Nouvelle étude de l'Insee

Loyer, eau, électricité... plus d'un tiers des dépenses sont pré-engagées par contrat à La Réunion

  • Publié le 22 septembre 2020 à 06:44
  • Actualisé le 22 septembre 2020 à 09:16

En 2017, 29 % des dépenses de consommation des ménages sont dites pré-engagées à La Réunion. Il s'agit de dépenses engagées par un contrat ou un abonnement (loyer, électricité, eau, assurances et services financiers, télécommunications, cantine). Le poids de ces dépenses dans le budget se situe au même niveau qu'en 2006, alors que le pouvoir d'achat des ménages a augmenté. Nous publions ici le communiqué de l'Insee. (Photo d'illustration AFP)

Si les aides au logement ont permis de faire baisser le coût des loyers, les charges de logement (électricité, eau) et les montants dépensés en assurances et en services de télécommunications ont augmenté depuis 2006. Les ménages pauvres sont les plus concernés : 37 % de leur consommation est pré-engagée, soit 2 points de plus qu’en 2006. Près de la moitié d’entre eux estiment d’ailleurs avoir des difficultés à boucler les fins de mois, un ressenti qui s’est aggravé depuis 2011.

En outre, beaucoup estiment qu’ils y arrivent tout juste. Les dépenses pré-engagées pèsent aussi beaucoup pour les ménages dits médians, situés au milieu de l’échelle des niveaux de vie à La Réunion : 34 % de leurs dépenses de consommation. Leurs dépenses d’assurances sont deux fois plus élevées que celles des ménages pauvres.

Une fois payées les dépenses pré-engagées et les dépenses alimentaires, les ménages doivent arbitrer entre leurs autres dépenses de consommation : transports, habillement, équipement de la maison, services à la personne, loisirs et culture. Cette consommation arbitrable induit des inégalités entre ménages plus fortes que les inégalités de niveaux de vie et qui se creusent depuis 2011. Ainsi, elle est nettement plus faible pour les ménages pauvres (9 euros par jour par unité de consommation) que pour les ménages médians (14 euros) et ceux aux revenus supérieurs (37 euros)

Les dépenses pré-engagées s’élèvent en moyenne à 340 euros par mois et par unité de consommation (UC) à La Réunion en 2017. Certaines dépenses sont en effet inévitables : les factures ou prélèvements relatifs au logement (loyer, eau, électricité gaz), aux communications (téléphone, internet, télévision), aux assurances et à la cantine.

Les dépenses pré-engagées ont la particularité de ne pas être négociables à court terme. De fait, elles limitent le reste à vivre et les choix de consommation des ménages. La question est prégnante à La Réunion, où le revenu moyen des ménages est réduit par rapport à la métropole, le niveau des prix plus élevé et la pauvreté particulièrement fréquente.

Sur 10 euros dépensés, 3 euros sont déjà pré-engagés

Les dépenses pré-engagées pèsent en moyenne 29 % dans la consommation des ménages. Pour un couple avec deux jeunes enfants, elles représentent 710 euros par mois, soit 26 % de son budget.

Les dépenses pré-engagées pèsent particulièrement sur les personnes seules (34 %) et sur les familles monoparentales (35 %), dont les revenus sont souvent plus faibles et où l’adulte doit assumer seul les différentes charges.

Entre 2006 et 2017, le pouvoir d’achat des Réunionnais a progressé de 1,4 % par an en moyenne. Pour autant, les dépenses préengagées ont augmenté et leur poids dans la consommation totale ne s’est guère réduit (- 1 point). Elles ont progressé au même rythme que leur consommation totale. Mais les différents types de dépenses pré-engagées n’ont pas toutes évolué de manière similaire (figure 1).

La moitié des dépenses pré-engagées réservée au logement

La moitié des dépenses pré-engagées sont des dépenses de logement. Les loyers (nets des aides au logement) et charges liées au logement (électricité, eau…) représentent 170 euros en moyenne par mois et par UC, soit 360 euros par mois pour un couple avec deux enfants.

Pour les ménages locataires, ces dépenses sont bien plus élevées que pour les propriétaires de leur résidence principale (hors remboursement de crédit immobilier pour les propriétaires accédants). Les dépenses pré-engagées représentent 40 % de leur consommation.

