
Les origines d’un dispositif contestable
C’était une des promesses phares de campagne du candidat Didier Robert en 2010. Créer un bon de continuité territoriale visant à alléger le coût du transport aérien entre la Métropole et La Réunion pour un très grand nombre de Réunionnais.
Ses opposants à l’époque, parmi lesquels Paul Vergès (PCR), rappelaient alors que cette compétence est du ressort de l’Etat, prenant l’exemple Corse qui bénéficie d’un dispositif de continuité territoriale depuis 1976 et dont l’Etat en assume la charge financière (près de 200 millions d’euros par an).
Faisant fi de ces remarques Didier Robert, fraichement élu président de Région, fait voter le 13 juillet 2010 la création d’un bon de continuité territoriale d’un bon de continuité territoriale chaque année, avec des conditions d’éligibilité très larges, une stratégie qui n’apparait pas comme "économe des deniers publics" souligne la chambre régionale des comptes cité par letangue.re puisque "70% des demandes provenaient de personnes faisant partie de la tranche aux revenus les plus élevés", souligne le média en lige.
L’objectif de cette mesure était de faire baisser le prix net du billet d’avion en dessous de la barre des 500 euros en fonction des périodes. Cette aide était financé à l’origine à hauteur de 16 millions d’euros, à part égale entre la Région et l’Etat (8 millions d’euros chacun).
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Un dispositif plébiscité...
Le dispositif rencontre immédiatement un "succès auprès des bénéficiaires" reconnaît la chambre régionale des comptes dans son rapport. De 40 000 bons édités en 2010, on atteint les 150 000 dossiers en 2018 et la collectivité régionale prévoit même 170 000 bons en 2020. Qui dit augmentation de la demande dit hausse, voire même explosion du budget. De 16 millions d’euros inscrit au budget en 2010, on passé à une prévision de 60 millions d’euros pour 2020.
En parallèle, l’Etat se désengage progressivement du financement depuis 2014. Une décision qui avait d’ailleurs entraîné la mobilisation de la population et des élus réunionnais.
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En vain, l’Etat est resté droit dans ses bottes et a acté la diminution de sa dotation au titre de la continuité territoriale dans son budget 2015. Didier Robert, soucieux de préserver ce dispositif populaire à un an des élections régionales, décide de palier ce désengagement en abondant l’enveloppe à hauteur de 29 millions d’euros.
Côté utilisateurs, Béatrice, que nous avons rencontrée, estime que ce coup de pouce est appréciable : "Ma demande s'est très bien passée, on a fait notre demande de bon, puis acheté nos billets. Ça nous a permis de voyager en famille. Nous étions cinq et on a économisé 450 euros par personne."
...mais qui dérape
Ce budget dérape d’année en année, sans que la Région ne puisse assurer une quelconque maîtrise. "En 2018, le budget primitif voté de 34 millions d’euros est sous-estimé puisque le niveau de consommation était de 39 millions d’euros en 2017, pour un dispositif en croissance constante", relèvent les magistrats financiers cités par le Tangue qui rappelle qu’au final, le dispositif aura coûté 53,9 millions d’euros cette année là.
En 5 ans, ce budget aura ainsi quasiment doublé pour atteindre le montant titanesque de 57 millions d’euros en 2019. La chambre régionale des comptes ne manque d’ailleurs pas de s’interroger quant à la "soutenabilité financière" d’une telle mesure que la collectivité régionale peine à contrôler, comme le souligne le Tangue qui évoque un petit florilège des perles de la continuité territoriale : un billet acheté en 1916, un billet dont le prix indiqué est de 9 232 milliards d’euros ou encore des bénéficiaires qui voyagent 8 fois dans la même année.
La juridiction financière évoque aussi l’extension du dispositif aux 247 000 personnes d’origine réunionnaise résidant en métropole, ce qui ferait courir un "risque au regard de la réglementation européenne".
