Soupçons d'irrégularités à l'Aurar

Dans la tourmente, le centre de dialyse règle ses comptes

  • Publié le 29 mars 2019 à 17:27
  • Actualisé le 2 avril 2019 à 15:36

L'affaire secoue la presse depuis près de deux ans, jusqu'à atteindre les colonnes du Canard Enchaîné. Un rapport provisoire de la Chambre régionale des comptes fait état de potentielles au sein de l'association, basées sur de fortes suspicions de la CGSS (Caisse générale de Sécurité Sociale de la Réunion). L'Aurar (l'Association pour l'Utilisation du Rein Artificiel à La Réunion) répond point par point ce vendredi 29 mars 2019 : il n'y a " aucune malversation ".

" Une mise au point sur la situation " : c’est ce que Marie-Rose Won Fah Hin, directrice générale de l’Aurar voulait faire ce vendredi 29 mars 2019. " Avec sérénité " … mais aplomb. Un rapport (provisoire et non public) de la Chambre régionale des comptes épingle l’Aurar pour soupçons d’irrégularités. Ces suspicions viennent de la CGSS de La Réunion (Caisse générale de Sécurité sociale).

" Leurs observations se basent avant tout sur les articles parus dans le JIR, ils n’ont aucune preuve ", s’étonne la directrice. " Et surtout ils ne sont jamais venus enquêter sur le terrain, ils n’ont jamais répondu à nos appels. Nous les avons pourtant contactés 17 fois pour être exacte ".

L’Aurar a demandé plusieurs modifications à la Chambre des comptes. " Beaucoup de chiffres étaient inexacts, nous avons demandé des corrections avant de voir apparaître le rapport définitif. " L’Aurar répond aux accusations point par point.

Le statut et les activités

L’association, désormais fiscalisée, reste " un organisme à but non lucratif ", rappelle Marie-Rose Won Fah Hin. Face aux rumeurs de bénéfices redistribués à ses membres, l’association est donc catégorique : " 100% des bénéfices sont réinvestis dans notre activité à destination des patients. Nous n’avons ni actionnaire ni dividende ".

" On se consacre exclusivement aux patients ", assure l’Aurar. Deux filiales se distinguent : d’un côté la formation des personnels, à hauteur de 20 000 euros par an, de l’autre une application de coaching personnel pour lutter contre le diabète et l’obésité, qui représente 60 000 euros par an. " Nous n’avons pas d’autre activité ".

Chaque année, entre 200 et 220 personnes sont formées à l’Aurar. " C’est une formation bien spécifique, qui englobe plusieurs choses, comme les urgences en dialyse, la qualité de l’eau, ou encore la bientraitance tout simplement ", explique Philippe Vial, directeur d’exploitation sur le territoire sud.

La fiscalité

Un contrôle fiscal a été mené en 2017, " confirmant la bonne foi de l’Aurar ", affirme Marie-Rose Won Fah Hin. " Il n’a été relevé aucune anomalie particulière. " Sur trois années complètes (2014, 2015, 2016), l’Aurar assure avoir transmis " tous ses flux ". " Le contrôle de la Chambre régionale des comptes ne pointe à aucun moment de malversations, de manoeuvres frauduleuses ou d’escroquerie ".

La DGFIP a passé 6 mois à mener son contrôle fiscal. " Nous avons été fiscalisés, chose que nous n’avons jamais contestée ", affirme la directrice. Selon elle, la concurrence accrue justifie cette fiscalisation. " D’autres associations le sont ", se défend-elle, " il n’y a rien d’exceptionnel là-dedans ".

Pour l’Aurar, les suspicions de la CGSS ne reposent sur rien sinon les affirmations du JIR, avec lequel l’association mène une bataille médiatique et judiciaire depuis deux ans. " Le système de facturation rendrait les réalisations de l’Aurar douteuses ", explique la directrice. Elle précise alors qu’il n’y a " aucune incohérence, aucune preuve. Notre organisation permet d’assurer une visite par semaine aux 300 patients en autodialyse, sur les 750 que nous comptons au total. "

Les 13 néphrologues engagés à temps plein permettent également de suivre les patients en permanence, grâce au fait d’être sur une île, " ce que ne peuvent pas se permettre ceux qui agissent en région parisienne par exemple ", précise Marie-Rose Won Fah Hin. " Il y a une vraie confiance entre les patients et Aurar ", explique Albert Genisson, directeur d’exploitation sur le territoire nord-est. " Il n’y a qu’à regarder le nombre de greffes : près des deux tiers d’entre elles, soit 45 greffes sur 75, viennent d’Aurar ".

