Disparition de France Ô

Et si se passer d'une chaîne des Outre-mer signifiait se passer du ministère...

  • Publié le 4 août 2020 à 09:35

Ce mois d'août devrait marquer la fin d'une chaîne phare du service public. Pour faire face à ses difficultés financières, le groupe France Télévisions se sépare en effet de France Ô, chaîne dédiée aux Outre-mer. Prévue le 9 août, la fin de la chaîne serait finalement repoussée à la fin du mois selon les informations du Parisien. Malgré une levée de boucliers venant aussi bien des territoires ultramarins que de personnalités métropolitaines, conformément à la volonté d'Emmanuel Macron, le gouvernement semble bien décidé à mettre fin aux 10 station sde France Ô, pour éviter "un confinement des Outre-mer". Un bouleversement dans le paysage médiatique qui repose la question inéluctable d'aligner, ou non, les Outre-mer sur la Métropole. Et qui pose dans ce cas l'intérêt d'un ministère dédié (Photo LPLT / Wikimedia Commons)

Il faut "sauver France Ô". C'est ce que la centaine de manifestants réunie sur la place du Palais royal à Paris réclamait ce dimanche 2 août, à l’initiative du collectif Sauvons France Ô et du Crefom. L'arrêt de la chaîne était programmé au 9 août dans un premier temps. Selon les informations du journal Le Parisien, France Ô cesserait finalement d'émettre à la fin du mois d'août et gagne donc quelques semaines de sursis.

France Ô, chaîne du service public diffusée 24 heures sur 24 depuis 2005, va donc disparaître du paysage audiovisuel après 22 ans d'existence depuis le lancement de RFO Sat.

- Un manque à gagner pour tout le monde -

Un lien se perd entre la Métropole et les territoires ultramarins. France Ô est à la fois une façon de faire découvrir les Outre-mer aux Français de Métropole, et une façon de permettre aux Ultramarins où qu'ils soient de pouvoir regarder une chaîne TV qui leur ressemble.

France Ô c'est 10 stations en tout, une à Malakoff et les autres réparties dans les Outre-mer. C'est la diversité musicale, du zouk au maloya en passant par le ukulélé, c'est la découverture des grandes figures culturelles et historiques ultramarines, des paysages variés aux couleurs multiples et une actualité riche qui va au-delà des frontières de l'Europe.

Delphine Ernotte, patronne de France Télévisions, s'est engagée à "ancrer le réflexe Outre-mer" sur les antennes de l'Hexagone, pour garder le lien. Un défi compliqué, alors que seules les mauvaises nouvelles et les éruptions semblent intéresser les grands titres nationaux…

 

- Vaste contestation -

La manifestation de ce dimanche à Paris n'est qu'un exemple de la contestation en marche depuis l'annonce de la fermeture de la chaîne publique.

Déjà le 27 juillet, 125 personnalités ont signé de concert une tribune parue dans le quotidien Libération. Parmi elles, Erik Orsenna, Lilian Thuram, ou encore Audrey Pulvar. Objectif : réclamer le maintien de cette chaîne.

"Maintenir et transformer France Ô, c’est apaiser, inclure, et non pas exclure les outre-mer dans la difficile période qui s’ouvre en mettant à profit la formidable force de frappe que constituent ces chaînes Première et leurs territoires" écrivent les 125 signataires.

Une pétition est également en ligne recueillant déjà plus de 68.000 signatures. Adressée au ministère de la Culture, elle a été lancée par Zamor Glenroy, auteur compositeur et interprète originaire de la Guadeloupe et de la Dominique. "Aucune chaîne ne nous donne notre chance, À PART FRANCE Ô qui soutient et encourage nos talents DE FAÇON INDÉFECTIBLE (...) Ne nous privons pas de ce service public, ne nous laissons pas être oubliés" écrit l'artiste.

- Sursis pour France 4 -

La chaîne des Outre-mer n'aura pas eu la même chance que France 4, qui va très probablement bénéficier d'un sursis. Le 9 juillet, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot a évoqué la possibilité sur France Inter de prolonger la durée de vie de la chaîne d'un an, et estimé qu'elle avait réalisé un "boulot extraordinaire" pendant le confinement.

France Ô pour sa part n'aura pas eu droit aux mêmes compliments concernant sa qualité de service...

Pourtant menacée de disparition depuis 2018 à cause de ses faibles audiences, France 4 pourrait donc survivre au-delà du 9 août, contrairement à France Ô.

- "L'outre-mer" -

Pour cette dernière, les mots de Roselyne Bachelot ont été bien différents. "On était arrivé à une sorte de confinement de l’Outremer dans le service public audiovisuel et l’Outremer doit participer à l’ensemble de l’audiovisuel", avait-elle déclaré, toujours sur France Inter. Une annonce présentée comme une bonne nouvelle pour les territoires ultramarins, invités à intégrer davantage l'actualité nationale. Mais qui sonne faux pour beaucoup.

De quoi agacer notamment le Crefom (Conseil représentatif des Français d'outre-mer) qui dans une tribune libre souligne que "ce sont des centaines d’emplois qui sont jetés en pâture, sans se soucier du sort des personnes dans une totale désinvolture au bonheur d’une interview radiophonique".

Lire aussi : Disparition de France Ô confirmée par Roselyne Bachelot, "des centaines d'emplois jetés en pâture"

Peut-on vraiment croire par ailleurs que les Outre-mer soient autant "solubles" dans l'actualité française ? C'est ce que semble penser notre nouvelle ministre de la Culture, qui parle des Outre-mer au singulier. La preuve cinglante que la conscience des spécificités des DOM est loin d'être au rendez-vous.