Elle soupçonne aussi une possible aide indirecte aux compagnies aériennes. "Au regard de son ancienneté et de son poids dans l’économie du secteur, le dispositif pourrait être considéré, selon la Chambre, comme devenant un paramètre structurant du trafic aérien réunionnais", peut-on encore lire.
Avis partagé par une voyageuse, Evelyne, qui a déjà profité deux fois de la continuité territoriale. "Il faudrait peut-être rehausser les barèmes parce que les billets d'avions augmentent chaque année. Ce que moi je reproche c'est que les compagnies s'appuient beaucoup sur ces aides et fixent peut-être leurs tarifs en fonction de la continuité territoriale. Ça fausse peut-être la donne."
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la chambre régionale des comptes demande à la Région d’engager une réflexion " sur la maîtrise financière " du dispositif en évoquant plusieurs pistes : "réduire le niveau des ressources financières de manière à limiter le public éligible, diminuer la fréquence du bénéfice de l’aide financière […] ou encore diminuer le niveau de l’aide simple et de l’aide majorée", indique le Tangue, relatant le rapport.
Un sujet brûlant de plus, à quelques mois des municipales
Ce rapport est en tout cas un véritable pavé dans la mare de Didier Robert, déjà en proie à 4 enquêtes préliminaires (affaire des musées régionaux, nouvelle route du littoral, enquête sur les nombreux collaborateurs et conseillers du cabinet de Région, l’enquête suite au signalement de la haute autorité pour la transparence de la vie publique sur des "revenus substantiels" qu’aurait omis de déclarer le président de Région).
Ce nouveau rapport de la chambre régionale des comptes tombe surtout au plus mauvais moment, à quelques mois des élections municipales durant lesquelles les électeurs scrutent souvent toute modification de mesures existantes, surtout lorsqu’elles sont populaires telles que le dispositif de continuité territoriale.
"Toucher à ce dispositif, c’est envoyer un signal très négatif à la population et aux candidats soutenus par Didier Robert lors de ces municipales", note un observateur de la vie politique locale.
Aussi, à la Région, on semble marcher sur des œufs et avancer très prudemment, voire même trop, au point de faire des "erreurs" selon les termes du directeur général des services de la collectivité, Mohamed Ahmed, comme en septembre dernier où une note de synthèse étudiant la diminution de l’aide à la continuité territoriale avait été malencontreusement glissée dans le rapport de la commission permanente. "Le dispositif n’est nullement remis en cause", avait assuré Mohamed Ahmed.
Cette fois, pas question pour la majorité régionale d’être prise de court. La collectivité veut soigner sa communication et trouver une réponse efficace pour éteindre toute polémique voire et rassurer la population. Ce qui, selon certaines sources, expliquerait le report à une date ultérieure de la séance plénière de ce jeudi 31 octobre durant laquelle devait être présenté ce rapport explosif.
Contactée la Région n'a pas donné d'explications à ce report. Pas plus qu'elle n'en a donné aux conseiller(e)s de la Région. Ces dernier(e)s ont reçu lundi un simple courrier daté de vendrerdi et les avertissant du renvoi de la séance. Sans plus de précisions
La fin de non recevoir d’Emmanuel Macron à l’appel de Didier Robert
Alors qu’Emmanuel Macron prenait son envol depuis Mamoudzou (Mayotte) pour se rendre à La Réunion, Didier Robert a pris sa plus belle plume pour écrire au président de la République et partager avec lui sa vision d’une "révolution des réussites pour les prochaines décennies".
Parmi ces révolutions, l’élu régional évoque notamment la continuité territoriale et le "succès incontestable" de son très cher bon. "L’Etat doit marquer son retour en soutien à ce dispositif" souligne le président de Région. Un appel à l’aide à peine voilé pour que l’Etat vienne à la rescousse de Didier Robert.
