Une longue liste d'"irrégularités et de points faibles"

Sodegis : "train de vie disproportionné", "rémunérations non conformes", gouvernance défaillante...

  • Publié le 2 août 2019 à 06:44
  • Actualisé le 2 août 2019 à 07:03

Dans son rapport publié ce jeudi 1er août 2019, l'agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) passe au crible les comptes de la Sodegis pour l'année 2017. Au-delà de l'aspect financier, il est aussi question de la gouvernance, de l'attribution des marchés publics mais aussi du nombre de salariés qui travaillent au sein du bailleur social. Dès les premières pages, l'organisme de contrôle donne le ton. Dans son rapport, l'établissement public relève trois points forts mais le reste est accablant pour la Sodegis: quatorze points faibles et neuf irrégularités. Imaz Press s'est penché sur les détails de ce rapport en reprenant tels quels les points essentiels. Voici une liste non exhaustive des irrégularités et des points faibles pointés du doigt par l'Ancols. (photo d'illustration)

IRRÉGULARITÉS

 

• Rémunération non conforme

Le président a bénéficié depuis 2015 d'une rémunération annuelle de 36 000 euros (votée aux Conseils d'administration (CA) des 29 mai 2015, 15 avril 2016, et 23 juin 2017 en application de l'article L.225-45 al. 1 du code du commerce). Cette rémunération forfaitaire n'est pas justifiée par l'exercice effectif de ses fonctions.

Elle est déconnectée de toute participation effective ou de toute action. Les procès-verbaux de CA indiquent un pourcentage de présence de 2% du président depuis 2014 (participation à trois réunions sur 144 convocations en 2016, deux réunions sur 130 en 2015 et une sur 48 en 2014). Cette faible participation a perduré en 2017.

• Voyages, voyages

L'ancien DG a perçu des primes non autorisées et des remboursements de frais de transport aériens familiaux en l'absence de factures et de justificatifs (non conforme au mandat social) :

- Au titre de son mandat social, le DG bénéficie pour ses congés de la prise en charge de deux voyages familiaux par an en classe intermédiaire (vols vers la métropole ou toute autre destination équivalente en termes de coût. En 2016, M. Aservadampoulé a demandé le remboursement de cinq voyages A/R, au lieu des deux autorisés, pour un montant total de 44 947,68 euros soit un avantage nature de 53 772,8 euros bruts (factures ou justificatifs de la réalité des vols non présents dans les dossiers)

- L'ancien DG a également perçu des éléments de rémunération non accordés par le CA : primes d'intéressement (866 euros en 2015, 535 euros en 2016) et d'ancienneté (27 euros puis 54 euros/mois à compter d'octobre 2015) réservés aux salariés.

Interrogé pendant le contrôle sur ces points, l'ancien DG n'a apporté aucun justificatif spécifique pour le versement des primes d'ancienneté et d'intéressement. Dans sa réponse, il reconnaît que les remboursements des voyages familiaux ont été réalisés sur la production de simples devis (Paris-Réunion). Il indique qu'il a considéré ces voyages comme un complément de rémunération et que le solde des voyages familiaux non encore utilisés lui était contractuellement dûs par la Sodegis. Le reliquat a ainsi été demandé et versé en 2016.

Il y a confusion entre les modalités de versement de ces remboursements (ces voyages étaient considérés comme un avantage en nature) et l'octroi de l'avantage en lui-même défini par le CA. Le DG n'était en aucun cas autorisé à transformer de lui-même des avantages (voyages, familiaux) en un complément "forfaitaire" de rémunération sans autorisation préalable du CA. Il appartient à la Sodegis d'envisager toute action juridique afin de lever le préjudice subi.

Pour sa réponse, la société indique que le CA du 27 juillet 2017 a voté à l'unanimité l'engagement d'une procédure contentieux vis-à-vis de l'ancien DG afin de recouvrer les sommes indûment remboursées au seul préjudice de la Sodegis.

