Réunion : l'Assemblée nationale adopte un amendement

La fiscalité sur les alcools forts va remonter en Outre-mer

  • Publié le 17 octobre 2018 à 16:30
  • Actualisé le 17 octobre 2018 à 17:16

Pour une fois que certains parlementaires et élus locaux sont contents que les taxes augmentent, on ne va pas leur bouder leur plaisir. Dix jours à peine après la première marche blanche contre l'alcool qui s'est tenue à Saint-Denis, organisée à l'initiative de la Fédération Régionale d'Addictologie de La Réunion avec le soutien de nombreux élus, l'Assemblée nationale a adopté un amendement proposé par le groupe majoritaire visant à aligner la fiscalité ultramarine sur celle de la métropole pour les alcools forts. L'amendement d'Ericka Bareigts, allant dans le même sens, n'a pas été accepté. En revanche, une autre députée réunionnaise, Nadia Ramassamy, craint que cet amendement " porte atteinte à l'ensemble de l'écosystème des territoires ultramarins".

Bientôt fini, le rhum à trois francs six sous à La Réunion ? C'est en tout cas en bonne voie. Les députés ont décidé d'agir pour que la fiscalité des alcools forts en outremer rejoigne progressivement celle de la métropole. D'ici 2023, les prix devraient être alignés. Le Dr David Mété n'aura pas fustigé en vain pendant toutes ces années cet allègement fiscal destiné à aider les planteurs et fabricants de rhum à La Réunion. Le chef du service d'addictologie au CHU Félix Guyon ne cessait, à longueur d'interviews et de prise de paroles, de réclamer une hausse de la fiscalité sur les alcools forts. Recevant depuis quelques temps le soutien de certains élus.

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Le 6 octobre, lors de la première Journée sans alcool, une motion avait été déposée en ce sens à la préfecture. "Le 9 octobre, j’adressais un courrier à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, pour lui dire notre attachement à une révision de cette fiscalité", explique la députée dionysienne Ericka Bareigts, dans un communiqué ce 17 octobre 2018. Qui précise avoir aussi, le lendemain 10 octobre, interrogé en commission la Ministre de la Santé, pour lui rappeler son engagement pris en 2017 "de nous accompagner dans la lutte contre la consommation abusive d’alcool".

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La ministre "semblant ouverte à un compromis", la députée Ericka Bareigts a donc déposé un amendement pour un alignement de la Cotisation Sécurité Sociale (CSS) entre les Outre-mer et la France hexagonale. "Le même amendement a été déposé par l’ensemble de la majorité parlementaire", précise Ericka Bareigts.

Mardi 16 octobre en soirée, cet amendement de la majorité parlementaire a été adopté : " Une victoire dans la lutte contre la consommation abusive d’alcool à La Réunion", souligne la députée.

Le risque d'une fragilisation de la filière

En revanche, sa collègue Nadia Ramassamy, députée de la 6ème circonscription et présidente de l'Intergroupe parlementaire de l'Outre-Mer, estime que "taxer le rhum pour lutter contre l’alcoolisme" serait "une fausse bonne idée"

"Cet amendement va porter atteinte à l’ensemble de l’écosystème des territoires ultramarins. En effet, le rhum est, avec la banane et le sucre, une des trois principales productions agricoles de ces territoires et un de leurs rares secteurs exportateurs", analyse Mme Ramassamy. Qui souligne le poids économique qui a prévalu jusqu'ici à cette fiscalité favorable : "Le secteur de la canne, du sucre et du rhum représente dans sa globalité plus de 40 000 emplois directs et indirects et environ 8 000 exploitations à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Guyane et La Réunion. Alors que le chômage frappe davantage ces territoires que la métropole, va-t-on détruire des emploislocaux et laisser le champ libre à la concurrence cubaine et américaine ?".
Pour la députée de la 6ème circonscription, "aucune étude d’impact du Parlement n’a démontré un lien de cause à effet entre le prix des boissons alcoolisées et la consommation d'alcool dans les territoires ultramarins".

La lutte contre l’alcoolisme doit, selon Nadia Ramassamy, "s'attaquer aux racines de ce fléau, en relançant l’emploi, en menant une grande politique de prévention chez les jeunes, en luttant contre le décrochage scolaire, mais pas en fragilisant une production locale".

L'Insee préconisait  le recours aux taxes dès 2015

Une étude de l’Insee, parue en avril 2015, estime pourtant que le recours aux taxes et la régulation de l’accessibilité du produit (nombre de points de ventes, horaires d’ouverture, âge minimum légal...) "semblent être particulièrement coût-efficaces pour réduire la morbidité et la mortalité dues à l’alcool". Pour l'Insee, certaines mesures, telle la fixation d’un prix minimum par unité d’alcool, fort ou pas, pourraient également permettre d’agir au bénéfice des moins favorisés.

ml/www.ipreunion.com

 

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