Un fléau à La Réunion

Alcool: courage, augmentons massivement les prix

  • Publié le 13 avril 2019 à 08:48

La Loi alimentation est entrée en vigueur le 1er février dernier. Une loi visant à protéger la production locale. Une réglementation plus contraignante pour la grande distribution: fin des promotions choc, obligation de revendre les produits de grande consommation 10% plus cher que le prix d'achat initial... Mais business is business, les grands distributeurs ont trouvé la parade pour ne pas y perdre: augmenter le prix des alcools, + 3,2% en moyenne dans les rayons indiquait une récente étude. Le volet le plus contraignant de cette loi alimentation n'est pas appliqué dans les territoires ultramarins. Pourtant, ce ne serait pas du luxe, La Réunion est l'un des départements où l'alcool tue le plus. Si les boissons alcoolisés importées restent plus chères que sur le territoire hexagonal, l'alcool produit localement est toujours aussi bon marché, sans doute trop au vu de la situation, à La Réunion, un décès sur 6 est lié à l'alcool.

De l'alcool, partout de l'alcool... 

Baladez vous dans une grande surface en ce moment et vous n’y couperez pas: l’alcool coule à flot… C’est un peu exagéré mais les promotions pour les boissons alcoolisées sont partout ! En tête de gondole dans les rayons, dans les halls d’entrée des magasins… Les promos sur les packs de bières, cubis de rhum et autres bouteilles XXL de spiritueux envahissent les supermarchés… Des prix alléchants et pour vous faire acheter, des hôtesses vous font même déguster les dernières boissons à la mode… dès 10 heures du matin, c’est toujours l’heure de l’apéro quelque part dans le monde comme on dit. L’alcool devient ostentatoire. Tout est calculé, pour les grands distributeurs, l’alcool est un produit d’appel.

Quand on s’enfonce dans les rayons, hors promotion, l’amplitude des prix est considérable. On peut monter haut et descendre très bas. C’est la différence entre les boissons alcoolisées importées et celles produites localement. Nous avons comparé les prix sur des produits très consommés à La Réunion. Prix métropolitains versus prix réunionnais:

Produits Carrefour - métropole Carrefour - La Réunion 
Whisky Johnnie Walker 70 cl 14,79 € 18,07 € 
Whisky Red Label Blended scotch Johnnie 1 litre 20,33 € 24,65 € 
Bière arômatisée téquila Desperados 6x33 cl 6,75 €  10,79 € 
Gin London dry Gibson's 1 litre 14,71 €  16,22 €
London Dry Gin old Lady's 70 cl 10,42 €  17,20 € 
Martini Bianco 1 litre 7,60 €  11,99 €
Martini Bianco 50 cl  5 €  7,30 € 
Bière blonde 1664 6x33 cl 4, 51 €   7,90 € 
Vodka Absolut 70cl 16,45 €   25,90 € 
Rhum Charrette blanc, 1 litre  14,79€   8,90 € 

Dans cette même grande surface, les produits péi sont bien moins chers

Dodo 6x33 cl: 5,05 €
Dodo 12x33 cl: 9,99 €
Next Vodka (banane, kamikaze, pink nature) 70 cl: 14,90 € 

 

Produits  Leclerc - Métropole  Leclerc - La Réunion 
Heineken 12x33 cl 9,60 €  16,99 € 
Pastis Ricard 1 litre  20,41 €  27,50 € 
Vodka Smirnoff 70 cl  12,60 €  15,50 € 
Vodka Poliakov 70 cl  11,07 €  14,80 € 
Martini Bianco 1 litre 7,68 €  11,15 € 
Get 27 70 cl  11,19 €  16,95 € 
whisky Johnnie Walker Red 1 litre  19,87 €  23,30 € 
whisky Johnnie Walker Red 70 cl  14,76 €  17,49 € 
Rhum Charrette blanc 1 litre  14,82 €  8,54 € 
Rhum Charrette blanc 70 cl  9,07 €  5,93 € 

Même constat que dans l'enseigne précédente, dans cette grande surface, les produits péi sont bien moins chers

Dodo 6x33 cl: 4,95 € 
Dodo 12x33 cl: 9,85 €
Bourbognac 1 litre: 5,73€ 

Nous ne pouvions pas résister, voici quelque pépites: la gamme de punch de la marque Isautier (à 18 degrés) commence à 5,90 € les 70 cl et la palme va au cubi de 3 litres de punch de la même marque qui se vend à 14,90 €

Mais pourquoi les prix des alcools péi sont-ils si bon marché ?

