La commune classée en risque financier important

Le carton rouge de la préfecture adressé à La Possession

  • Publié le 27 octobre 2017 à 08:53
  • Actualisé le 27 octobre 2017 à 11:03

Dans un courrier daté du 21 août 2017, la préfecture de La Réunion, par l'intermédiaire de son secrétaire général Maurice Barate et le directeur régional des finances publiques, alertaient Vanessa Miranville, la maire de La Possession sur une nouvelle dégradation de la situation financière de la collectivité. Elle se retrouve donc classée en risque important. Le préfet lui demande de présenter les actions envisagées cette année afin de maîtriser les dépenses et de soutenir les efforts en matière d'investissement. Objectif : améliorer de façon structurelle le budget. Les opposants à l'élue, eux, ne s'étonnent pas de ce "carton rouge sorti par la préfecture." (Photo d'archives)

 

Le secrétaire général Maurice Barate précise, lui, les contours du réseau d'alerte, existant depuis des décennies. Un instrument interne à l'administration destinée à suivre et à renforcer la prévention des difficultés financières des collectivités. Objectif : inciter les communes et les intercommunalités  à améliorer la qualité de leur gestion administrative, budgétaire ou comptable. Plusieurs indicateurs sont évalués : l'autofinancement dégagé par le cycle d'exploitation, la capacité à rembourser les emprunts et à financer les investissements nouveaux, le ratio des charges structurelles ou de surendettement...

Des données confidentielles de l'ensemble des collectivités sont ensuite examinées. "Il s'agit d'un travail régulier en profondeur mené au moins deux fois par an. Avant même que les communes soient en réseau d'alerte, il y a parfois des conseils et des recommandations faites par la préfecture ou la direction des finances. Il y a des courriers et parfois des convocations à des entretiens afin d'aller dans le détails des choses", lance-t-il. Une collectivité peut ne pas se trouver dans ce réseau d'alerte mais bénéficier de recommandations par exemple.

"Il peut y avoir des axes forts de mise sous tutelle parfois mais bien avant ce stade il peut y avoir des contraintes d'un niveau ou d'un autre ou des signalement à la Chambre régionale des comptes. Mais avant d'en arriver là, il y a tout un tas de paliers. On ne se retrouve pas du jour au lendemain dans une situation où l'on était au vert et où l'on passe à une situation extraordinaire. Il se passe souvent plusieurs années", ajoute-t-il. Impossible de savoir combien de collectivités sont suivies dans le cadre de ce réseau d'alerte.

Selon nos informations, huit d'entre elles auraient reçu un courrier de la préfecture et de la direction des finances concernant leur situation budgétaire. "Ce n'est pas parce que vous recevez ce courrier que c'est forcément négatif. Un exemple : nous écrivons aussi aux communes pour leur confirmer qu'elles sont dans le vert ou quand les choses arrivent dans une situation complètement stabilisée", commente-t-il. Autre analyse : celui d'un responsable financier d'une collectivité, souhaitant conserver l'anonymat. Il décrit aussi ce dispositif d'alerte.

- Déclenchement d'une procédure -

Cette procédure de mise en garde ne figure pas dans le Code des collectivités publiques. Seule la mise sous tutelle existe dans ce cadre. Pour un budget voté en déficit, des dépenses non-honorées ou déficitaires par exemple. Dans les deux cas, des échanges de courriers entre les services préfectoraux et les communes se déroulent.

"Parallèlement à la mise sous tutelle, cette procédure comporte trois zones. La verte, quand tout va bien pour la collectivité. Une seconde, orange, quand il y a quelques anomalies dans la commune et enfin, la zone rouge dans laquelle se trouve La Possession. À ce moment-là, on est dans l'antichambre du déclenchement d'une procédure devant la Chambre régionale des comptes", explique-t-il. Comme ce fut le cas de Saint-Louis, mise sous tutelle.

Les services préfectoraux, ceux des finances publiques et de la chambre régionale des comptes examinaient, eux, le 23 juin dernier les comptes de gestion 2016 et les budgets primitifs (BP) 2017 des communes. Dont ceux de La Possession. Ils relevaient une hausse des charges (+ 7,7 %), nettement plus élevée que celle des produits (+ 1,3 %). Ces chiffres entraînent une diminution de 45 % de la capacité d'autofinancement, désormais déficitaire (- 1,5 million d'euros). Il ressort du compte 2016 une progression importante des dépenses de personnel (+ 10,3 %).

Dans le BP, on observe aussi "une nouvelle hausse importante des charges au sein desquelles les dépenses de personnel progressent fortement (+ 12 %)", est-il indiqué dans le courrier commun de la préfecture et des finances publiques. Par ailleurs, l'épargne nette demeure négative. En 2016, l'analyse du compte 2015 marquait un redressement par rapport à l'exercice précédent. Depuis les choses se sont aggravées. Vanessa Miranville répondait également au préfet Amaury de Saint-Quentin.

