Pas de bénéfice de campagne pour eux

La Défenseure des droits dénonce une discrimination à l'encontre des gendarmes originaires de La Réunion

  • Publié le 18 novembre 2020 à 16:44
  • Actualisé le 18 novembre 2020 à 17:05

Le fait de refuser l'attribution du "bénéfice de campagne" (bonification retraite attribuée aux militaire) aux gendarmes originaires de La Réunion qui ont été affectés sur l'île, et ce, alors que les autres gendarmes qui y sont affectés en bénéficient, constitue une discrimination. C'est le sens de la décision rendue par la Défenseure des droits, Claire Hédon, le 29 octobre 2020, et qui vient d'être notifiée à l'avocat des gendarmes qui avaient effectué la démarche de saisine, maître Alain Antoine. Cette décision aura l'effet d'une bombe, ouvrant la porte à des poursuites pénales à l'encontre de la gendarmerie, ainsi qu'à une vague très probable de régularisation de très nombreux cas. Ils étaient une quarantaine à avoir saisi la Défenseure des droits (Phooto rb/www.ipreunion.com

"Discrimination ", le mot est lâché par la Défenseure des droits dès son courrier de notification. "L’instruction a permis d’établir que ces personnels sont victimes d’une discrimination fondée sur l’origine et le lieu de résidence" peut-on lire.

Claire Hédon fait là référence à ce qu’on appelle le bénéfice de campagne. Il s’agit d’une réglementation prévoyant que tous les gendarmes puissent rester sur un département d'Outre-Mer pendant 11 ans (6 ans + 3 ans + 1 an + 1 an). Un gendarme détaché vers un Dom voit une année travaillée comptée comme double : une année travaillée pour deux années de retraite. C'est la norme et se nomme"bénéfices de campagne". Sauf que ceux originaires de La Réunion n'en bénéficient pas.

La Défenseure des droits appuie son argumentaire en se basant sur deux documents. D’abord, une note datée du 31 octobre 2012 et portant sur l'attribution des bénéfices de campagne au profit des militaires originaires d'Outre-Mer, la direction générale de la gendarmerie nationale indique que "le droit aux bénéfices de campagne ne peut pas être reconnu aux militaires originaires affectés dans leur territoire et pays d'outre-mer d'origine".

D’autre part, une note du 7 décembre 2014 qui réserve l’avantage de campagne au militaire affecté sur son territoire d’origine à la condition qu’il n’y ait pas vécu de manière continue jusqu’au recrutement.

Pour Claire Hédon, ces deux documents fixent "des critères prohibés par la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations". Elle fait également référence à l’article R.14-C du Code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) pour étayer sa décision.

"Il ressort de ces dispositions qu’une personne née dans une département d’Outre-mer mais n’y étant pas définitivement fixée serait éligible au bénéfice de la bonification à l’occasion d’une affectation dans ce département d’Outre-mer. Les militaires, quelle que soit leur origine ou leur situation préalable à leur engagement, ont ainsi vocation à être considérés comme étant de passage sur les territoires ou pays d’Outre-mer, y compris sur le territoire dont ils sont originaires, condition d’attribution des bénéfices de campagne", détaille la fonctionnaire d’Etat.

De fait, le refus d’attribuer le bénéfice de campagne aux gendarmes originaires de La Réunion est apparenté à un "traitement différencié" constituant une "discrimination sur l’origine et le lieu de résidence". Elle cite par ailleurs un arrêt du Conseil d’Etat du 12 février 2020 dans lequel il est précisé "qu’à l’exception des militaires qui reçoivent comme première affectation opérationnelle le territoire dans lequel ils sont installés, les militaires envoyés dans un territoire qui y est mentionné (dans l’article R.14 du CPCMR – ndlr) pour y accomplir des services ont droit aux bénéfices de campagne, peu importent qu’ils en soient originaires ou qu’à l’occasion de cette affectation, ils s’y fixent définitivement".

En conséquence, la Défenseure des droits recommande l’abrogation de la note du 7 novembre 2014 ainsi que l’indemnisation des gendarmes auxquels cette note a causé des préjudices, dès lors que des demandes indemnitaires auront été adressées.

C’est donc une grande victoire pour la quarantaine de gendarmes qui avaient saisi cette instance en mars 2018, et qui avaient notamment reçu l’appui des députés Jean-Hugues Ratenon et David Lorion.

Lire aussi : Les gendarmes réunionnais veulent être traités comme les métropolitains

Cette décision ouvre la porte à des indemnisations pour les gendarmes originaires de La Réunion lésés. Elle pourrait aussi avoir pour conséquence une plainte au pénale, pour discrimination. Les prochains jours et les prochaines semaines devraient permettre à la situation de se décanter.

www.ipreunion.com/ redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
Sentinelle dangereuse.
Sentinelle dangereuse.
3 ans

Il fallait que cette situation soit assainie.