L'Autorité de la concurrence a validé le rachat

Hayot met la main sur Vindémia et provoque une levée de boucliers sans précédent

  • Publié le 27 mai 2020 à 14:42
  • Actualisé le 27 mai 2020 à 14:43

Attendue depuis plusieurs semaines, la décision de l'Autorité de la concurrence concernant le rachat de Vindémia par le groupe GBH est tombée ce lundi 26 mai 2020. Dans un communiqué, le gendarme de la concurrence a donné son feu vert au rachat de l'entité, ouvrant la porte à la suite des opérations. Si l'autorité indique avoir obtenu des garanties de la part de GBH, cette décision ne dissipe pas les craintes formulées par les différents acteurs réunionnais et provoque une levée de boucliers sans précédent (Phorto rb/www.ipreunion.com)

- Le front uni réunionnais n’a pas payé -

C’est un fait rare si ce n’est unique. L’annonce du rachat de Vindémia par le groupe GBH avait provoqué une réaction négative quasi unique dans l’histoire économique de l’île. Présidents de Région et de Département, tous les parlementaires, les présidents de chambres consulaires, plusieurs syndicats, ainsi que certains maires avaient émis d’importantes réserves concernant cette opération, allant même jusqu’à écrire au président de la République Emmanuel Macron.

Ce front uni réunionnais n’a  pas payé puisque malgré une opposition claire, l’autorité de la concurrence a validé ce rachat "sous conditions".

Lire aussi : Autorité de la concurrence : feu vert sous conditions au rachat de Vindémia par le groupe Hayot

- Des engagements loin d’être rassurants -

L’autorité de la concurrence le reconnaît elle-même :"en l'absence de mesures correctives, l'opération aurait porté atteinte à la concurrence", c’est dire le grand risque en matière d’équilibre économique que fait porter ce rachat.

Face aux inquiétudes émises, le groupe GBH a donc entrepris de prendre des engagements "fix-it-first" afin d’apporter par anticipation les correctifs censés permettre d’assainir la situation concurrentielle sur le territoire par la cessions de magasins, notamment à Make Distribution et au groupe Tak. "Ce sont des engagements très ambitieux, encore jamais pris" souligne au micro de RTL Réunion Isabelle Da Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence pour la zone océan Indien qui assure qu’un travail "sur la réalité de l’ensemble de l’économie réunionnaise" a été fait dans le cadre de ce rachat.

Si le principe du "fix-it-first " permet de sécuriser l’opération, les observations de l’Autorité de la concurrence ne sont pas pour autant rassurantes. Concernant les cessions à Make Distribution et au groupe Tak, "ces derniers sont apparus comme des acteurs crédibles et aptes à assurer et animer une concurrence effective", peut-on lire, sans pour autant certifier la capacité de ces acteurs à animer cette concurrence.

L’autorité de la concurrence note par ailleurs que GBH souscrit à une "série d’engagements dit comportementaux", en matière de d’approvisionnement avec les acteurs locaux, de prévention de toute situation de dépendance économique, et de protection des fournisseurs. Si la démarche est louable, le gendarme de la concurrence n’indique pas comment il compte veiller au respect de ces engagements.  

Enfin, ces engagements n’écartent en aucun cas l’influence dominante qu’aura le groupe GBH sur l’économie locale, puisque ce groupe possède déjà un nombre pléthorique d’enseignes à La Réunion dans les secteurs de la distribution alimentaire et non-alimentaire (MR Bricolage, Décathlon..), de la restauration rapide, de la distribution automobile ou encore de la distribution en gros de produits à dominante alimentaire.

Pour Isabelle Da Silva, "l’opération n’a aucun effet négatif pour le consommateur", puisque grâce aux cessions programmées, "nous maintenons une alternative pour que le consommateur puisse avoir le choix", précise-t-elle.

- Les craintes et colères -

L’avis de l’autorité de la concurrence était très attendu depuis plusieurs semaines pour connaître notamment les gardes fous qui seraient mis en place en matière concurrentielle mais aussi de protection des emplois et de lutte contre la vie chère. Sur tous ces sujets, l’avis de l'insitution est loin d’apporter de vraies réponses. Non seulement il n'a pas éteint les craintes en matière de d'abus de position dominante, mais il a déclenché une cascade de réactions négatives.

Interrogé par Imaz Press Christophe Girardier, auteur d'un rapport pour l'Observatoire des prix des marges et des revenus de La Réunion, n'a pas mâché ses mots : "je qualifierais cette décision extrêmement choquante et même entachée d'erreurs de raisonnement graves. Il est assez surprenant que l’autorité de la concurrence se méprenne à ce point".  Il ajoute "à lire son communiqué de presse, l’autorité de concurrence a levé des atteintes à la concurrence auxquelles remédient les solutions du groupe Hayot, mais ces conditions sont extrêmement limitées par rapport aux travaux qu j’avais réalisé sur l'impact de cette opération, ses enjeux et ses conséquences sur l'économie de l'île toute entière".

Trois des cinq députés de l'île rejoignent l'analyse de Christophe Girardier. "Le rachat de vindémia par GBH, validé par l’Autorité de la concurrence, n’est que l’expression claire et nette qu’entre les gros il y  a toujours un moyen de s’arranger" tempête Jean Hugues Ratenon. "C’est une mauvaise nouvelle pour La Réunion. Une fois de plus, notre territoire perd le contrôle sur la destinée de son économie. C’est un échec de plus pour la stratégie économique régionale" lâche Ericka Bareigts. "Cette décision assure une position dominante (du groupe Hayot - ndlr) sur le portefeuille des Réunionnais et sur l’économie réunionnaise" estime Huguette Bello. "Il n’y a aucun engagement concernant la protection de tous les employés afin qu’aucun d’eux ne fasse l’objet d’un dégraissement des effectifs" s'inquiète-t-elle.