• Salaire en dépassement

Par décision du CA du 22 novembre 2016, la direction générale par intérim a été confiée à M. Patrick Corré, actuel responsable du département administratif et financier (RDAF). Le CA du 2 décembre 2016 a décidé de lui attribuer une rémunération complémentaire devant porter sa rémunération à hauteur de celle de son prédécesseur. (…)

L'ANCOLS a procédé au contrôle de la rémunération perçue en 2017 par le DG par intérim. Le salaire dépasse le montant fixé par le CA. Une erreur a été commise par le DRH qui a calculé le différentiel de traitement brut mensuel de l'ancien DG payé sur 12 mois sans tenir compte des versements des 13ème et 14ème mois prévus au titre du contrat de travail de RDAF. Le trop-perçu au titre de son mandat social est estimé à 14 169 euros.

Lors du CA du 15 décembre 2017, une information a été apportée sur ce sujet sans toutefois modifier les précédentes délibérations. Seule la renonciation ferme et définitive du DG par intérim à la prime d'intéressement de 2017 a été entérinée (sans toutefois évoquer le versement de la prime d'objectif d'un mois de salaire susceptible d'être versée fin 2017 au titre du contrat de travail de RDAF). Dans sa réponse, la société indique que la situation a été régularisée par la renonciation de l'intéressement en contrepartie du "trop perçu". Cette régularisation sera formalisée lors d'un prochain CA.

• Cinq attributions irrégulières de marchés publics

Cinq marchés ont révélé des irrégularités dans leurs modalités de passation et d’attribution :

Convention d’assistance juridique (cabinet d’avocat)

Au total 1 million d’euros de factures a été payé à un avocat conseil dans le cadre des activités de promotion de la Sodegis entre janvier 2014 et mars 2017 (date de résiliation du contrat). Une convention d’assistance juridique portant sur le suivi de l’ensemble des opérations a été signée par le DG le 2 novembre 2015 en l’absence de toute publicité et mise en concurrence préalable. De plus, l’analyse des factures produites par l’avocat depuis 2005 montre des dysfonctionnement récurrents et un contrôle manifestement défaillant de la Sodegis. La résiliation du contrat a permis de mettre fin à ces prestations préjudiciables à la santé financière mais également au bon fonctionnement de la société.

Prestations de services informatiques

Sur la période du 24 aout 2015 au 11 novembre 2016, trois contrats successifs relatifs au développement, au déploiement et à la maintenance du logiciel "Ad’Hoc" ont été signés avec la même société de prestations informatiques en l’absence de toute publicité et procédure de mise en concurrence pour un montant total de 229 000 euros. Le montant des commandes dépasse le seuil de 207 000 euros qui impose le lancement d’une procédure formalisée pour ce type de prestations de service. De plus, le coût global réel du développement et de déploiement du logiciel "Ad’Hoc" constaté à la date du contrôle dépasse de façon substantielle les montants initiaux avec notamment 84 000 euros de prestations payées à l’avocat conseil précipité en appui dans ce dossier. Enfin l’Ancols constate que ce projet n’a pas été mené à son terme et que le progiciel n’est toujours pas pleinement opérationnel à la date du contrôle.

Commissaire au comptes (CAC)

Le marché conclu en 2015 pour un montant de 206 280 euros HT a fait l’objet d’une procédure adaptée. Néanmoins, les missions complémentaires accordées contractuellement depuis 2015 ou susceptibles de l’être jusqu’en 2020 engendrent un dépassement du seuil des procédures formalisées (2017 000 euros) .

Maintenance du parc d’ascenseurs (12 contrats)

L’entretien des ascenseurs fait l’objet d’un contrat spécifique signé de gré à gré lors de chaque mise en service. La passation de ces contrats pour une durée initiale de un à cinq ans en reconduction tacite sans limitation de durée n’est pas conforme à l’article 5 du décret 2005-1742 du 30 décembre  2005. En outre, le coût de l’entretien et du contrôle de l’ensemble des ascenseurs de la Sogedis est évalué à 50 160 euros (soit 250 000 euros sur une durée de cinq ans). une nouvelle procédure de mise en concurrence formalisée doit donc être lancée par la société.

Mission d’assistance en matière sociale (marché DV Conseil) portant notamment sur l’établissement des bulletins de salaire et des déclarations sociales périodiques:
Le contrat signé de gré à gré le 1er janvier 2016, renouvelable par tacite reconduction sans limitation de durée (en contradiction avec m’article 5 du décret 2005_1742 du 30 décembre 2005) ne respecte pas la procédure interne qui prévoit une mise en concurrence de plusieurs entreprises pour toute une prestation de services de plus de 10 000 euros (26 487 euros de factures payées en 2016)

L’ensemble des problèmes identifiés confirme l’organisation insuffisante de la société en matière de suivi et de contrôle de la commande publique. Les deux premiers cas relevés sont en outre représentatifs de la mauvaise gestion de la Sodegis.

