Ça fait débat

Réforme des retraites : on s'arrêtera de travailler (beaucoup) plus tard

  • Publié le 15 juin 2019 à 15:49
  • Actualisé le 15 juin 2019 à 17:15

Lors de son discours de politique générale le 12 juin 2019, Edouard Philippe a levé le voile sur les grandes lignes de la réforme des retraites. Le Premier ministre est revenu sur un point déjà évoqué par Emmanuel Macron fin avril dernier, ce que l'exécutif appelle l'"âge pivot" ou l'"âge d'équilibre".  Ça veut dire quoi ? Quelles vont-être les conséquences dans notre département ? Qu'en pensent les syndicats et les patrons ? Cette mesure pourrait tout changer, notamment, sur l'âge de départ à la retraite... (photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

"Âge pivot", "âge d’équilibre", quésaco ?

De prime abord, ces expressions mises au goût du jour par l’exécutif peuvent sembler floues. C’est, en fait, plus simple qu’il n’y paraît. Si officiellement, cet " âge pivot " n’a pas encore été officiellement déterminé par le gouvernement, selon des informations qui ont fuité dans plusieurs médias: il pourrait être fixé à 64 ans. Mais l’âge légal de départ à la retraite ne bougerait pas, il resterait alors à 62 ans.

Ce qui change, c’est que si vous décidez de partir à la retraite à 62 ans, le montant de votre pension ne sera pas à taux plein. Cette décote, le gouvernement la justifie comme "une incitation à travailler plus longtemps". En filigrane, le message, c’est que si vous souhaitez partir à la retraite à 62 ans, vous serez puni, et le gouvernement n’aura aucun scrupule à vous frapper au porte-monnaie.

Par contre, si vous tirez sur la corde en travaillant après 64 ans, vous aurez droit à une surcote. Elle sera appliquée aux travailleurs qui choisissent de continuer à travailler alors qu’il ont atteint la durée nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein.  Cette fois, le gouvernement vous félicite, votre récompense ne sera pas une image mais un plus sur votre pension de retraite.

Pour le moment, le pourcentage de la décote et de la surcote n’a pas encore été défini. Ce dispositif qui s’apparente à un système de bonus/malus sera appuyé par une autre mesure : un minimum universel.

Un mécanisme garantissant un minimum universel 

À l’heure actuelle, on comptabilise 42 régimes de retraites. La future réforme des retraites sonnera la fin de cette multitude de régimes pour qu’il n’en reste plus qu’un. Une mesure qui sera appliquée progressivement. Le Premier ministre a affirmé qu’il s’agirait d’un "système universel" où "les règles seront les mêmes pour tous".

La finalité du dispositif, selon l’exécutif, serait de réduire l’écart entre les retraites modestes et les plus aisées. Édouard Philippe a rappelé que ce mécanisme garantirait un montant minimum acté pour "que les personnes qui ont travaillé toute leur vie ne gagnent pas moins que 85 % du smic", ce qui correspond au minimum de pension à 1.000 euros promis en avril par le chef de l’Etat.

La retraite par points

Un autre changement de fond par rapport au système actuel sera la retraite par points. C’est l’un des deux modes de calcul de la retraite existant en France mais sans doute le moins répandu, l’autre étant un calcul basé sur le nombre de trimestres validés. La retraite par points est basée sur le cumul des points acquis tout au long de sa carrière par le salarié.

Les cotisations versées par le salarié tout au long de sa carrière, mais également celles versées par l’employeur sont totalisées chaque année. Le montant ainsi validé est transformé en points enregistrés sur l’année, montant qui vient s’ajouter au nombre de points déjà acquis au titre des années antérieures. 

Au lieu de calculer le montant de votre retraite en fonction d'une série d'anciens salaires, les 25 meilleures années pour les travailleurs du secteur privé, on pose le principe suivant : chaque fois que vous cotisez, même un euro, cela crédite vos droits à la retraite. Chaque euro cotisé vous donne un petit peu de droits, à tout moment. Et plus tôt vous le faites tôt au cours de votre carrière, plus ces droits seront revalorisés avec le temps.

Quelles conséquences à La Réunion ?

Dans notre île, un tiers des personnes âgées de 65 ans et plus vivent avec moins de 1.000 euros par mois, trois fois plus qu’en Métropole. À pension égale, le pouvoir d’achat des gramouns réunionnais est plus faible que celui des gramouns métropolitains, notamment à cause de la cherté de la vie. Et les seniors réunionnais sont plus nombreux à connaître un parcours professionnel à trous que les seniors métropolitains. Des spécificités locales qui ne seraient pas prises en compte dans cette réforme des retraites. C’est justement ce qui fait bondir les syndicats.

"Cela ne fera qu'aggraver les choses" Michel Zerwetz (FGR-FP)

Michel Zerwetz, secrétaire départementale de la fédération générale des retraités de la fonction publique s’offusque "la mise en place de cet 'âge pivot' veut déjà dire une chose : le gouvernement retarde l’âge de départ à la retraite, peu importe comment il appelle cela, pour avoir une retraite à taux plein, il faudra travailler jusqu’à 64. Point. En 2018, l’âge de moyen de prise de retraite était de 63 ans, aujourd’hui, les candidats à la retraite vont tirer sur la corde pour éviter la décote, c'est évident" finit-il.

Pour le syndicaliste, cette réforme ne fait qu’ajouter de la difficulté dans une situation qui est déjà très préoccupante "ça ne va faire qu’aggraver les choses, à l’heure actuelle, les retraités de la fonction publique perdent déjà leur majoration et leur indexation au moment du départ, c’est certes comblé par des mesures transitoires mais dans quelques années, elles disparaîtront. Si on ajoute à cela la retraite à points, la décote et l’âge pivot, on ne va pas s’en sortir".