Les dépenses pré-engagées de logement baissent de 5 % entre 2006 et 2017. Les dépenses de loyers ont baissé de 20 % tandis que les charges ont augmenté de 22 %. Les allocations logement ont en effet fortement augmenté (+ 36 %), du fait de revalorisations et de l’augmentation du nombre de ménages bénéficiaires de cette aide.

Les assurances et services financiers pèsent pour 29 % dans les dépenses pré-engagées des ménages réunionnais (100 euros en moyenne par mois et par UC). Ces montants progressent fortement depuis 2006 (+ 39 %), en lien avec la généralisation progressive des complémentaires santé et des assurances de logement.

Les abonnements relatifs aux communications (téléphonie, Internet, télévision) comptent pour 60 euros par mois et par UC, soit 18 % des dépenses pré-engagées. Ce montant est nettement plus élevé qu’en 2006 (+ 39 %) du fait du développement important de la téléphonie mobile et d’Internet. Le montant de ces abonnements s’est cependant replié légèrement entre 2011 et 2017.

Les dépenses pré-engagées pèsent autant à La Réunion qu’en province

Le montant des dépenses pré-engagées est de 100 euros plus faible à La Réunion que dans les régions de province. Mais la consommation totale étant également plus faible, au final les dépenses pré-engagées pèsent autant dans la consommation totale des ménages à La Réunion et en province (30 %).

Les dépenses de chauffage sont en moyenne faibles sur l’île. Il en va de même des loyers grâce aux aides au logement plus répandues, du fait de moindres niveaux de vie. Les dépenses d’assurances y sont également inférieures (figure 2). Les montants des complémentaires santé sont aussi bien moindres, notamment car un tiers des ménages ne déclarent pas payer ce type d’assurance à La Réunion contre un ménage sur dix en province. Les dépenses d’assurances de logement sont aussi nettement moins importantes, car les ménages de La Réunion assurent moins souvent leur logement et possèdent plus rarement plusieurs biens immobiliers.

 Aux Antilles, les dépenses pré-engagées pèsent plus (32 %) car les ménages dépensent davantage en télécommunications et en assurances.

Depuis 2006, en province et aux Antilles, le poids des dépenses pré-engagées augmente de deux points en raison essentiellement de la hausse des charges de logement et des assurances (complémentaire santé et assurances de logement).
Pour les ménages pauvres, sur 10 euros dépensés, 4 euros sont pré-engagés

Comme en province, 37 % de la consommation des ménages pauvres sont réservés aux dépenses pré-engagées (figure 3). Ils consacrent moins à chaque poste de dépenses mais les dépenses pré-engagées pèsent plus dans leur consommation. Ils leur consacrent 230 euros par mois et par UC. Ces dépenses pèsent plus qu’en 2006 (35 %) et 2011 (34 %).

Les ménages pauvres peinent à équilibrer leur budget : 38 % déclarent avoir des difficultés à boucler les fins de mois, et 10 % ne pas pouvoir y arriver sans faire de dettes. La part des ménages pauvres devant s’endetter pour équilibrer leur budget a doublé depuis 2011.

Les loyers et charges de logement pèsent fortement dans la consommation des ménages pauvres (20 % en 2017 contre 14 % pour l’ensemble des ménages). Ils dépensent en logement 130 euros par mois et par UC en moyenne. C’est 56 % de leurs dépenses pré-engagées.

Ce montant baisse depuis 2006 (- 7 %) : malgré la hausse des charges (+ 18 %), les loyers diminués des aides ont baissé (- 24 %).

En province, du fait de la nécessité du chauffage, les charges de logement sont plus élevées pour les ménages pauvres. Les loyers pèsent également davantage : plus de personnes vivent seules et elles sont moins souvent en logement social que les autres types de ménage.

Les dépenses d’assurances et de communications représentent chacune un quart des dépenses pré-engagées des ménages pauvres. Leur montant augmente fortement depuis 2006, en raison d’un recours accru à ces services (Internet haut débit, téléphonie mobile, complémentaires santé).

Les dépenses pré-engagées pèsent aussi sur les ménages médians

La moitié des ménages vivent avec moins de 1 160 euros par mois et par UC. Pour les ménages dont le niveau de vie se situe autour de ce seuil, dits ménages médians, le poids des dépenses pré-engagées dans la consommation totale n’est que légèrement inférieur à celui des ménages pauvres (34 %). Pour les ménages aux revenus supérieurs, les dépenses pré-engagées pèsent nettement moins (25 %).