• Loyers plafonds des logements non conformes aux conventions LBU (ligne budgétaire unique)

L’Ancols a procédé à la vérification des loyers facturés sur sept opérations récentes. Les loyers plafonds ont été correctement calculés pour chacun de ces groupes. Néanmoins, l’examen montre des modulations des tarifs au logement non prévues dans la convention LBU signée par le préfet. L’analyse des données montre également une modification des surfaces financées réellement construites impactant le loyer maximum indiqué dans la convention pour cinq opérations. 

Lire aussi : Agence nationale de contrôle du logement social : un rapport accablant pour la Sodegis

POINTS FAIBLES 

 

• Sureffectif important : nombreux dysfonctionnements pénalisant la société

Au 31 décembre 2016, la Sodegis dispose d'un effectif excessif au regard de ses activités. La société compte 116 salariés en activité représentant 101,7 équivalents temps plein (ETP) auxquels s'ajoutent 7,4 ETP en intérim (…) soit un ratio de 32, 1 ETP par tranche de 1000 logements, ratio anormalement élevé comparé à la moyenne de 17,4 constatée pour les Sociétés d'économie mixte (SEM) immobilière d'outre-mer.

Les activités autres que celles de bailleur social sont marginales, le volume élevé de production ne permet pas d'expliquer ce sureffectif en comparaison des autres SEM immobilières d'outre-mer qui présentent un profil similaire.

La baisse des effectifs engagée en 2017 (moins sept salariés) n'a pas abouti à la diminution effective des ETP totaux, néanmoins la rationalisation des emplois initiée doit être poursuivie. Selon les hypothèses fournies par la Sodegis, la livraison de logements supplémentaires et les compressions de personnel menées dans le cadre du redressement nécessaire de la société devraient ramener le ratio d'ETP par tranche de 1000 logements à 24,6.

Dans sa réponse, la Sodegis indique que l'ensemble des actions entreprises afin de réduire les effectifs vont permettre d'arriver à 91 ETP pour l'année 2018, soit neuf de moins que l'estimation initiale.

Des fiches de poste ont été établies, mais à la date du contrôle, tous les salariés n'en disposaient cependant pas encore.

(…)

La société n'a pas établi de rapport annuel unique (non conforme à l'article L. 2323-47 du code du travail). Dans les entreprises de plus de cinquante et de moins de trois cents salariés, un rapport sur la situation économique de l'entreprise appelé rapport annuel unique (RAU), doit être remis chaque année au comité d'entreprise. Bien que le rapport d'activité de la Sodegis fournisse un certain nombre d'indicateurs, il est incomplet.

Dans sa réponse, la Sodegis indique la situation sera régularisée à compter de 2019 avec la communication de ces informations à la délégation unique du personnel via la base de données économiques et sociales.

(…)

Malgré ses labels et ses certifications qualité, de trop nombreux dysfonctionnements pénalisent la Sodegis. L'organisation n'est pas efficiente. Les résultats obtenus sont faibles par rapport aux objectifs fixés et au vu des moyens déployés. Le contrôle interne est insuffisant alors que sa mise en place constitue un préalable indispensable à tout système qualité. L'organigramme en place est complexe, peu rationnel et ne permet pas clairement l'identification des tâches et des missions de chacun des départements.

• Gouvernance défaillante ; directeur général non remplacé depuis fin 2016

La gouvernance de la Sodegis est défaillante. Les décisions prises, ou l'absence de décision, ne permettent pas à la société de garantir un fonctionnement conforme à son objet social. (…)

La lecture des procès-verbaux montre que, sur la période contrôlée, les représentants de l'actionnaire de référence (CASUD) n'ont pas toujours réussi à définir une ligne d'action cohérente et partagée.

