Les artistes réunionnais espèrent un renouveau

Monde du spectacle, penses-tu te relever...

  • Publié le 29 août 2020 à 13:00

Les travailleurs et travailleuses du spectacle vivent des jours et des semaines difficiles depuis le début de la crise sanitaire. Parmi les premières à devoir fermer leurs portes, les salles de spectacles sont, pour le plupart, encore closes et les artistes en payent le prix fort. À La Réunion, ils mettent en exergue les faillites des politiques culturelles locales, entre manque de soutien des collectivités, paternalisme des programmateurs et difficultés à obtenir le statut d'intermittent. Alors que le Premier ministre Jean Castex a promis une allocation de 2 milliards d'euros pour la relance de la filière, les artistes péi espèrent que cette crise sera le point de départ d'un renouveau. (Photo rb/www.ipreunion.com)

“Je dis aux Françaises et aux Français, allez au cinéma, allez au théâtre, vous ne risquez rien.” Invité de la matinale de France Inter, ce mercredi 26 août, le Premier ministre Jean Castex a évoqué le monde de la culture, largement impacté par la pandémie de la Covid-19.

Si les détails du plan de relance de l'économie, qui s'élèvera en tout à 100 milliards, ne seront officiellement révélés que le jeudi 3 septembre, Jean Castex a d’ores et déjà annoncé “une dotation exceptionnelle de 2 milliards d'euros” pour le secteur de la culture qui a “beaucoup, beaucoup souffert de cette crise”.

- 432 millions d'euros pour le spectacle vivant -

Auprès des représentants du spectacle vivant qu'elle avait consulté le 19 août dernier, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot s’était engagée à défendre, lors du Conseil de défense, l’idée de la fin de la distanciation physique dans les salles de spectacle pour leur permettre d’accueillir du public sans respecter la règle d’un siège inoccupé sur deux.

Un engagement en partie douché par Jean Castex, puisque dans les départements classés rouges, où le virus circule activement, les salles devront se résigner à fonctionner avec une capacité d’accueil réduite de moitié. S'il a appelé les Français à retourner au cinéma et au théâtre, le Premier ministre a par ailleurs indiqué que le port du masque y sera rendu obligatoire, même si la distanciation sociale peut être respectée.

Il n'empêche que parmi des 2 millards d'euros alloués à la culture, pour la relance du secteur, une somme de 432 millions d'euros sera spécifiquement dédiée au monde du spectacle vivant.

- Une crise réunionnaise avant la crise sanitaire -

À la Réunion, ces annonces sont accueillies avec scepticisme par les acteurs de la filière. La crise sanitaire a poussé un groupe d'artistes réunionnais à se réunir et fonder la section syndicale CGTR Spektak, dont la chanteuse et comédienne Sandrine Ebrard est l’une des porte-paroles. “Ce sont des annonces pour le moment, on attend des précisions. Cette aide ne serait pas forcément conditionnée à l'emploi des artistes intermittents. Il va falloir trvailler vachement plus en détail pour que ce soit un plan à vocation sociale. Roselyne Bachelot parle d'un effort sans précédent, on ne peut pas s'empêcher de faire un parallèle, par exemple, aux 7 millards d'euros pour Air France...”, dit-elle méfiante.

“Le monde du spectacle est dans un assez piteux état parce qu’il y a assez peu de salles qui ont repris une activité, assez peu d’artistes qui arrivent à jouer. La situation est comme en Métropole, sauf qu’à La Réunion le milieu culturel étant resserré de par la petitesse du territoire, on est encore plus touché”, décrit-elle.

Lire aussi : Les travailleurs.euses du spectacle réunionnais s'organisent

La chanteuse Maya Kamaty a, par exemple, vu la totalité de sa tournée d’été annulée en dehors de La Réunion. “Professionnellement parlant, c’est un an et demi de travail qui sont tombés à l’eau. Je devais jouer aux Vieilles Charrues, au Sziget Festival entre autres. J’ai eu pas mal de dates annulées en dehors de La Réunion, mais ça ne nous a pas empêcher de recommencer à répéter et créer de nouveau.”

