Oiseaux espions

Des albatros pour repérer les pêcheurs illégaux dans les mers australes

  • Publié le 2 février 2020 à 17:56

Comment surveiller la pêche dans les mers australes, vastes étendues inhospitalières qui attirent les flottes du monde entier ? Grâce aux albatros, suggèrent des chercheurs français qui ont estimé, avec leur aide, qu'un tiers de bateaux y pêchent illégalement. Ces géants des airs, dont l'envergure peut atteindre 3,50 m, peuvent en effet parcourir d'immenses distances loin de toute terre. Et repèrent visuellement à 30 km les bateaux, sur lesquels ils fondent avant de les suivre pendant des heures.

C’est en étudiant la surmortalité des albatros, qui ont tendance à se noyer en happant les hameçons des longues lignes (palangres) utilisées par les pêcheurs, que des chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de La Rochelle Université ont eu l’idée d’utiliser leur attrait pour les navires. " On s’est rendu compte qu’on pouvait développer une partie opérationnelle ", explique Henri Weimerskirch, qui a dirigé l’étude, publiée lundi 27 janvier dans la revue américaine PNAS.

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Pendant six mois, 169 albatros des îles Crozet, Kerguelen et Amsterdam, dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), ont ainsi été équipés de petites balises pesant à peine 70 g et détectant à 5 km les échos émis par les radars des navires de pêche.

Ces données, transmises en temps réel, ont été croisées avec celles du "système d’identification automatique" (AIS en anglais) avec lequel tous les bateaux sont supposés naviguer, mais que certains pêcheurs éteignent pour opérer dans des zones d’exclusion territoriale. Pour éviter les collisions, ils n’éteignent en revanche pas leur radar, permettant ainsi aux albatros espions de détecter les fraudeurs probables.

Une technique plus efficace que ne le serait l’observation satellitaire, chère, soumise aux intermittences de survol et "très sensible à l’état de la mer, souvent déchaînée " sous ces latitudes, souligne M. Weimerskirch.

- Comme des drone mais avec "l’intelligence en plus "-

Entre novembre 2018 et mai 2019, les albatros, eux, ont pu patrouiller sans relâche sur plus de 47 millions de km2, permettant la " première estimation " du genre, selon le chercheur. Un peu à la manière de drones, mais sans besoin de les recharger, et "l’intelligence en plus ".

Résultat de cette patrouille des mers aérienne, sur les 353 contacts radars établis pendant la campagne d’étude, " il y a jusqu’à 30 % des bateaux qui n’ont pas leur système d’identification en fonctionnement ". Navires qui ont donc toutes les chances de se livrer à une activité illégale dans ces régions par ailleurs peu fréquentées. La proportion est toutefois "extrêmement variable selon les zones économiques" exclusives, où les Etats exercent souverainement l’exploitation des ressources marines, souligne le chercheur.

"Certains bateaux chinois ou espagnols s’approchent d’une zone économique et d’un coup il n’y a plus de signal. C’est qu’ils pêchent au bord ", analyse le chercheur, qui rappelle que l’activité " est extrêmement rentable".

Le projet, baptisé "Ocean sentinel" (sentinelle de l’océan) et labellisé par le Conseil européen de la recherche (CER), aura " montré qu’il est possible en utilisant des animaux d’obtenir des informations qu’on ne peut récolter par ailleurs ", se félicite Henri Weimerskirch, alors que la surpêche illégale met à mal la biodiversité marine.

L’équipe prévoit déjà une deuxième phase d’étude, avec le déploiement d’une soixantaine de nouveaux albatros patrouilleurs des mers. Et ses travaux ont aussi attiré l’attention du département des pêcheries de Nouvelle-Zélande, de l’Afrique du Sud et même du Service de la flore et de la faune sauvages de Hawaï.

AFP

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1 Commentaires
Dep974
Dep974
4 ans

Très intéressant, mais il faut la volonté de déployer les moyens de combattre cette pêche illégale, donc mettre les moyens militaires d'éloigner ces bateaux illégaux.