- Mutualisation des services -

"En ce qui concerne l'évolution des charges évoquées, l'augmentation constatée est essentiellement due au financement de la crèche associative pour laquelle la ville reçoit une participation de la CAF a hauteur de 80 % de la dépense. La masse salariale au BP 2017 est prévue avec une augmentation de 4 % par rapport au compte administraif 2016 et non de 12 %", rectifie-t-elle. L'élue dévoile un certain nombre de pistes afin de générer des économies.

Mutualisation des services, externalisation du garage et de l'entretien des bâtiments communaux, non-reconduction de certains CDD, mise en place de tableaux de bord par un contrôleur de gestion ou encore réduction du nombre de manifestations. Autres solutions envisagées : la fermeture de trois mairies annexes, l'externalisation de la restauration dans les écoles de Mafate ou l'arrêt du travail des agents le dimanche dans les équipements sportifs, sauf pour l'accueil des compétitions de ligue.

Des décisions synonymes de dégradation du service public ? Vanessa Miranville balaye cette interrogation. "L'une des mairies annexes recevait 2 personnes par jour avec un loyer de 3.000 euros le mois et 2 agents. Pour les remplacer, nous sommes en train de mettre en place des permanences dans les quartiers. Pour les événements sportifs, nous avons demandé aux associations de concentrer les manifestations en semaine. Avec cette remise à plat, nous avons économisé 30 à 40.000 euros de masse salariale par mois. La lettre de la préfecture était envoyée en août. Depuis notre plan d'action en dix points a des effets", rétorque-t-elle.

- "Pas un bon signe" -

"Cette alerte n'est pas un bon signe mais on savait, en arrivant en 2014, que la situation financière était alarmante. Nous avons pérennisé la situation d'un tiers des agents qui étaient en contrats aidés. 500 personnes sur les 1200 employés. Nous avons dû régulariser le paiement des primes. La population progresse chaque année. Nous avons récupéré les voiries à Moulin Joli, il faut bien plus de personnel pour s'en occuper", commente-t-elle.

Dans le même temps, l'édile souhaite reporter les aménagements générateurs des coûts de fonctionnement supplémentaires. Elle assure constater une évolution contenue des dépenses de personnel. "Nous constatons une évolution de 2,83 % du train de paie de septembre 2017 comparé à celui de septembre 2016. Cette évolution était de 12 % entre le train de paie de janvier 2017 et celui de janvier 2016. Les décisions en cours de préparation concernant l'externalisation de certains services auront une influence directe sur l‘évolution de ce poste de dépenses", ajoute-t-elle.

Les charges à caractère général (5,9 millions en 2016) seraient mieux maîtrisées selon la maire. Ses réponses ne conviennent pas au conseiller municipal d'opposition à La Possession Érick Fontaine. Les conclusions de la préfecture ne l'étonnent pas non plus. Avec les autres opposants Jérémy Bordier et Thérèse Rica, il affirme avoir alerté la municipalité à plusieurs reprises sur les difficultés financières lors des trois derniers conseils municipaux.

- "Deux augmentations d'impôt" -

"Il y a eu deux augmentations d'impôts en trois ans avec plus de 4 millions d'euros perçus mais la mairie ne réduit pas son train de vie. Tous les signaux étaient au rouge. Sur la ZAC Moulin Joli, on a voté contre une exonération de loyer pour une structure qui va construire une école privée. La ville est en plus cautionnaire à hauteur de 3,8 millions d’euros pour ce projet. Alors que cette ZAC est déjà déficitaire de 16 millions. Je crains que les Possessionnais passent encore à la caisse", juge-t-il. Érick Fontaine pointe du doigt les hausses du budget du Centre communal d'action sociale ou les dépenses de personnel "trop élevées".

Selon lui, on y verra plus clair au moment de la présentation du compte administratif 2017 analysé en 2018. "C'est un carton rouge sorti par la préfecture. On est à la limite de la rupture. J'ai peur que dans l'affolement on fasse n'importe quoi. On risque d'attribuer une concession pour la carrière afin de faire entrer de l'argent à tout prix." Et il termine en affirmant ne pas être convaincu par les pistes suggérées par Vanessa Miranville.

"Externaliser des garages, des tableaux de bord, une réduction du nombre de manifestations... Ce sont des grands principes énoncés sur trois pages mais je ne vois rien de concret. Par contre, il n'y a rien concernant les 2 millions d'euros que doivent certains propriétaires à la commune", réagit-il. Lui et Thérèse Rica et Jérémy Bordier tiendront une conférence de presse ce vendredi matin dans la cité possessionnaise. Ils détailleront à nouveau leurs arguments avant le prochain conseil municipal de la ville organisé lundi prochain.

ts/www.ipreunion.com

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1 Commentaires
remi
remi
6 ans

bravo mr fontaine ,thérése et jérémie largue oas zot .