Le patrimoine

" Il est de 26,4 millions d’euros au 31 décembre 2017, c’est le chiffre que nous avons donné à la Cour régionale des comptes ", affirme la directrice régionale. Soit rien à voir, selon l’association, avec les 50 millions épinglés dans la presse. " Nous avons une gestion saine en voulant être propriétaires de nos murs : on souhaite être à l’abri d’une reprise de bail commercial et avoir des locaux adaptés à nos activités. Imaginerait-on des hôpitaux ou des cliniques installés dans des locations ? Eh bien c’est pareil ".

Quant à la trésorerie, jugée " excessive ", l’association justifie ce montant - l’équivalent de 6 mois de fonctionnement – comme étant une sécurité financière nécessaire. " Il faut assurer les salaires des personnels, se protéger puisqu’on ne perçoit pas de subvention. "

Les salaires

C’est la bête noire dans cette affaire. " Ils s’alignent sur les grilles normales des médecins ", assure Philippe Vial, directeur d’exploitation sur le territoire sud. C’est surtout le salaire de la directrice générale qui est régulièrement cité. " La Chambre régionale des comptes indique pourtant que tous les salaires sont légaux ", affirme-t-elle. Mais il est également indiqué dans le rapport qu’ils restent " dispendieux ".

De fait, son salaire tient compte de plusieurs choses : la majoration d’Outre-mer de 20%, une prime d’ancienneté, et une prime liée à son statut de dirigeante. La directrice générale nous explique alors qu’elle touche 79 000 euros net par an, auxquels s’ajoutent 23 037 euros pour l’ancienneté et 20 580 euros pour la majoration Outre-mer. Quant à sa prime de directrice, elle s’élève à 24 696 euros. Des sommes qui peuvent faire tourner la tête mais que Marie-Rose Won Fah Hin modère : " mon impôt à la source s’élève à 26% ". Elle ajoute que si elle ne travaille plus, elle ne touchera pas les Assedic, ce qui justifie une prime liée à son statut de dirigeante. Par mois, elle toucherait environ 8 000 euros net.

Des frais supplémentaires

Salons, voyages, événements divers : l’association est épinglée pour des frais jugés astronomiques. " 137 000 euros sont dédiés aux événements ", affirme la directrice. Elle ajoute que les frais kilométriques sont remboursés aux personnels, de façon classique. " Quand nous voyageons, nous prenons toujours les billets d’avion les moins chers ". Quant à son cas personnel, elle affirme ne se rendre en métropole que 4 à 5 fois par an : " pour rencontrer le ministère, des congrès… ou voir nos avocats ".

Un logement à Paris, en location, fait aussi partie des frais d’Aurar pour accueillir la directrice mais également les personnels ou collaborateurs, et avoir un pied à terre pour travailler et se loger une fois à Paris. " C’était beaucoup plus rentable que payer des chambres d’hôtel et réserver des salles de conférence ", affirme Albert Genisson.

Reste que l’appartement est particulièrement coûteux : 1 950 euros par mois pour un T2 meublé placé près de Montparnasse dans le 14e arrondissement qui n’est pourtant pas le plus cher de Paris. " Le nom sur le bail va être changé en tout cas. C’est le mien, on en a donc conclu qu’il s’agissait d’un bien qui m’était destiné, mais on va mettre l’association à la place ", explique Marie-Rose Won Fah Hin.

En conclusion, l’affaire est une " cabale médiatique " pour la directrice générale, qui se défend encore une fois de toute illégalité. " Nos comptes ont tous été certifiés ", ajoute-t-elle. Quant à son conflit avec le JIR, elle affirme ne pas comprendre les raisons de cet " acharnement ".

" On souhaite avancer dans nos projets et se défaire de cette image négative ", ajoute Philippe Vial. " Heureusement que les patients nous défendent et nous font toujours autant confiance ". " Nous aimerions être reçus par la direction de la Sécurité sociale ", conclue Marie-Rose Won Fah Hin. Mais concernant le rapport (définitif) de la Chambre régionale des comptes, l’association assure être " sereine ".

mm/www.ipreunion.com

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