Insultes et difficultés pour porter plainte

Violences LGBTphobes : les victimes parlent (parfois), elles ne sont pas (toujours) crues

  • Publié le 16 novembre 2020 à 05:48
  • Actualisé le 17 novembre 2020 à 05:58

Peur de l'exclusion, honte face aux violences subies, plainte non prises en compte par les forces de l'ordre...Obtenir justice lorsque l'on a été victime de violences en raison de son identité de genre ou son orientation sexuelle peut parfois virer au parcours du combattant. Alors que 63% des hommes homosexuels de l'île rapportaient avoir subi des violences verbales et/ou physique selon une étude de l'association Le Refuge en 2018, ce ne sont finalement que très peu de plaintes qui sont déposées chaque année à La Réunion. Et quand certaines victimes se décident à parler, elles ne sont pas forcément bien accueillies (Photo Brandon Gercara)

C'est le cas de Brandon Gercara, militant.e LGBTQI+, connu.e entre autre pour la création de la plateforme ReQueer. Interviewé.e récemment par un média local, la vidéo où iel apparaît a subi une vague de commentaires plus insultants les uns que les autres. Victime de cyber harcèlement, iel a donc décidé de déposer plainte, preuves à l'appui.

Selon son témoignage l'accueil aurait été "loin d'être adapté" : arrivé.e sur place, iel a été reçu.e par des gendarmes "qui se renvoient la balle" avant de l'accueillir. La gendarme qui l'accueille finalement lui explique "qu’il n’est pas possible de déposer plainte, même avec les preuves à l’appui et même si les personnes sont identifiables" décrit Brandon Gercara.

Brandon Gercara affirme que la gendarme lui aurait dit : "c’est votre choix, il faut respecter les avis de chacun, c’est ça la liberté d’expression", "vous vous exposez, il faut donc s’y attendre", "il faut le garder pour vous (en parlant de mon homosexualité), et ne pas s’inscrire sur les réseaux", "c’est trop de boulot de passer en revue les commentaires". Pour rappel, en application de l’article 15-3, alinéa second, du code de procédure pénale, tout justiciable doit être accueilli - évidemment correctement -, entendu par les forces de l'ordre et le dépôt de plainte dûment enregistré

C'est la deuxième fois que Brandon Gercara tente de porter plainte pour différentes violences subies en raison de son orientation sexuelle. "La première fois, j'ai tenté de déposer plainte à Saint-Denis, sans succès. Cette fois-ci, je pensais réellement qu'on allait m'écouter, parce que j'avais les preuves matérielles" regrette-iel. La gendarme n'aurait d'ailleurs regardé que deux des 20 preuves que la victime avait apporté.

"C'est une situation ultra violente à vivre. C'est déjà extrêmement compliqué de se rendre dans un commissariat ou une gendarmerie, alors quand la plainte est en plus refusée, ça peut en devenir dangereux. Certaines personnes, plus fragiles, se suicident pour moins que ça" déplore Brandon Gercara. Iel compte désormais saisir la procureure de Saint-Pierre. Paradoxalement c'est la gendarme qui lui aurait conseillé de le faire

- Des associations pour être accompagné.e -

La situation vécue par Brandon Brandon Gercara fait tristement écho aux difficultés rencontrées par les personnes LGBTQI+, et les femmes victimes de violences conjugales. Il est bien souvent extrêmement compliqué de porter plainte, la peur de parler s'ajoutant à la peur de ne pas être cru.

De ce contexte les associations ont un rôle important d'accompagnement des victimes dans leur parcours. Si les femmes peuvent se tourner vers des associations comme l'Arajufa ou le CEVIF, les personnes LGBTQI+ peuvent se tourner vers le Refuge ou OriZon. Cette structure accompagne régulièrement des victimes de violences homophobes ou transphobes. Certains refusent toutefois d'engager une action judiciaire. "Porter plainte, c'est exposer le fait que l'on est homosexuel ou transgenre, alors que certaines victimes ne le souhaitent pas" explique Tanguy Sevat, président de l'association.

Il précise par ailleurs que certains membres de son association ont déjà fait face à des représentants des forces de l'ordre les incitant à déposer une main courante plutôt qu'une plainte. Précision importante : la main courante ne déclenche pas automatiquement des poursuites à l'encontre des agresseurs présué. "Ces refus ne sont pas à imputer à tous les policiers et tous les gendamres. Nus avons aussi de très bonnes expériences" se félicite le président d'OriZon.

- Le silence plutôt que la plainte -

En six ans, seulement une dizaine de plaintes ont été déposées pour violences anti-LGBTQI+, comme l'a indiqué le procureur de Saint-Denis Eric Tufféry en octobre dernier. Un chiffre bien en-deçà de la réalité, ce dont les autorités sont bien conscientes.

Tous les témoignages récoltés vont d'ailleurs dans ce sens : la peur de porter plainte. "C'est un sujet tellement tabou à La Réunion, que finalement personne n'ose porter plainte, alors que nous vivons dans un climat d'homophobie et de transphobie permanent" regrette Brandon Gercara. Un tabou qui s'illustre d'ailleurs par les difficultés qu'Imaz Press a rencontré pour trouver des témoignages. Tous les retours face à la situation vécue par Brandon Gercaraétaient les mêmes : personne n'avait jamais porté plainte, car iels n'avaient jamais osé et/ou car iels savaient que ça ne "servait à rien".

Pour autant, le procureur assure ne pas avoir eu de remontées de mauvais accueil en commissariat ou en gendarmerie. "La prise en compte des violences conjugales s'est vraiment améliorée, il y a des efforts fait en permanence là-dessus" avait par ailleurs assuré à Imaz Press le général Poty. "Que des femmes se voient leur plainte refusée, chez moi, ça n'existe pas. Ca peut arriver, mais ça doit être rarissime" avait-il ajouté.

Les autorités travaillent désormais sur la libération de la parole chez les victimes de LGBTphobie. "On ne peut plus tolérer, en 2020, des actes de racisme, de discrimination à l'encontre de nos citoyens" avait souligné le préfet Jacques Billant à l'issue de la première réunion du Comité opérationnel de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (CORAH). "Il faut que la parole se libère, il ne faut plus avoir peur de déposer plainte" avait renchéri le procureur.

A noter que des formations existent désormais en gendarmerie et en commissariat pour la prise en charges des femmes victimes de violences conjugales. Peut-être serait-il pertinent de les former aussi à accueillir les personnes LGBTQI+. L'association OriZon tiendra deux permanences juridiques par semaine à partir de 2021 pour les accompagner dans leurs démarches.

Contactée, la gendarmerie n'a pas fait suite à nos sollicitations concernant la plainte de Brandon Gercara.

Lire aussi : 63% des Réunionnais homosexuels auraient été victimes de discrimination

as/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
Caillou
Caillou
3 ans

La solution pour celui -celle qui veut déposer plainte et vouloir une enquête c'est d'adresser un courrier au Procureur de la République du ressort dont dépend son domicile. Si ce magistrat prend ses responsabilités il saisira un service de police ou de gendarmerie qui recevra les instructions nécessaires quant à la réception de votre plainte et à une éventuelle enquête. Vous serez alors reçu pour notification de la décision du Parquet. En général s'il y a enquête elle démarrera concrètement à ce moment là. ....

7AC
7AC
3 ans

Arrêtez la provoc, l'affichage à outrance de vos différences, et les plus faibles d'esprit seront moins tentés de faire un cas avec vous !