partage ce constat. Il travaille également dans les champs saint-andréens. Et dénonce un début de campagne médiocre. "Pour la coupe mécanique, je suis sur une richesse de 6 à 7. Alors que d’habitude, c’est plutôt du 8 à 9. Je n’ai pas eu le temps de couper comme il faut les têtes de cannes et la grève a eu beaucoup d’impact. On perd en richesse", annonce-t-il dépité. Sous ses yeux, le défilé des tracteurs se poursuit. Comme en témoignent la vidéo tournée à l'usine de Bois Rouge.

 

 

Côté chiffres, la Chambre d’agriculture recense 24 000 ha de cultures cannières dans l’île. Soit 2 900 planteurs dont 2 200 exploitent moins de 700 t. Dans le Sud-Ouest, la campagne va commencer ce lundi 31 juillet. Un exercice 2017 parfois compliqué avec le manque de main d’œuvre disponible. Notamment pour trouver des coupeurs. Philippe Alouette cultive 19,70 ha dans les hauteurs de Sainte-Suzanne. À Bagatelle et à La Ressource.

En deux jours, il vient de décharger une trentaine de tonnes à Bois Rouge. Il espère un rendement de 100 t d’ici la fin de la campagne. " Ceux qui peuvent se tournent vers la mécanisation. Coupeur de cannes n’est pas un métier qui fait rêver. On essaye de remplacer la main d’œuvre, qui n’existe plus ou qui n’est pas intéressante financièrement pour nous, par la coupeuse péi", explique-t-il. Un ouvrier perçoit une rémunération de 15 € par tonne de canne coupée.

"Dans le meilleur des cas, l’employé percevra 1 400 à 1 500 euros par mois. Et 1 000 € pour un mauvais mois", estime Patrice, un chauffeur, chargé du transport depuis Sainte-Marie. Auparavant, il coupait dans les champs. Juste devant lui, Philippe Alouette, attend lui aussi son tour pour entrer à la plateforme. Il analyse l’accord obtenu avec l’usinier.

"Couteau sous la gorge"

"On s’attendait à avoir les 6 € mais il a fallu faire un compromis en raison de l’arrivée du préfet qui nous a mis le couteau sous la gorge. Si on n’acceptait pas, on aurait été lésé car c’est la précédente convention qui aurait été appliquée", ajoute-t-il. Si un agriculteur ne parvient pas à recruter de la main d’œuvre, il peut opter pour l’utilisation d’une coupeuse technique. En la sous-traitant avec un autre planteur possédant ce type d’outil ou en louant la machine auprès de l’usine.

Une vie de professionnels de l’industrie cannière où l'on doit jongler. Notamment entre le manque de bras, la perte de richesse ou les contraintes financières. "Les gens ne voient pas tout ça. Ils disent tout le temps qu’on possède de gros 4x4 ou de beaux tracteurs. Ce n’est pas vrai", se défend un professionnel de la terre, implanté dans l’Est.

ts/www.ipreunion.com

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1 Commentaires
Ectoplasme
Ectoplasme
6 ans

Vous vouliez le beurre et l'argent du beurre? Et bien dansez maintenant!