Tribune libre de Jean-Gaël Anda

Les personnes âgées : des précaires encore plus silencieux et invisibles, encore plus en souffrance et abandonnés

  • Publié le 26 octobre 2020 à 07:36
  • Actualisé le 26 octobre 2020 à 07:37

Imaginez qu'il y ait deux frères dans une voiture, l'un est âgé de 59 ans et l'autre de 61 ans. Ils ont un accident tous les deux et se retrouvent dans la même situation de handicap et de besoin d'aide. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

- Celui qui a 59 ans sera considéré comme un adulte handicapé et accèdera à des dispositifs de financement d’aide à hauteur de ses besoins.
- Celui qui a plus de 60 ans, ne sera pas considéré comme un adulte handicapé mais comme une personne âgée dépendante et bénéficiera d’une aide conditionnée et plafonnée, souvent insuffisante face à ses pathologies.

De quelle façon on classifie la population ?
Si pendant longtemps, la vieillesse a été associée à l’âge d’entrée dans la retraite, ce n’est plus le cas aujourd’hui. En 2020, en France, l’âge de la vieillesse d’un point de vue politique et administratif est fixé à 60 ans.
À la Réunion, l’évolution démographique prévoit que dans deux décennies, notre île va compter plus de 200 000 personnes de plus de 65 ans.

Dans ces conditions, aborder le problème des seniors sous l’angle démographique reste une approche quantitative politique et alarmiste qui fait de la vieillesse un bouc émissaire.
Il est acquis, que la manière dont on vieillit est liée à la vie que l’on a menée, en fonction de nos ressources, notre métier ... Selon le milieu social de chacun, les conditions d’existence seront différentes et la mise en place d’assistance sera inégale.
Ainsi, il est difficile d’appréhender cette thématique de façon globale sans distinguer les disparités dans leur prise en charge, liées aux facteurs sociaux et de santé.

Le handicap, les maladies et la dépendance ne sont pas l’apanage de la vieillesse. En effet, les personnes âgées dites dépendantes ne représentent qu’une minorité des plus de 60  et même de 75 ans. Le terme de dépendance sert ainsi à masquer la question du handicap.

La difficulté principale est certes, la dépendance mais aussi et surtout la solitude de cette partie de la population.
L’Homme est par nature un être social. Pour vivre et s’épanouir, ses actions et ses comportements n'ont de sens que dans ses rapports aux autres.

Retenons qu’en France, sur 15 millions de plus de 60 ans, 14.2 millions vivent à domicile. Ceux qui sont en établissements, sont minoritaires et répartis essentiellement dans les EPAHD, les établissements pour les dépendants, les maisons de retraites médicalisées, les foyers ou les services hospitaliers long séjour. Beaucoup d’entre eux, survivent dans des lieux inadaptés.

La retraite ?
On peut aujourd’hui être retraité et rester très actif. Or, notre existence est divisée en 3 parties : formation, travail et retraite.
La société n’a pas encore intégré cette évolution qui fait qu’on peut dorénavant vivre 10 à 30 ans à la retraite, avec des besoins autres que ceux d’une vie professionnelle.

Certains retraités assument totalement cette période de reconversion mais d’autres " s’ennuient " socialement car rien ne leur est proposé. Aussi, la grande majorité des retraités se sent délaissée, abandonnée.
Les " vieux " sont oubliés et ne trouvent plus leur place dans ce monde utilitariste qui regarde et juge les humains essentiellement en fonction de leur utilité économique et de leur capacité à produire. Et, tout indique que la pauvreté sera plus forte dans cette classe d’âge dans les prochaines années.

Fragile ou vulnérable ?

La fragilité est inhérente à l’individu qui a une pathologie ou qui a des problèmes de mobilité qui devient plus fragile qu’un autre.

La vulnérabilité est inhérente à l’environnement dans lequel on se trouve. Deux personnes âgées en fauteuil roulant n’auront pas la même vulnérabilité en fonction de leurs conditions de vie et de prise en charge.

On dénombre donc des personnes qui sont très fragiles mais peu vulnérables quand elles sont dans des environnements soucieux de prendre soin de leurs fragilités : physiques, émotionnelles et mentales.  Mais attention, certains " vieux " en bonne santé sont laissés trop facilement dans des lieux tellement inadaptés qu’ils deviennent  extrêmement vulnérables et c’est la porte ouverte à l’isolement ou à la maltraitance.

La crise sanitaire de la Covid a mis encore encore plus en lumière ce fort sentiment d’abandon grandissant qui fragilise notre troisième âge. Et pourtant, le débat national sur la dépendance vient d'être lâchement reporté par la classe politique, alors que les directeurs  de maison de retraite attirent notre attention sur un sujet qui nous concerne tous : ils clament le profond sentiment de solitude mal vécu par nombre de personnes âgées, la détresse des familles, la souffrance du personnel, l’existence de pensions " Marrons " en raison du manque de places adaptées. La prise en charge des plus âgés est aussi envisagée comme un moyen de profit ...avec des coûts de structures prohibitifs pour des services minimum... Il existe pourtant des nouveaux modes d’accueil et de logements plus solidaires à développer ...

À notre niveau, notre proposition prioritaire serait d’accompagner nos ainés en leur procurant un environnement sécurisé et sécurisant. Pour cela, il s’agit d’avoir une forte volonté politique et une capacité de prévision pour anticiper les besoins et innover dans des solutions intégrantes et plus solidaires.
Le prolongement de l’espérance de vie est une conquête qui nous engage devant l’humanité, la responsabilité et la dignité des hommes que nous sommes.

Et, il s’agit ici de la dignité de personnes exposées à l’arbitraire et à la vulnérabilité. Notre conception des relations avec elles devrait consister à les associer à nos sphères sociales, leur conférer une reconnaissance et une valeur. Rien n’est plus beau que de se sentir utile aux autres et d’avoir une place dans la société pour apporter ses acquis et expériences notamment par la transmission. L’objectif serait de : Faire de notre société un modèle inter-générationnel !

Si dans certaines civilisations, la vieillesse est synonyme de sagesse et de respect, dans nos sociétés occidentales, les pratiques sociales et/ou familiales relèvent plus de l’insouciance, de l’inconséquence, voire de l’indifférence vis-à-vis de ceux qui détiennent une part de notre mémoire, qui se retrouvent éjectés de notre histoire à laquelle ils ont pourtant contribué.

Au même titre qu’une personne malade sollicite une reconnaissance et une bienveillance constante, nos ainés, au lieu d’être évincés, devraient se sentir intégrés, soutenus et entourés.

Et ce serait faire preuve d’humanité, de solidarité et de sens que d’exercer à cet égard toutes nos responsabilités.

Jean-Gaël Anda

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2 Commentaires
Pierre Galet
Pierre Galet
3 ans

Nous serons tous vieux un jour enfin ! Espérons ! Alors il faut tenir compte des vieux dans notre société ! On ne les voit plus beaucoup avec cette crise et c'est bien triste !

Marie Claire
Marie Claire
3 ans

Les gramoun bénéficient encore beaucoup de la solidarité familiale à la Réunionnais jusqu'à quand ? Il faut tenir compte qu'ils seront de plus en plus nombreux et les familles de moins en moins solidaires !