Les syndicats hospitaliers pas convaincus

Grève des urgences "les annonces d'Agnès Buzyn sont un saupoudrage de mesurettes"

  • Publié le 4 septembre 2019 à 02:59
  • Actualisé le 4 septembre 2019 à 06:18

Ce lundi 2 septembre, Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, a annoncé sa première série de mesures pour faire face à la grève, sans précédent, de la moitié des services d'urgences de France. "On a besoin de trouver une solution de fond, pas juste de soigner le symptôme" a fait valoir la ministre. Les intentions sont là mais pour les syndicats hospitaliers, c'est insuffisant. À La Réunion, les urgences du CHU Sud sont en grève depuis le 5 juin dernier, en fonction de la suite des annonces de la ministre, d'autres services pourraient rejoindre le mouvement (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Les revendications des syndicats hospitaliers sont toujours d’actualité, plus de moyens humains et une hausse de salaire. Agnès Buzyn est sur un terrain glissant et l’enveloppe de 70 millions d’euros débloquée en urgence cet été n’aura pas suffi à calmer l’ire des syndicats.

Ce premier train de mesures était censé apaiser les esprits et "améliorer la situation de services en surchauffe" mais il laisse les syndicats dubitatifs. Les annonces qui concernent principalement deux volets: la prise en charge des personnes âgées et l’élargissement des compétences des infirmiers. La fédération autonome de la fonction publique hospitalière de La Réunion (Fafphr) est vent debout contre "la ministre ne souhaite pas donner plus de moyens aux hôpitaux pour la prise en charge des urgences ; elle se cantonne à émietter les responsabilités sur d’autres professionnels."

Prise en charge des personnes âgées

Premières annonces pour réduire au maximum le passage des personnes âgées aux urgences et généraliser l'admission directe, étendre la vidéo-assistance entre les Ehpad et le Samu. Tout de suite, ça coince, Zohra Givran, secrétaire du syndicat Sud santé au CHOR (centre hospitalier ouest Réunion) ne voit pas cette mesure d’un bon œil "madame Buzyn, venez vous faire soigner à l’hôpital par des êtres humains, pas des machines" s’exclame la syndicaliste. Pour elle, ce système de vidéo assistance ne tient pas "mettre des caméras sur un patient, ce n’est pas ce qui va le soigner, le diagnostic doit être posé par un soignant et non des machines" s’indigne-t-elle.

Argent et santé

De plus, le fait que la ministre agite la carotte financière pour appâter les directions d'établissement hospitaiers et les pousser à jouer le jeu ne passe pas non plus. À ceux qui généraliseront ces filières d’admission directes, la ministre promet à la clé "une incitation financière, une forme de bonus aux hôpitaux qui (les) mettront en place." Scandaleux répondent les syndicats hospitaliers "on s’éloigne des missions du service public, la santé ne peut pas être marchandée" se révolte Eddie Dijoux, vice-président de la Cftc.

S'appuyer sur les médecins libéraux pour désengorger les urgences

Une autre annonce inquiète les syndicats. Pour soulager les services d'urgence, Agnès Buzyn veut s'appuyer sur les médecins libéraux, les Samu seront autorisés à envoyer une ambulance vers un cabinet de ville ou une maison de santé. Pour Stéphane Casimir, membre de la Cftc "c’est un démantèlement en bonne et due forme du service public". Sur cette idée, il est rejoint par Expédit Lock-Fat, secrétaire général de la Cfdt-Santé "c’était dans es tuyaux depuis quelques temps, en théorie, c’est bien mais on ne peut pas empêcher le gens de venir aux urgences. De plus, cela ne règle pas le fond du problème".

À cela, Eddie Bijoux ajoute "cette mesure remet en question les missions premières du service public, qui est de soigner peu importe la classe sociale du patient. La santé n’est pas un business. Une mutualisation des moyens, oui mais pas de marchandisation. Tout le monde n’a pas accès au privé, de plus les structures pour accueillir les personnes âgées, ce qu’on appelle des maisons médicales, manquent cruellement à La Réunion."

Des compétences élargies

L’autre mesure concerne les compétences des personnels paramédicaux des urgences, ces derniers auront le droit de "faire des gestes qu’ils ne peuvent pas faire aujourd’hui", comme "prescrire de la radiologie [ou] faire des sutures", ce qui leur permettra de toucher une "prime de coopération" de 80 euros net par mois. Risqué s'inquiète la Fafphr "Il semble que la ministre veuille transformer les médecins de ville, déjà décimés, en urgentistes, en biologistes, … et faire porter aux personnels soignants la responsabilité d’actes médicaux avec les conséquences juridiques qui en découlent."

Et 80 euros net par mois, "insuffisant" s’insurge Zohra Givran, "depuis plusieurs années, nous demandons une vraie augmentation des salaires de 300 euros et pour tout le monde. Une augmentation de salaire et d’effectif pour préserver la dignité et la santé de chaque patient et du personnel."

"On attend la suite"

Le 9 septembre prochain, Agnès Buzyn rencontrera les syndicats et fédérations hospitalières, les représentants des médecins libéraux et le collectif Inter-Urgences pour compléter les premières mesures annoncées le 2 septembre. Les syndicats hospitaliers restent vigilants et surtout méfiants, ils attendent surtout que ces annonces puissent répondre aux problématiques locales. 

fh/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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