Tribune libre de Nadia Ramassamy et Nathalie Bassire

Divise pa nou !

  • Publié le 23 juin 2018 à 11:01
  • Actualisé le 23 juin 2018 à 11:09

L'avant-projet de loi constitutionnelle présenté par le gouvernement propose le maintien des collectivités régionale et départementale à La Réunion, ainsi que la possibilité pour celles-ci d'obtenir des adaptations dans leurs domaines de compétences respectifs exclusivement.

Ce texte convient à la population réunionnaise dont nous sommes les représentants au Parlement, conformément à l'attachement
des réunionnais, maintes fois réaffirmé, au maintien dans le droit commun et à leur refus de toute aventure institutionnelle.

Nous ne partageons donc pas l'avis de ceux qui veulent une évolution du statut de La Réunion : il n'y a en aucun cas de réel
besoin à satisfaire. Il ne suffit pas d'affirmer que le maintien de La Réunion dans le droit commun sur le plan institutionnel serait un frein au développement économique et social, il faut le prouver : en quoi légiférer au-delà des domaines de compétences respectifs de la Région et du Département de la Réunion, domaines sensiblement élargis depuis la récente loi NOTRe, serait mieux alors qu'il y a déjà un travail important à réaliser pour respecter les règles actuelles de droit commun ?

Depuis la réforme constitutionnelle de 2003, qu'est-ce que cela a véritablement apporté aux autres Département d'Outre-Mer qui ont déjà cette possibilité depuis une quinzaine d'années : a-t-on une évaluation argumentée des plus-values en matière de développement de ces territoires ? Sont-ils objectivement plus avancés que La Réunion ?

Par ailleurs, au regard de la rigueur budgétaire imposée aux collectivités territoriales et notamment en termes de plafonnement de la hausse de leurs dépenses (1,2% par an), il est légitime de se demander à quoi bon légiférer au-delà des champs de compétences actuels sans moyens financiers supplémentaires, par exemple face au défi démographique notamment en matière de petite enfance et de prise en charge du vieillissement de la population, mais également en matière de développement durable ? L'arbre trompeur d'un pouvoir législatif local ne doit pas cacher la forêt misérable des caisses vides de l'Etat et de l'insuffisance des moyens financiers alloués aux territoires d'Outre-Mer !

Faire sauter le verrou rassurant de "l'amendement Virapoullé" n'est pas sans risques : ainsi que l'écrivait récemment un haut fonctionnaire du Conseil Départemental dans une tribune parue dans la presse locale, "confrontée à une hausse continue de la demande sociale et aux règles de compensation financières iniques fixées par l’Etat, les collectivités (NDLR : le Département de La
Réunion) qui en assurent la gestion auront-elles d’autres choix que de les aménager pour éviter l’asphyxie, puisqu’elles en auront demain la pleine compétence ? "

Si d'aventure, le Conseil Départemental pouvait librement légiférer sur le plan local, sans encadrement au niveau national par le Parlement, qu'est ce qui garantit aux réunionnais que leurs élus locaux ne vont pas diminuer les minimas sociaux pour équilibrer le budget de la collectivité départementale ?

Un tel débat sur le statut de la Réunion doit nécessairement passer par un référendum : il faut consulter le peuple. La réforme constitutionnelle actuelle qui passe par les élus du Parlement et les spécialistes n'est donc pas le moment d'aborder l'évolution du statut de La Réunion : ce serait confisquer ce débat d'importance aux réunionnais et décider de leur avenir dans leur dos !

Nous dénonçons toute velléité d'instaurer une instabilité institutionnelle et de créer les conditions d'une situation de conflit permanente entre les deux grosses collectivités de La Réunion, qui entraînerait un chaos et ne ferait aucunement progresser notre île !

Nathalie Bassire et Nadia Ramassamy
Députées de La Réunion

guest
0 Commentaires