Les loyers et charges pèsent moins dans la consommation des ménages médians que dans celle des ménages pauvres (17 % contre 20 %). Cette part est moindre qu’en 2006 (- 3 points), en lien avec la baisse sensible des loyers (- 3 %) et des charges (- 6 %). En effet, le développement du logement intermédiaire a pu permettre à une partie des ménages médians d’obtenir un logement à loyer modéré.

En province, les charges et les loyers pèsent beaucoup plus dans la consommation des ménages médians (22 %), en particulier du fait de dépenses de chauffage plus élevées.

Les ménages médians paient en revanche deux fois plus d’assurances et de services financiers (80 euros par mois et par UC) que les ménages pauvres, cela quel que soit le type d’assurances. En particulier, ils dépensent davantage en assurances de transports, car ils ont plus souvent une voiture.

Si leurs ressources actuelles augmentaient de 10 %, un peu plus de quatre ménages médians sur dix (figure 4). Ce serait aussi le cas de la moitié des ménages aux revenus supérieurs. Près d’un quart des ménages pauvres donneraient la priorité à des dépenses d’alimentation et autant en profiteraient pour épargner. La plupart des ménages qui ont des dettes et des crédits les rembourseraient en priorité.

Consommation arbitrable : 1 110 euros par mois pour les revenus supérieurs, 260 euros pour les plus pauvres

Une fois réglées les dépenses pré-engagées et les dépenses alimentaires, les ménages doivent arbitrer entre leurs autres dépenses de consommation : transports, habillement, équipement de la maison, services à la personne, loisirs et culture, etc.

La consommation arbitrable est plus faible pour les ménages pauvres (260 euros/mois/UC, soit 9 euros par jour) que pour les ménages médians (430 euros, soit 14 euros par jour). Les ménages aux revenus supérieurs disposent quant à eux d’une consommation arbitrable de 1 110 euros par mois et par UC (37 euros par jour).

La consommation arbitrable est ainsi 2,6 fois plus élevée pour les ménages aux revenus supérieurs que celle des ménages médians et 4,3 fois plus que celle des ménages pauvres (figure 5). Les écarts de consommation arbitrable sont donc plus marqués que les écarts de niveaux de vie : les ménages aux revenus supérieurs ont un niveau de vie 1,6 fois plus élevé que celui des ménages médians et 3,5 fois que celui des ménages pauvres.

Les écarts de consommation arbitrable se creusent entre 2011 et 2017 : la consommation arbitrable est stable pour les ménages pauvres, mais augmente pour les ménages médians (+ 200 euros) et pour les ménages aux revenus supérieurs (+ 130 euros).

Un tiers de la consommation arbitrable dédié à la voiture pour les ménages médians

Un tiers de la consommation arbitrable des ménages médians est dédié aux frais d’utilisation de véhicules personnels. Cette dépense pèse plus pour les ménages médians que pour ceux aux revenus supérieurs (30 %) et pour les ménages pauvres (24 %). Ces derniers disposant moins souvent d’une voiture (50 % contre 93 % des ménages aux revenus supérieurs), ils dépensent moins en carburant et en achat ou entretien de véhicules. À l’inverse, les ménages médians, plus souvent en emploi, dépensent de fait davantage pour se rendre à leur travail. Ils consacrent même une part plus élevée de leur consommation à l’achat et à l’entretien de véhicules que leurs homologues de province.

Une fois retirés de la consommation arbitrable les coûts d’usage des véhicules, celle-ci est réduite à 6 euros par jour et par UC pour les ménages pauvres, 10 euros pour les ménages médians et 26 euros pour les ménages aux revenus supérieurs.

Les ménages aux revenus supérieurs dépensent aussi nettement plus que les ménages pauvres et médians en loisirs et culture, en restauration et hôtellerie (250 euros/mois/UC contre 85 euros pour les ménages médians et 45 euros pour les ménages pauvres). Il en va de même pour les dépenses en autres biens et services, tels que ceux de gardes d’enfants, et pour les dépenses relatives au confort de l’habitat.

Tous les détails de cette étude de l'Insee ici.


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