"On paye le dysfonctionnement du marché aérien", avait répondu le chef de l’Etat, interrogé sur ce dossier lors de sa rencontre avec les membres de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus. Il soulignait alors qu’il fallait développer l’offre de marché aérien, et donc la concurrence, pour faire baisser les prix.
Il a néanmoins évoqué une volonté d’encadrer les prix pour empêcher les abus, la nécessité de revoir la subvention d’équilibre, et de réfléchir à une aide en faveur de certains publics tout en excluant la mise en place d’un "chèque avion" qui seraient en quelque sorte "donner de l’argent aux grandes compagnies".
Fin de non recevoir cinglante pour Didier Robert.
www.ipreunion.com
24 Commentaire(s)
je dois voyager ce mois de janvier 2020 avec mes enfants pour une première fois . dois je attendre le bon pour réserver nos billets ,sachant que les prix grimpe énormément .
merci de ma répondre s'il vous plaît
Eurêka, j'ai trouvé dans le magazine de la région Réunion ''NUMÉRO SPÉCIA'' ' en page 9:+ 232 000 000 euros engagés depuis 2010.(Bonjour Chaban, merci pour cette information, belle journée à vous - webmaster)
Ainsi, la voie aérienne sera t-elle la plus utilisée, pour ne pas dire la seule. C'est dire toute son importance dans notre vie (moderne).
Depuis toujours, la compagnie historique "considère" la desserte de notre île comme une liaison interne (de province), et aura toujours pesé de tout son poids pour en avoir la quasi monopole... Les rares compagnies qui tiennent subissent constamment "sa loi" (vision & prospective), et in fine maîtrise à fond les prix des billets (aller ou retour simple et le A/R). La politique de Air France n'est pas de vendre un seul sens...du coup la majoration pour un seul trajet (ramené au km parcouru) reste très dissuasive , les autres (CORSAIR, French Bleue (filiale de AIR CARAÏBES), AIR MAURITIUS, sans oublier la régionale (mais qui fait beaucoup la liaison avec la Métropole : en se posant à Roissy CDG) : AIR AUSTRAL) suivent (et appliquent les mêmes ratios à quelques euro près).
De toute façon, il est quasiment impossible d'acheter un billet à une ou deux semaines du départ visé, comme cela se fait en Métropole et dans le monde (sinon, il faut être riche...). On le voit très bien, c'est en raison d'une sous-offre que ces sociétés (actionnaires, profit, etc.) s'enrichissent royalement. En effet, pour faire une Roissy/San Francisco on ne dépense pas plus de 400 ou 500 euro (A/R) toute l'année, de surcroît avec des avions modernes et un personnel plus jeune et serviable (que sur la fameuse compagnie historique).
L'État français (et un peu beaucoup ces dernières années: une CL d'ici), notre pR vient tout juste d'éprouver cette liaison (sauf que lui ne paye pas directement : ces sont les contribuables et les entreprises (les vraies), celles qui créent la richesse obtenue dans la concurrence saine, non-faussée et loyale, qui constituent le pot commun (budget de l'État et des CL...) a bien sÃ"r une grande responsabilité de cet abus qui perdure depuis 50 ou 60 ans.
Le dispositif mis en place depuis les années 2010 à aujourd'hui, au lieu de tempérer, d'atténuer, de tordre le coup à cette dérive (dans un territoire qui n'a rien de comparable à Neuilly-sur-Seine ou Marne-la-Coquette), n'aura fait qu'amplifier l'écart entre les Réunionnais et les Métropolitains et le reste du monde : eux payent un prix nettement plus raisonnable. Nous, on nous suce jusqu'à la moelle épinière... La CRC se réveille bien tardivement!
Ok merci, je vais à la pêche, je reviens.
Savez-vous Au total depuis son arrivé à la region, quel montant a été dépensé en cumul ? (Le calcul serait en effet intéressant Chaban, mais étonnement la Région ne semble pas disposer à communiquer sur le sujet ^^ Webmaster)