Les principaux signes de défaillance relevés sont les suivants : l'audit financier demandé par le président de la CASUD (AGO du 6 juin 2016) et par le président du CA (22 novembre 2016) a fait l'objet d'un rejet ; la demande de la révision des rôles du président et du DG formulée par le président lui-même a été rejetée (CA du 21 novembre 2014 et AGO du 6 juin 2016) ; le président du CA a refusé de prendre part au vote du bilan d'activité et à l'approbation des comptes 2014 (CA du 29 mai 2015) ; le CA n'a pas réussi à nommer un nouveau DG ; la procédure du recrutement du DG, reportée lors du CA du 2 décembre 2016, a finalement été ajournée au CA du 17 février 2017 sans même que le point ne figure à l'ordre du jour et ne soit débattu ; depuis le départ et le non remplacement du DG fin 2016, le président ne s'est pas impliqué davantage dans la gouvernance de la société ; compte-tenu de l'activité soutenue et des problèmes financiers rencontrés, l'absence d'un DG en pleine capacité de diriger et réformer le fonctionnement de la société est pourtant fortement préjudiciable : la forte hausse des jetons de présence initiée en 2014 a été décidée en contradiction avec l'activité principalement sociale de la SODEGIS ; malgré la prise de conscience de difficultés de gestion relatives à la gestion locative, les CA et l'AGO du 6 juin 2016 n'ont pas montré de volonté de redressement ou de correction de la situation  par ailleurs, la définition de la rémunération du DG n'est pas clairement explicitée dans les procès-verbaux du CA ; les primes de résultat ne sont ni plafonnées ni objectivées par des indicateurs adaptés.

• Train de vie disproportionné au regard des capacités financières de l’activité de bailleur social

Le train de vie de la Sodegis apparaît disproportionné au regard de ses capacités financières et de son activité de bailleur social. Pour illustrer ce propos, les éléments suivants peuvent être cités:

• une politique salariale très avantageuse se traduisant par :
    - une rémunération sur 13 mois puis un quatrième mois accordé graduellement lors de NAO (négociation annuelle obligatoire) 2015,
    - une grille salariale globalement élevée au regard de la convention collective,
   - un salaire brut moyen de 39,6 000 d’euros en 2014, 43,1 000 d’euros en 2015 et 46,9 000 d’euros en 2016 (35, 5 000 d’euros était observé en 2014 en métropole dans le secteur privé)
   - un cadre a été augmenté de 110% en 2014 avec ajustement de ses missions mais sans élément fort d’évolution de son périmètre de responsabilités en rapport avec cette hausse,

• un sureffectif important

• un parc de véhicules conséquent (40 véhicules au 31 décembre 2016 dont 17 de fonction)

• des coûts de siège qui ont plus que doublé à partir de 2015 (année de livraison du nouveau siège de la commune du Tampon), la location des anciens locaux était de 343 000 d’euros en 2014, celle des nouveaux locaux revient à 736 000 d’suris en 2016 (2015 étant une année de transition)

• l’université d’entreprise " PLUS+ by Sodegis " (ses actifs permettent et favorisent une concertation entre les locataires, les acteurs locaux et les salariés de la société) dont le budget valorisé à 100 k d’euros en 2017 est difficilement rattachante à un bénéfice éventuel, des frais d’avocat conseil très importants et en forte augmentation

• la distribution de jetons de présence se fait selon la participation à diverses réunions pour les administrateurs (jetons fixés à 319 euros par réunion avec un plafond à 1000 euros/mois) à l’exception du président qui perçoit un forfait. Elle s’apparente ainsi à une rémunération excessive des administrateurs du fait du manque de contreparties suffisantes identifiées. Lors des votes, le représentant de la Caisse des dépôts et consignation s’est dans un premier temps abstenu, puis s’est opposé en 2017 (la CDC menaçant aussi à la perception de ces jetons de présence).

Lire aussi : Agence nationale de contrôle du logement social : un rapport accablant pour la Sodegis

as/fh/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com 

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2 Commentaires
Bis repetita
Bis repetita
4 ans

Et c est ce même ex dg qui est directeur par intérim de la sodiac ... c'est le jeu des chaises musicales . Quand vont ils mettre des gens sérieux et intègres ? Sélectionnés par un jury avec de vrais Rh...

Vienne
Vienne
4 ans

Et bien tous des profiteurs, c'est honteux et à vomir