Des retards structurels au chômage en passant par la langue et l'agriculture - canne à sucre notamment… -, la liste des différences avec l'Hexagone est longue. Ne serait-ce que parce que les Outre-mer sont loin, très loin de la terre nationale, dans un climat et des océans différents.

La lettre Ô de la chaîne, avec son accent circonflexe, nous le prouve puisqu'elle vient pourtant insister sur l'ouverture à tous les accents des Outre-mer.

- Vers la fin d'un ministère ? -

Aligner l'actualité ultramarine sur celle de la Métropole pourrait relancer une question, celle du bien fondé d'un ministère des Outre-mer.

Lors du remaniement en date du 6 juillet, c'est vers ce ministère que tous les yeux étaient tournés à La Réunion, afin de savoir qui prendrait la succession d'Annick Girardin. En poste depuis le 17 mai 2017, elle est désormais relayée par Sébastien Lecornu.

Au-delà d'un nom il s'agissait de savoir si les Outre-mer seraient dotés d'un ministère de plein exercice comme depuis 2009, où s'ils seraient dépendants d'un secrétariat d'Etat.

Rappelons que le ministère des Outre-mer est l’administration chargée de coordonner l'action du gouvernement dans les départements d’outre-mer, les collectivités d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et l’île Clipperton.

Mais si la chaîne France Ô doit disparaître, quelle cohérence y a-t-il à laisser un ministère des Outre-mer ?

Sous François Hollande et alors que l'ex-députée aujourd'hui maire de Saint-Denis Ericka Bareigts était ministre des Outre-mer, on s'imaginait que l'administration disparaîtrait pour de bon. Il a finalement été conservé sous Emmanuel Macron et le reste avec le dernier remaniement au sein du gouvernement de Jean Castex.

Lire aussi : Ministère des Outre-mer : passation de pouvoir entre Annick Girardin et Sébastien Lecornu

Lire aussi : Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu arrive à La Réunion le 17 août

Un petit ministère doté d'un petit budget : 2,6 milliards en autorisations d'engagements (les nouvelles dépenses réalisées chaque année) mais 2,5 milliards seulement en crédits de paiements. Soit une baisse de 100 millions par rapport à 2019, à cause "du rythme de consommation de ces crédits qui a ralenti" avait indiqué Annick Girardin fin septembre.

Lire aussi : Annick Girardin : "il y a deux mondes : celui de la contemplation et du commentaire, et celui de l'action et des vérités"

Le retour d'un ministère de la Mer, attribué pour le coup à Annick Girardin, laisse également penser que c'est un premier pas vers la fin du ministère ultramarin.

C'est finalement là tout le débat de la fermeture de France Ô. Doit-on considérer que les territoires ultramarins sont Français, sans distinction, point final ? Doit-on au contraire garder en tête que ces départements, ces collectivités, ces îles ont un fonctionnement profondément différent, y compris entre elles ?

Il en reste que les problématiques des Outre-mer sont éminament spécifiques et que la disparition d'une chaîne de télévision dédiée risque d'envoyer un bien piètre message aux citoyens ultramarins. Eux qui ont déjà bien souvent l'impression d'être considérés comme des Français de seconde zone.

mm / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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5 Commentaires
Pierre Yves Morvan
Pierre Yves Morvan
3 ans

Voila bien notre nouveau siècle qui signe l'arrêt de mort d'une chaine originale. J'ai été Chef des services de l'Ortf à la Guadeloupe en 1975- 1976. Nous avons eu du mal à l'époque avec Jacques Homery et les différents ingénieurs dont Zamponi a mettre sue pied tant sur le plan journalistique que technique ce lien entre l'Outre mer et la Métropole. Fi de la nostalgie mais dédier la fréquence à France Info me laisse songeur : un moyen de plus pour conforter ce media qui un jour ou l'autre finira par être la voix servile d'un pouvoir quel qu'il soit. On en rit jaune. PYM.

lilly
lilly
3 ans

comment faire maintenant pour suivre les actualités, les différentes émissions et rester proche, en lien avec ceux de "là-bas" ? nouvelle déprimante pour moi et les miens qui sont en Nouvelle-Calédonie, qui nous éloigne encore un peu plus.

Mayaqui, depuis son mobile
Mayaqui, depuis son mobile
3 ans

Oh non ! Je l ignorais ....
J ai passé , en métropole , un super moment avec le tisaneur, la diagonale des fous ... etc ....hier soir ;
Je me sens plus près de l île et de ma fille quand je suis loin ...
Espérons qu'ils l' intègrent a une autre chaîne .....ce serait déjà ça ...

Nos élus !!!
Nos élus !!!
3 ans

Nos élus ratent encore un moment pour s'unir , sur ce sujet et conformément au préambule de la constitution et de la constitution européenne, pour faire valoir notre différence riche des DOM, TOM et COM dans cette unicité de la France. Il y 2 choses qui raillent les différences : la culture et le sport. En supprimant France O, il empêche la diffusion culturelle et la noie dans un tout pour que tous sans exception puissent dire : Mes ancêtres sont Gaulois. Quelle pauvreté intellectuelle !!!. C'est pitoyable, c'est un non sens. Des milliards pour la CAC 40 et France O, source de richesses et d'épanouissements coÃ"te chère. C'est incompréhensible.

Santoulangue dit la moulangue
Santoulangue dit la moulangue
3 ans

Distribuer leurs émoluments à des gens sans importance et les plus nécessiteux.