Comment expliquer une telle différence entre l'alcool importé et celui produit ici ? Les taxes bien sûr, octroi de mer et tutti quanti font flamber les prix des boissons alcoolisées. Et les producteurs locaux sont protégés par une fiscalité avantageuse. Pour le docteur David Mété, addictologue, cette "fiscalité de complaisance se fait au détriment de la santé publique, cela permet aux producteurs d'alcool d’être en grande partie exonérés de taxes sur les produits alcoolisés".

Cet avantage, non négligeable, date d’après-guerre et pour l’addictologue, il est totalement anachronique et dangereux "il y a une inégalité de santé publique, le consommateur réunionnais n’est pas protégé de la même manière que le consommateur métropololitain face au risque alcool et les conséquences, on les connaît "

Alors comment faire ?

Pour le médecin, la solution ne serait pas d’augmenter les prix des boissons alcoolisées péi "vendre de l’alcool trop cher s’approche de la prohibition et cela encourage le marché parallèle, le problème sera toujours là et sans doute encore pire". La clé, c’est cette fiscalité beaucoup trop favorable aux alcooliers "il faudrait qu’il y ait la même fiscalité sur les alcools produits localement et ceux qui sont importés". Revenir sur un pied d'égalité changerait la donne pour le docteur Mété. 

Le médecin de rappeler qu’une fiscalité aussi avantageuse existe sur le territoire métropolitain pour le vin. Le vin est huit fois moins taxé "mais là, on est sur un alcool à 13 degrés, le rhum c’est du 40-45 degrés " finit le spécialiste.

Que font les autorités ?

Chaque année, des campagnes de sensibilisation, des événements organisés par des associations et les pouvoirs publics, des ateliers dans les établissements scolaires... Un pansement sur une jambe de bois. Car le problème n’est pas traité à la racine.

Finalement, on a l’impression que l’État choisit ses combats. On garde des dispositifs pour maintenir la production locale mais pas sur le bon créneau. Car l’alcool est un fléau, La Réunion est dans le trio de tête des départements de France où l’on meurt le plus à cause de l’alcool, pas glorieux. 

Tandis que les éleveurs et agriculteurs sont vent debout contre une concurrence impitoyable qui ne leur laisse que peu de chances de survie. Des caissettes de poulet, côtes de porc et autre viandes importées d’Europe de l’Est vendues bien moins chères que les viandes péi. De moins bonne qualité vous direz vous. Certes, mais quand on n’a pas les moyens, on privilégie la quantité à la qualité et quand ces caissettes vous permettent d’assurer plusieurs repas, vous ne faites pas la fine bouche.

Quand vous trouvez des fruits ou des légumes moins chers que les produits locaux, le choix est vite fait. Qu’ils viennent d’Espagne, d’Israel, d’Afrique du Sud, peu importe, la priorité, c’est de tenir le budget. Cette manière de consommer concerne les 40% de Réunionnais qui vivent sous le seuil de pauvreté mais aussi cette classe moyenne qui survit. Et malheureusement, cela se fait au détriment de nos producteurs péi qui ne font pas le poids fassent à ces prix cassés.

Alors l’État met des choses en place pour "favoriser" les produits locaux, les incluant dans la liste du Bouclier qualité prix ou en travaillant sur un projet de panier péi, une mesure soufflée par la ministre des Outre-mer qui n’a toujours pas vu le jour. Des dispositifs qui ne pas aussi forts que celui accordé aux alcooliers. 

Comment expliquer que l’État soit aussi efficace à maintenir les alcooliers locaux à flot mais pas les producteurs de fruits, de légumes et de viande ? La réponse, nous ne l’avons pas mais le constat est là.

Tandis qu’on a encore tous à l’esprit le fameux slogan du ministère de la santé "pour être en bonne santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour",  on voit fleurir à tous les coins de rue des affiches en 4 par 3 vendant des boissons alcoolisées à prix cassés, des catalogues qui s’entassent dans les boîtes aux lettres bourrés de super promos sur de l’alcool sans qu’il n’y ait de contrôle et avec la complicité des pouvoirs publics...

fh/www.ipreunion.com

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3 Commentaires
Jean-Marc
Jean-Marc
3 ans

Halte à la dictature sanitaire

cousin
cousin
5 ans

il faudrait déjà legaliser le zamal il y aurait moins d alcooliques puis surtout taxer les alcools de mauvaises qualités et avantager ceux qui sont moins nocifs,il faut mieux boire un gevrey chambertin bio plutot qu un vin espagnol 1er prix et boire des bieres artisanales plutot qu une 8.6

Titi974
Titi974
5 ans

Et pour moins de 600â"¬ et on s'équipe d'un fermenteur et un distillateur, on fais son vin , son eau de vie et son vinaigre gratis.