"Si ça continue, on passera directement de la vie active au cimetière" Éric Marguerite (FO)

Un avis partagé par Éric Marguerite, secrétaire général de Force ouvrière qui voit d’un très mauvais oeil cette réforme où aucune des spécificités socio-économique locales n’est respectée : "la retraite par points, cela ne profite qu’à ceux qui ont eu une vie active stable, à La Réunion, beaucoup de nos gramouns n’étaient pas déclarés, ont eu des carrières à trous et des métiers difficiles. Ces mesures ne tiennent pas compte de cela, ni même de la pénibilité au travail. Le gouvernement doit revoir sa copie et les politiques doivent réagir sinon d’ici quelques années, le curseur va se déplacer sur un âge légal de départ à la retraite fixé à 66 ans sans que personne ne bouge."

C’est aussi cela que le syndicaliste dénonce, l’inertie des parlementaires réunionnais face à une situation déjà très inquiétante : "je regrette que nos députés, nos sénateurs ne bougent pas sur la question. De leur côté, c’est silence radio alors qu’ils devraient faire front commun, dépasser les clivages politiques. Si ça continue, on passera directement de la vie active au cimetière " s’inquiète-t-il.

"C'est encore une arnaque du gouvernement" Roger Alagama (CGTR) 

Roger Alagama, représentant des retraités à la CGTR est aussi pessimiste "dans les années 1960, 4 travailleurs cotisaient pour un retraité, aujourd’hui, c’est 1,2. Alors que la politique libérale et capitaliste du gouvernement actuel tue l’emploi et que les pensions de nos retraités sont déjà catastrophiques, on peut se demander qui va cotiser pour eux si ça continue comme ça. On est dans un désert social où Macron raye la politique socio-économique du pays à coup de crayon. "

Le syndicaliste est d’autant plus inquiet qu’il voie le fossé entre riches et pauvres se creuser "pendant que les dix premières fortunes de France s’enrichissent, on voit les plus modestes s’enfoncer dans la pauvreté. Cette réforme des retraites, c’est prendre le risque que nos gramouns déjà précaires sombrent encore un peu plus", s’indigne Roger Alabama.

"Les pensions de retraite ne doivent pas être inférieures au Smic" Max banon (CGTR)

Max Banon, membre de la CGTR, est sur la même longueur d’onde : "on touche encore aux retraites déjà faibles de nos gramouns alors que c’est du côté des actionnaires des grandes entreprises qu’il faudrait chercher. Du côté de ceux qui touchent des dividendes astronomiques. Pour nous, les pensions de retraite ne doivent pas être inférieures au Smic, nos aînés ont construit ce pays, on ne mendie pas, on demande un juste retour des choses" explique-t-il.

"Repousser l'âge de la retraite, une mesure nécessaire" Didier Fauchard (Medef-Réunion) 

Le seul avis qui détonne, c’est celui de Didier Fauchard, le président du Medef-Réunion "on sait très bien qu’aujourd’hui, si on veut rétablir l’équilibre des comptes, il faut repousser l’âge de départ à la retraite". Si le patron du Medef admet que le gouvernement "se cache derrière son petit doigt" en ne disant pas les choses clairement, il est tout à fait favorable à cette réforme des retraites qui est pour lui nécessaire.

Sur la question des spécificités locales avec ces pensions de retraite très faibles à La Réunion par rapport à la Métropole, Didier Fauchard rappelle que ce sont là des mesures qui sont prises nationalement et que localement, il est difficile de faire jouer "la carte de la spécificité locale" mais il admet aussi que cette réforme ne peut pas se faire sans que le minimum vieillesse tel qu’il a été annoncé par Emmanuel Macron ne soit acté.

Cette réforme des retraites, c'est pour quand ? 

Les contours de la réforme sont encore très flous, pour le moment, le gouvernement n'a fait qu'en donner les grandes lignes. Des précisions devraient être apportées au cours des prochains mois. Le 12 juin dernier, lors de son discours de politique générale, Édouard Philippe n’a pas donné d’échéance pour la présentation du projet de loi, qu’il avait pourtant annoncé fin avril pour "la fin de l’été".

fh/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
Bubble 06
Bubble 06
4 ans

En apparence L'âge de la retraite n'est pas touché. Sauf que si l'on part à 62 ans on est pénalisé. C'est une façon déguisée de repousser l'âge de départ. Autant repousser l'âge de la retraite clairement et que l'on arrête de prendre les Français pour des demeurés.

Chipie
Chipie
4 ans

Encore et encore les plus pauvres qui vont trinquer pourquoi obliger les gens à travailler jusqu'à 64 ans et que certaines catégories auront beaucoup de mal à travailler et quel on continue à indemnise les jeunes à ne rien faire. Laissons les jeunes prendre la place des anciens Mais macron à sûrement penser que ces gens à 64 ans seront tellement au bout du chemin que ils ne pourront pas profiter de leur retraite ils seront déjà mort. Donc moins de retraites à payer c est tout bénef pour macro. Et tout ceux qui s en mette dans les poches.. Bien vu macron

Fontaine, depuis son mobile
Fontaine, depuis son mobile
4 ans

Bonjour à propos du nouveau système de retraites avenir cher gouvernement pensez vous que c'est la solution ? ne serait-il pas mieux de mettre nos jeunes actifs au travail avec 1 salaire décent et à partir de la l economie (PIB) prendrait de la robustesse . en tant qu ouvrier BTP j ai 57 ans je suis contractuel à la Réunion par conséquent libre au patron de me remplacer par un plus jeune cela veut dire que toute ma vie j ai permis une évolutions de mon pays afin de ne pas pouvoir en profiter connaissez vous vraiment ce que c'est le travail où votre physique est mis à l épreuves tous les années