Tribune libre d'Huguette Bello

Oui, il faut maintenir l'Allocation logement accession dans les régions d'Outre-mer

  • Publié le 12 février 2018 à 16:24
  • Actualisé le 12 février 2018 à 16:27

Lors de la dernière séance des questions au gouvernement (7 février), je suis à nouveau intervenue en faveur du maintien de l'allocation logement-accession dans les Outre-mer. La réponse du Ministre Julien Denormandie, qui a constamment frôlé le hors-sujet, m'oblige à revenir sur cette question et à préciser les raisons qui rendent indispensable le maintien de l'AL accession dans les Outre-mer.

Une réponse hors-sujet

Dans sa réponse le Ministre ne ménage pas sa peine pour nous renvoyer à différents dispositifs existants : PTZ, ANAH, ANRU, et lutte contre les marchands de sommeil. Mais, aussi légitime et performant soit-il, aucun de ces outils n’a vocation à remplacer l’AL accession.

Du fait de ses caractéristiques, le Prêt à taux zéro (PTZ), qui est un prêt complémentaire, est surtout destiné aux ménages ayant des revenus moyens (compris entre 2,5 et 3,5fois le SMIC). Et il sera d’autant plus difficile de l’orienter vers l’accession très sociale que ce gouvernement vient de supprimer le couplage PTZ-LBU. Prétendre recourir au PTZ pour financer le Logement évolutif social, c’est programmer, volontairement ou pas, la fin des LES.

Les aides de l’Agence nationale de l'habitat ne peuvent pas non plus remplacer l’AL accession. En effet, l’ANAH accorde à des propriétaires (occupants et surtout bailleurs) des subventions pour la réalisation de travaux de rénovation dans les logements ou immeubles anciens. Faut-il rappeler ici que les LES sont des constructions neuves et que les RHI sont des opérations sur des terrains sans titres ?

L’ANRU concerne la réhabilitation et l’aménagement de quartiers précis à forte densité de logements locatifs sociaux et très sociaux où doivent avoir lieu des opérations de démolition-construction. Elle ne vise en aucun cas l’accession très sociale.
Quant à la lutte contre les marchands de sommeil, elle est bien sûr salutaire mais le lien avec l’AL accession se fait ici encore moins repérable.
En réalité, la réponse du Ministre est limpide : Le gouvernement n’a aucun argument pour justifier sa décision. Et n’a de toute évidence pas mesuré l’onde de catastrophes qu’elle risque de provoquer dans les Outre-mer.

Cinq raisons pour maintenir l’AL accession

1) C’est le seul outil qui permette à des milliers de familles parmi les plus modestes de devenir propriétaires en dépit de leurs ressources très faibles et parfois irrégulières. Qu’elle soit sollicitée dans le cadre d’un programme de construction de LES, d’une opération d’amélioration lourde de l’habitat (RHI) ou de la vente de logements locatifs anciens, cette aide versée directement par la CAF aux organismes prêteurs n’a pas d’équivalent pour rendre compatibles le montant du prêt, et donc des remboursements, avec les revenus des bénéficiaires (70% d’entre eux ont des revenus inférieurs au SMIC). Sans AL accession, les Logements évolutifs sociaux sont menacés : sur les 1000 dossiers de LES en instruction au 1er janvier 2018 pour l'ensemble des Outre-Mer, seulement 200 pourraient aboutir. Qui connaît le rôle primordial des LES dans nos sociétés imagine aisément les multiples conséquences liées à sa remise en cause.

2) Ne pas aggraver la crise dans le BTP qui a déjà perdu plus de 10 000 emplois et, par conséquent, ne pas augmenter le chômage. À la Réunion, on estime que 300 petites entreprises sont menacées et que près de 1000 emplois directs risquent de disparaître. En fait, ce sont des véritables filières locales, avec de multiples métiers et des compétences reconnues, qui risquent d’être anéanties uniquement du fait de l’application d’une mesure inappropriée et… certainement fort coûteuse pour le budget de l’État.

3) Une mesure qui se révèle antiéconomique au moins à deux niveaux. D’abord, et c’est le plus évident, au niveau des investissements qui seront ainsi rayés d’un trait de plume. Pour la Réunion, le manque à investir est estimé à quelque 40 millions d’euros par an. Pour la Martinique, à plus de 10 millions.

Ensuite, fermer la porte de l’accession aux plus modestes, c’est aussi les contraindre à se maintenir dans le locatif et donc à percevoir l’allocation de logement aussi longtemps qu’ils seront locataires. Celle-ci n’est évidemment pas limitée par la durée d’un crédit comme l’AL accession.

4) Ne pas alimenter la crise du logement Outre-mer

La situation du logement dans les Outre-mer est particulièrement tendue. Les chiffres qui comptabilisent les demandes de logements non satisfaites se situent toujours et encore à un niveau très élevé : à ce jour, plus de 40 000 ménages ultra-marins n’ont pas obtenu un logement, souvent plusieurs années après en avoir fait la demande. 
Désarticuler les politiques publiques qui s’efforcent, depuis 1986, de ne pas corréler revenus et accès à la propriété via un dispositif spécifique d’aides, d’interventions et de logements, aggravera à coup sûr une crise déjà redoutable.

5) Une dérogation est déjà prévue dans la loi de finances 2018. Contrairement à ce que l’on croit, l’AL accession n’a pas été totalement supprimée : se référant aux zonages 1/2/3 utilisés pour le calcul des aides personnelles au logement, le gouvernement a décidé de maintenir cette allocation pour une durée de deux ans dans les zones 3 lorsque le logement est ancien et fait partie du parc social. Les Outre-mer, que cette typologie qualifie " d’îles non reliées au continent " sont en zone 2.

Une unanimité s’est spontanément dégagée tant du côté des professionnels du logement que des élus de nos territoires pour maintenir l’AL accession. Le " pacte girondin " du Président et le " réflexe outre-mer " du Gouvernement m’incitent à croire que rien n’est joué et que notre parole commune a encore toutes les chances d’être entendue.

Huguette Bello

 

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1 Commentaires
Jose
Jose
6 ans

Et pourquoi qu'ici, parce que c'est le pays des assistés ?