Heurts et lacrymo

A Paris, deux heures de surplace pour le cortège bloqué par des heurts

  • Publié le 5 décembre 2019 à 23:58
  • Actualisé le 6 décembre 2019 à 05:07

Devant on s'affronte, derrière on piétine: pendant plus de deux heures, la manifestation parisienne contre la réforme des retraites a fait du surplace jeudi, à cause des heurts entre le cortège de tête et des policiers qui ont découragé de nombreux manifestants.

Venue pour crier sa colère, Évelyne, 49 ans, est repartie déçue. "On ne sait pas trop ce qui s'est passé, à part qu'on a senti la lacrymo", raconte cette assistante maternelle de Seine-et-Marne. "J'aurais préféré que ce soit pas comme ça", soupire-t-elle. "C'est dommage, un défilé massif et pacifique aurait été quelque chose de fort. Mais je ne sais pas si c'est encore possible de nos jours."

Comme des dizaines de milliers de manifestants, elle s'est retrouvée bloquée en plein Paris, à faire du sur place pendant presque deux heures à cause des heurts en tête de cortège.

A l'origine, le parcours du défilé annoncé par les syndicats était clair: départ 14h de la Gare du Nord pour rejoindre la place de la Nation via de grands boulevards, en passant par la place de la République.

Cette vaste aire rectangulaire, aux accès bien définis et facilement contrôlables par les forces de l'ordre, a la réputation d'être idéale pour les "nasses", cette technique d'encerclement de la foule devenue routinière à Paris.

Or avant même le coup d'envoi de la manifestation, un cortège de tête de plusieurs milliers de personnes se forme sur le boulevard Magenta et se positionne devant le carré syndical. Parmi la foule, dense et statique, plusieurs manifestants, certains habillés tout en noir, crient des slogans anticapitalistes et hostiles à la police.

Vers 15H30, un groupe parvient à renverser une imposante remorque de chantier, stationnée juste avant la place de la République, devant la Bourse du Travail. Les hourras pleuvent, la tension monte d'un cran et l'engin est rapidement incendié. Plusieurs vitrines sont brisées, des feux de poubelles sont allumés, que certains alimentent avec des vélos et trottinettes en libre service. Ce qui pousse les forces de l'ordre, qui se tenaient jusqu'alors à distance, à intervenir.

- Bouchon -

Les grenades de gaz lacrymogène répondent à des jets de projectiles en tout genre: pierres, bouteilles, rondins de bois, mortiers d'artifice... Les heurts, qui impliquent notamment un groupe de black blocks, provoque un bouchon à l'entrée de la place de la République. Au milieu des incidents, la fumée rouge des fumigènes se mêle aux nuées blanches de lacrymogènes. Les manifestants pris dans ces nuages ont la gorge prise, les yeux rougis.

Face à un cortège qui piétine, de nombreux manifestants rentrent chez eux ou rejoignent leur bus. Devant un journaliste de l'AFP, l'un d'eux reprochent à un sympathisant black blocks la stratégie du groupe anticapitaliste. "Avant vous faisiez les échauffourées à la fin. Ça permettait à tout un chacun de manifester. Là les gens sont frustrés", râle-t-il.

"On n'a pas pu faire grande chose, on a du faire demi-tour à 50 mètres de la place, on nous a dit qu'on ne pouvait pas continuer à cause des violences", regrette une directrice d'école qui ne souhaite pas donner son nom. A cinq ans de sa retraite, elle quitte le cortège, mais promet qu'elle "reviendra". "Plus on sera nombreux, moins on laissera la place à ceux qui veulent casser."

D'autres manifestants, furieux, estiment que les forces de police ont "cassé la manif en prenant le prétexte des violences". Ils sont rejoints par Jean-Luc Mélenchon, qui s'en prend directement au préfet de police sur Twitter. "Paris: une fois de plus, méthode nulle du préfet Lallement. Seule ville de France à violences et gazages de masse", dénonce le chef de la France insoumise.

Ce n'est finalement que vers 17H00 que le point de fixation se débloque. La foule, encore nombreuse, passe la place de la République et s'engage sur le boulevard Voltaire vers la Nation. Elle finira par rejoindre la place dans la nuit tombante avec à sa suite le défilé syndical sous le chant de l'Internationale.

AFP

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