Six ans après la loi Lurel

Produits alimentaires : mais qui contrôle le taux de sucre...

  • Publié le 1 juin 2019 à 03:00
  • Actualisé le 1 juin 2019 à 07:00

Depuis 2013, les produits de la consommation courante sont censés être aussi sucrés que ceux de métropole... Cela fait 6 ans que la loi Lurel est entrée en vigueur, une loi censée changer drastiquement le quotidien des Réunionnais. Est-ce le cas aujourd'hui ? Nul ne sait, car il semble n'y avoir aucun suivi de cette loi, pourtant capitale dans une île minée par le diabète. Si beaucoup de produits semblent effectivement s'être alignés sur les taux de sucre nationaux, les produits locaux, eux, sont encore bien sucrés. Mais les seules preuves que nous ayons, ce sont nos observations. Car personne ne semble être en mesure de dire ce qu'il en est aujourd'hui du sucre de nos rayons. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

"La loi Lurel est très complexe", nous expliquait la députée Ericka Bareigts. La loi elle-même ? Un peu... mais le parcours de combattant pour tenter de savoir ce qu’il advient de cette loi aujourd’hui est effectivement très complexe.

Tout le monde semble se renvoyer la balle, et chacun y va de son avis. Pour la députée par exemple, rapporteure de cette loi au moment de son vote en 2013, il n’y a "pas de réel changement aujourd’hui sur la question des produits sucrés". Selon elle, "la loi est totalement applicable mais n’est pas totalement appliquée. Les services de l’Etat et de la concurrence doivent mieux jouer leur rôle, le travail de vérification sur chaque produit est nécessaire." C’est tout le problème.

La loi Lurel, à l’initiative de Victorien Lurel, alors député de Guadeloupe, impose que les aliments vendus dans les Outre-mer ne contiennent pas un taux de sucre supérieur à celui observé en métropole. Car jusqu’ici les produits alimentaires vendus dans l’"archipel français", comme l’appelle notre président, étaient de fait plus sucrés. Une absurdité totalement marketing, censée séduire les consommateurs. Leur santé, elle, ne semble pas être un problème.

Un arrêté en date du 9 mai 2016 est venu s’ajouter à cette loi, statuant sur les aliments fabriqués directement dans les Outre-mer, mais pas en métropole. Des mesures nécessaires, mais qui ne semblent absolument pas contrôles aujourd’hui.

Le nutritionniste Fridor Funteu en est le premier étonné : "c’est pourtant fondamental d’avoir un suivi là-dessus !" Nous sommes bien d'accord, et nous avons tenté de contacter la Dieccte (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) à ce sujet, sans succès. "Nous n’avons pas la compétence nécessaire pour répondre à vos questions" nous a-t-on répondu. La Dieccte est pourtant l’autorité la plus à même de faire le suivi de cette loi sur le taux de sucre, si suivi il devait y avoir…

Car les produits à La Réunion sont encore très sucrés. A marque égale, ils s’alignent sur l’Hexagone. Mais certains produits locaux eux, restent alarmants. Sur le plan des boissons, notamment des jus de fruits par exemple. Pour 100 grammes il n’est pas rare de voir 12 ou 13 grammes de sucre, contre 8 sur des boissons plus classiques. Le record que nous ayons vu : 35 grammes de sucre pour une bouteille de jus de fruits… Les bouteilles de marque connue eux, semblent correspondre aux taux (déjà hauts…) de sucre. Mais pour les jus locaux, les fiches nutritionnelles publiques sont claires, et à chaque fois le verdict est le même : trop sucré.

Lire aussi : 2016 : le surplus de sucre banni des produits péi

Côté consommateurs c'est ce même son de cloche : à La Réunion, c'est trop sucré. Certains ont même arrêté de consommer certains produits. D'autres continuent, mais en gardant à l'esprit qu"il faut se restreindre en sucre. Et puis d'autres encore ne voient aucune différence dans les produits qu'ils consomment. L'une d'eux nous avoue même avoir l'impression que son soda préféré continue à être moins sucré en métropole, jusqu'à avoir un goût foncièrement différent...

Ce n’est pourtant pas ce que dit le pourcentage indiqué derrière la bouteille. Serait-ce alors un simple ressenti ? Ou l’habitude d’avoir consommé des produits sucrés, quitte à ne plus faire la différence quand le taux en sucre baisse ? Il faut hélas se contenter de témoignages et d’étiquettes pour se faire une opinion.

Le nutritionniste Fridor Funteu lui aussi se base sur ses lectures de tableaux nutritionnels, indiqués derrière les produits… "Avant on tournait facile autour de 14 ou 15 % de sucre, soit 15 grammes pour une contenance de 100 grammes, aujourd’hui c’est plutôt 10%." Il ajoute avoir "le sentiment que la loi est suivie", mais dans les faits qu’en est-il vraiment ?

Jean-Pierre Lajoie, président de UFC Que choisir Océan indien, se désole devant aussi peu de surveillance. "On a l’impression que la loi Lurel est tombée dans les oubliettes" nous dit-il. "Il n’y a selon moi pas de suivi particulier, et ça reste très difficile de faire faire des analyses." Or les moyens des associations sont faibles pour lancer de telles études. Mais si les associations n’en font pas, qui les fera ? "On a devant nous, comme toujours, une industrie agro-alimentaire toute puissante et des autorités qui ferment les yeux", estime Jean-Pierre Lajoie.

Rappelons que la présence du diabète à La Réunion est pourtant une catastrophe, qui devrait précipiter la lutte contre le sucre. L’île compte deux fois plus de diabétiques que dans l’Hexagone : une personne sur dix est concernée, et un diabétique sur 3 ne sait pas qu’il est atteint par cette maladie.

mm/www.ipreunion.com

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3 Commentaires
Titi974
Titi974
4 ans

Personne n'oblige personne à consommer ces cochonneries,Amusez-vous à compter les gros boudins dans la rue entrain de se goinfrer, samoussa, coca, sandwich spécial obèse dégoulinant

Assez, depuis son mobile
Assez, depuis son mobile
4 ans

L'excès de sucre se transforme alors en graisses et nous obtenons l'obésité: maladies cardiovasculaires, déformations du squelette, troubles de la circulation, diminution de l'espérance de vie, etc. Ce qui aura, à moyen terme, une incidence sur les dépenses de santé.
Qui, ici, à la charge de définir et de conduire la politique de prévention des risques en matière de santé ? Nous avons ainsi la réponse à la question que vous posez.

Mar, depuis son mobile
Mar, depuis son mobile
4 ans

Si la loi n'est pas appliquée, il faut porter plainte ? Pour empoisonnement ?