Courrier des lecteurs

Vous avez demandé la police ?

  • Publié le 9 mars 2019 à 11:22
  • Actualisé le 9 mars 2019 à 11:26

La Journée internationale des droits des femmes le 8 mars me rappelle un mauvais souvenir datant d'il y a cinq mois. Au commissariat de Malartic, on ne décroche pas. Tant pis, je rappellerai plus tard. Ah mais non, puisque j'appelle au sujet d'une femme qui se trouve en ce moment même menacée par un homme alcoolisé et menaçant, au passé violent. Il y a urgence.

Je compose le 17 et je tombe évidemment sur le commissariat de ma commune. J'explique que l'incident a lieu ailleurs, que je suis au courant car lorsque j'ai appelé mon amie, elle a décroché mais ne m'a pas parlé : en revanche j'ai entendu la conversation. Autant dire que c'était de sa part un appel au secours, un moyen de me faire comprendre qu'elle était en danger. Ah oui, mais alors il faut appeler Malartic. Je viens de le faire, ça ne répond pas. Ben... normalement, ça répond.

Là, je fais ce que l'on est de plus en plus souvent obligé de faire pour être écouté : je commence à parler plus fort... Normalement, peut-être, mais pas maintenant. D'accord. Enfin on m'écoute, on note, on promet de contacter la police à Saint-Denis, on me conseille de rappeler Malartic.
À Malartic, par inadvertance sans doute, ça décroche. Je m'explique pour la deuxième fois. Et pendant qu'une femme est en danger, on me répond d'appeler le 17...

Il se trouve que c'est exactement ce qui s'était passé quand mon amie avait appelé elle-même auparavant : en attendant d'être frappée par son ex-mari, elle était renvoyée d'un numéro à un autre, un de ces numéros étant un numéro d'URGENCE, je le rappelle. Là, bien sûr, je parle plus fort pour faire comprendre que je ne vais pas passer mon après-midi à me faire balader pendant qu'une femme est en danger. La réponse vaut des points : apparemment le standard du commissariat n'existe pas que pour moi, il y 1 million d'habitants à La Réunion paraît-il... je ne savais pas qu'ils dépendaient tous de Malartic... et surtout quand j'ai appelé la première fois, le standard n'était pas occupé : ça sonnait dans le vide, c'est différent. Le préposé n'était pas en train de gérer une autre affaire au téléphone, il devait être en train de draguer à la machine à café ou je ne sais quoi.

Ce n'est pas le pire. Le pire c'est de m'avoir répondu : si c'est aussi urgent que cela, appelez les pompiers.

Oui, mesdames, vous avez bien lu. Il existe à Saint-Denis un flicaillon indigne de porter l'uniforme qui vous répondra d'appeler les pompiers si votre conjoint ou votre ex-conjoint vous agresse et vous violente. Attendez d'avoir le visage tuméfié, l'arcade sourcilière qui pisse le sang, un bras cassé, mais ne dérangez pas le petit monsieur du standard de Malartic. Pourquoi ne pas appeler directement la morgue ?

C'est comme ça qu'une opératrice du SAMU de Strasbourg a envoyé à la mort la jeune Naomi Musenga en décembre 2017. Heureusement pendant ce temps-là, deux vrais policiers ont fait leur travail : celui qui a tenu sa promesse de contacter Saint-Denis et celui qui m'a immédiatement appelé et a su me rassurer au lieu de me demander " pour qui je me prenais ", comme on l'avait fait à Malartic. Je les remercie chaleureusement. Il se trouve qu'entretemps mon amie avait pu s'échapper, qu'elle était sous la protection de la police – déjà en route vers chez elle – et que son ex-mari avait été interpellé.

Cette fois-ci, tout s'est bien terminé. Mais la prochaine fois ? Pour une autre femme ? Pour celle qui aura le malheur de tomber sur la même personne que moi à Malartic, le mercredi 3 octobre 2018 à 16h 30 ? Que cet individu en bleu se rassure : il aura une autre chance de se rendre coupable de non-assistance à personne en danger. Les femmes battues, ça ne manque pas à La Réunion.

Marecombe Eric
 

guest
0 Commentaires