Mais à l’instar de nombreux artistes péi, elle évoque en une crise du secteur qui précède celle du coronavirus. “En dehors des tournées, ça ne change pas grand-choses pour moi, parce que je ne suis pas spécialement programmée dans les salles réunionnaise. Cette année, j’ai deux dates à La Réunion”, lamente-elle. “Ce problème-là n’est pas lié au Covid, il existait déjà avant. Maintenant quand on nous demande d’être unis, c’est un peu risible. Le propre des salles est que sans l’artiste, elles n’ont pas lieu d’être. L’artiste est au dernier rang alors que c’est lui l’âme de la création. Sans lui, il n'y a pas de télé, il n'y a pas de pub, il n’y a pas de théâtre, il n’y a pas de divertissement.”

Sandrine Ebrard abonde en son sens, arguant que la crise sanitaire a mis en évidence des problématiques qui existent sur l’île depuis longtemps. “À La Réunion, il y a une sorte de sous-valorisation, la fameuse expression goyave de France. Parce que c’est local, c’est moins bon. Parce que c’est local, on nous donne moins les moyens. Forcément, on va avoir plus de mal à proposer des choses de la même qualité qu’une compagnie extérieure.”

Elle déplore un manque de soutien des collectivités jusqu’aux salles des spectacles elles-mêmes, dont les programmateurs peuvent faire preuve de paternalisme. “Quand les salles accompagnent les artistes, elles le font d'une manière qui ne nous satisfait pas”, explique-t-elle. “On est pratiquement dirigé quand on fait une création. On se voit carrément avoir des réflexions sur l’aspect artistique comme si c’était des directeurs artistiques. Or, ce sont des programmateurs et des accompagnateurs.”

Un sentiment qui, à entendre Maya Kamaty, est partagé par une majorité des professionnels du secteur : “En discutant entre nous, on est arrivé aux mêmes conclusions. On reçoit beaucoup d'irrespect. Le jeu de pouvoir a été inversé. C’est pour ça qu’on a créé une section syndicale, pour pouvoir parler en toute diplomatie, mais sans peur.”

- Les idées ne manquent pas -

Depuis sa création, la section Spektak pu obtenir un rendez-vous avec le directeur de Pôle emploi Réunion pour pointer des dysfonctionnements nuisibles aux artistes. Le fait, par exemple, que le traitement de tous les dossiers, de Métropole et d’Outre-mer, soient centralisés à Nanterre, en région parisienne. Une situation préjudiciable pour le bureau nanterrien, qui se retrouve avec une abondance de dossiers, tout comme les artistes. “Il y a des spécificités locales, comme la langue, qui créent une barrière pour pas mal d’intermittents ici”, relate Sandrine Ebrard.

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Au-delà la mise en place d'une antenne réunionnaise de Pôle emploi spectalc, la section sydicale milite également pour une adaptation du statut des intermittents aux particularités inhérentes à La Réunion. “On a les mêmes bases qu’en Métropole, c’est-à-dire qu’il faut effectuer 507 heures de travail par an pour obtenir le statut. Dans une zone géographique comme l’Hexagone, c’est une chose, pour un intermittent à La Réunion, ça paraît plus complexe.”

Maya Kamaty espère que cett crise servira de tremplin pour remettre la filière sur pied à La Réunion. Les idées sont, en tout cas, pléthores : “mettre en place une véritable politique culturelle, travailler avec les écoles, avec les médiathèques, mettre en avant les artistes de chaque commune… Qu’on invite les artistes à avoire une vraie réflexion au-delà de la diffusion sèche, il y a plein de choses à imaginer.”

aa / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
Le parrain
Le parrain
3 ans

Parrain mi veut aller voir burna boy! Fait pitié