Plus conciliant, Jean-Luc Poudroux commente : "si le groupe GBH donne des garanties pour que le consommateur et que le producteur local s’y retrouvent, je ne peux être que favorable". David Lorion rappelle que "le groupe Hayot s’était engagé moralement à baisser de 5% ses prix en raison des effets bénéfiques liés à la concurrence et de maintenir tous les emplois et les salaires dans ses établissements" et prévient "nous devons être capables de faire respecter ces obligations liées à l'autorisation de rachat".

Les présidents de la chambre de commerce, de la chambre de métiers se disent eux aussi très inquiéts et à l'exception, notable, de la CFDT qui se dit "satisfaite" de la décision du gendarme de la concurrence, les syndicats jouent la carte de la prudence "en attendant de voir ce que sera décidé pour les salariés"

- Pétition -

Ces craintes et cette opposition au rachat de Vindémia par Hayot sont d’ailleurs relayées depuis quelques jours par l’Association contre la domination économique et pour la défense des citoyens attachés aux libertés Outre-Mer (Adecalom) qui vient de publier une pétition à l’attention d’Emmanuel Macron.

L’association y rappelle les principaux points d’inquiétudes liées à ce rachat, à savoir "la concentration dans le secteur de la grande distribution au profit d’un acteur dominant", "la formation d’un duopole (avec Leclerc) qui totaliserait alors 70% du marché", "la montée en puissance du pouvoir du groupe GBH sur l’économie de l’île toute entière", "la disparition de certains acteurs déjà présents et la suppression de plusieurs centaines d’emplois", "la perte ou la précarisation de 200 à 500 emplois sur une période de 12 à 36 mois", "une hausse des prix à terme"...

En conséquence, l’association demande au président de la République d’user de son "droit d’évocation" pour mettre un terme à l’opération de rachat. Adecalom a aussi annoncer mardi soir se réserver "la possibilité de saisir le Conseil d’Etat qui devra dire le Droit sur cette entorse manifeste à la liberté de la concurrence"

La pétition est accessible ici

Lire aussi : Rachat de Vindémia par le groupe Bernard Hayot : les réactions à La Réunion

www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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10 Commentaires
JérÃ'me, depuis son mobile
JérÃ'me, depuis son mobile
3 ans

il n'y qu'à boycotter ces magasins car il y a toujours des alternatives

Gabouillat
Gabouillat
3 ans

Bien sûr le boycot est envisageable....il suffit de ne pas aller dans les enseignes hayot...simple non ?

tipiman
tipiman
3 ans

Un boycott massif du groupe Hayot est une solution de pression afin que celui-ci ne prenne pas les réunionnais pour plus vaches à lait qu'ils ne le sont déjà. En changeant chacun un peu nos habitudes et notre frénésie d'achats parfois non essentiels, tout est possible. Développer une plus large économie locale directe est indispensable, notre autonomie actuelle n'est que de 10%. Si elle augmente et que nous jouons tous le jeu, ces mastodontes de la grande distribution se montreront sans doute moins goinfres à la caisse.

colimaconvert
colimaconvert
3 ans

levée de bouclier.... de ceux qui ont actuellement le monopole de la grande distribution !enfin de la concurrence, même si elle vient de l'extérieur...et c'est tant mieux !!!

Mayaqui, depuis son mobile
Mayaqui, depuis son mobile
3 ans

Un monopole ! Leclerc et gbh. Mais que serait devenu vindemia si pas acheté ? Ce qui faisait peur avant la vente , va faire aussi peur après la vente .... rien n a changé ....

Léon
Léon
3 ans

Depuis quand la non concurrence fait baisser les prix ? Cependant le groupe vindemia n'a jamais fait le jeu de la baisse des prix et score reste le supermarché le plus cher de l'île. Ne parlons pas de la fnac Réunion qui est minable.

Marc974
Marc974
3 ans

Qu'est-ce quelle raconte ?une stratégie économique régionale. Laquelle. Et ratenon qui parle d'économie. Il connaît ?

Sapoties
Sapoties
3 ans

De nos jours nous avons la chance d'avoir Internet et ses commandes en ligne (alors oui, au niveau pollution ça pose problème), mais même en incluant les frais de transport la majorité des prix sont beaucoup moins élevés qu'en achetant à la Réunion. Ces monopoles des grands groupes qui font leur loi et s'enrichissent de façon inacceptable sur le dos des Réunionnais qui acceptent tout et n'importe quoi, le seul moyen de les combattre c'est de les BOYCOTTER JUSQU'À CE QU'ILS COULENT. Parce qu'ils vont trop loin, s'autorisent a bloquer toute concurrence en allant jusqu'à acheter l'exclusivité de certaines franchises (sans même les utiliser) uniquement pour que personne ne puisse le faire et donc les concurrencer. Et ça, partout ailleurs ca n'existe pas, ça ne serait JAMAIS toléré !!!

7AC
7AC
3 ans

Boycottez les magasins de ce groupe si vous n'êtes pas content, c'est si simple !Après, Kréol lé mouton !

Stean
Stean
3 ans

Adecalom? Il semble que cette association soit inconnue des moteurs de recherche...