Après Fakir et les aléas climatiques, les mouches (actualisé)

Letchis, mangues... la qualité est au rendez-vous mais pas la quantité

  • Publié le 10 décembre 2018 à 09:53

Depuis une quinzaine de jours les letchis font leur apparition sur les étals des maraîchers, aux côtés des mangues, déjà présentes depuis quelques semaines. De quoi ravir les papilles des gourmets, mais l'ambiance n'est pas vraiment à la fête. Les letchis, de belle qualité, ne vont pas battre des records en volume. Quant aux mangues, les attaques de la mouche asiatique, baptisée Bactrocera dorsalis, rendent invendable une partie du stock. De quoi faire flamber les prix, mais, bonne nouvelle pour le consommateur, ce n'est pas le cas, en raison des stocks bloqués par les mouvements sociaux : la mangue reste à son prix moyen, tout comme le letchi.

Après un mois de décembre 2017 quasiment sans letchis, la question se posait de savoir si cette année 2018 ferait mieux. "Faire mieux, après la catastrophe de l'année dernière, ce n'est pas compliqué", rigolait - un peu jaune - un maraîcher sur le marché du Chaudron, le dimanche 9 décembre. Autour de son étal, des balles bien remplies. "Je les trouve moins sucrés que d'habitude", estime une cliente qui vient d'en goûter un. Mais dans un éclat de rire elle temporise : "C'est peut-être parce que je ne m'en souviens plus bien, l'an dernier, à 8 euros le kilo, je n'en ai pas acheté, mais là à 3 euros, on n'hésite pas !".

Des stocks importants en raison des mouvements sociaux

Moins sucrés, moins goûteux, les letchis ? "Non, la qualité est là, souligne Jérôme Soubou, à la Chambre d'Agriculture. Le souci, c'est plutôt la quantité. Cette année, il y en a plus dans l'Ouest  que dans l'Est, à cause des dégâts de Fakir : la tempête a déraciné pas mal d'arbres. Et puis on a eu ensuite, pendant l'hiver des épisodes venteux qui ont perturbé la floraison, d'où moins de fruits."

Vendredi 7 décembre, à la Chambre d'Agriculture, les tonnages n'étaient pas encore connus. Mais la question se pose alors du prix, ce qui est rare étant généralement cher, va-t-on vers une année où le fruit emblématique de Noël serait encore hors de prix ? Sur les étals, ce n'est pas le cas. On trouve des letchis entre 3 et 5 euros le kilo. Etonnant, non ? "Cela s'explique facilement, répond Jérôme Soubou. Il y a eu les blocages des mouvements sociaux qui ont empêché de vendre la récolte mais surtout empêché les expéditions à l'export. Du coup, il faut écouler le stock localement et les prix restent relativement au plancher". Et on ne risque pas non plus la rupture de stock, du fait des exportations annulées. Les prix devraient rester relativement plancher, mais pour les producteurs, déjà fragilisés par l'année 2017 à quasiment production nulle, le crû 2018 s'annonce assez amer.

Beaucoup de mangues mais pas mal de déchets

Du côté des mangues, la quantité n'est pas menacée. Les étals sont bien remplis, les arbres sont bien produits. Dans les champs, les arbres croulent sous les fruits juteux, avec de belles couleurs. Le souci, cette année encore, ce sont les mouches à fruits. Justement, devant nous, sur un stand, le marchand enlève trois fruits de la sélection de sa cliente pour les remplacer par trois autres. Pourquoi ? A cause des piqûres de "mouches orientales", qui pondent leurs oeufs dans les fruits. "On n'a pas intérêt à laisser le client emporter ces fruits, explique le marchand. Le client qui paie 8 euros pour trois mangues et n'a rien à manger ne revient pas." D'où le regard soigneux que porte ce maraîcher sur les fruits présentés à la pesée.

D'où vient cette mouche orientale ?

Comme toute espèce exotique, elle a dû débarquer sur l'île au hasard d'une expédition de produits venant de son territoire d'origine, l'Asie. Si elle est déjà présente à Madagascar, aux Comores, à Mayotte et à Maurice depuis quelques années, son introduction à La Réunion est assez récente. Les premiers effets délétères de cet insecte ont été détectés en avril 2017, principalement dans l'Ouest, à La Possession, à La Grande Chaloupe, au Port et à Saint Paul. Actuellement, la mouche asiatique a colonisé l'ensemble du littoral.

Les mangues ne sont pas le seul foyer de ponte qu'elle investit : elle s'attaque aussi aux jujubes, aux goyaves, aux piments, aux tomates et au café. Cette mouche peut pondre jusqu'à 1500 oeufs en trois semaines. "Cela peut faire de vrais ravages dans les exploitations", souligne Jérôme Soubou.

Si vous avez le privilège d'avoir un ou des manguiers dans votre cour, il est possible de détourner l'attention des mouches de votre production, comme l'explique Jérôme Soubou : "Il suffit de placer quelques fruits mûrs dans un récipient, recouvert d'un tissu en tulle. L'odeur va attirer les mouches qui vont s'infiltrer sous le tulle pour pondre, et vont se détourner des fruits en cours de mûrissement sur l'arbre".

Que se passe-t-il donc avec ces fruits piqués ?

"La ponte dans les fruits permet l’émergence d’asticots qui vont se nourrir de la pulpe du fruit. Cela provoque le pourrissement du fruit. On peut repérer les traces noires des piqûres sur la peau, et à un stade plus avancé, les coulures poisseusses", explique Jérôme Soubou. Les asticots quittent le fruit après quelques jours et se transforment ensuite en mouches. La première question qui vient à l'esprit c'est "y-a-t'il un risque sanitaire à manger un fruit qui aurait été piqué par une ou des mouches ? "Pas du tout, répond Jérôme Soubou. Il n'y a absolument aucun risque pour l'humain. Simplement le fruit a mûri trop vite, entre en pourrissement et ce n'est pas goûteux".

Les moyens pour éradiquer la mouche asiatique

Mais en parallèle, il est conseillé de ramasser quotidiennement et détruire systématiquement les fruits piqués tombés au sol. Il faut enfermer les fruits piqués dans un sac hermétique ou dans une poubelle hermétique en les laissant 15 jours au soleil. Les fruits piqués peuvent aussi servir à l'alimentation des animaux. A éviter absolument, la solution compost car les mouches, arrivées à maturité, pourraient s’en échapper facilement.

Autre solution pour éradiquer la mouche asiatique : faire appel à ses prédateurs naturels que sont araignées, fourmis, caméléons et oiseaux, en laissant se développer la végétation à proximité des cultures sans utiliser de désherbant chimique. Des précautions nécessaires car à la vitesse à laquelle se reproduisent les mouches asiatiques, les pertes pour les exploitations pourraient être très importantes.

guest
2 Commentaires
scribouille, depuis son mobile
scribouille, depuis son mobile
5 ans

beaucoup de mangues piquées et tous les vendeurs pas forcément attentifs...

Ahhh
Ahhh
5 ans

Le bon