Dégradation de leurs conditions de travail

"Le restaurant n'est pas un luxe": les chauffeurs routiers mis à rude épreuve par le confinement

  • Publié le 25 novembre 2020 à 19:09
  • Actualisé le 25 novembre 2020 à 19:20

Une douche, un plat chaud et un verre entre collègues: dans les Yvelines, des chauffeurs-routiers profitent d'un des rares relais routiers autorisé à ouvrir en attendant avec impatience la réouverture des restaurants et la fin d'un confinement qui a fortement dégradé leurs conditions de travail.

"Pour nous le restaurant c'est pas un luxe, c'est pas le restaurant où on va avec sa femme le samedi soir". Assis à une table d'"A la grâce de Dieu", restaurant routier tenu par une famille portugaise sur la Nationale 10 à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Paris, Frédéric Moreau boit un kir en savourant sa fin de journée.

Une trentaine de chauffeurs-routiers, tous des hommes, mangent un morceau ou dégustent une pression dans cet établissement archi-connu de la profession situé sur la commune des Essarts-le-Roi, en lisière d'une zone commerciale.

L'ambiance au bar est chaleureuse et les rires résonnent, une image quasiment disparue ces dernières semaines en raison des restrictions imposées pour contrer la pandémie de Covid-19. Autour d'un verre, on se libère du port du masque et les mesures barrières sont parfois oubliées.

"Nous on n'a qu'une hâte, c'est que tous les restaurants puissent rouvrir", espère Frédéric Moreau, 47 ans, qui transporte des céréales. Mardi soir, Emmanuel Macron n'a envisagé cette possibilité qu'à partir du 20 janvier.

Actuellement, 364 relais routiers sont autorisés à rester ouverts entre 18h00 et 10h00 du matin, sur environ 1.200 établissements de ce type. Un nombre trop faible pour garantir des conditions de travail dignes, estime la profession. "Quand on est dans un endroit assez isolé, on mange ce qu'on a dans le camion, si on a quelque chose", peste Didier Huaumé, 59 ans et 40 ans de métier.

"J'arrive des Ardennes, d'un endroit où il n'y a rien. Alors si vous êtes bloqué le soir, comment vous faites ? Pour vous laver ? Et surtout pour prendre son petit-déjeuner le lendemain matin ? C'est un sérieux problème", déplore-t-il.

Jean-Luc Monteiller a rencontré le même écueil la veille. Du côté d'Orléans, il a pu prendre un plateau-repas pour manger dans son camion mais pas de petit-déjeuner possible le matin. "Donc j'ai roulé un moment pour trouver une station-service où boire un café, me laver un peu", explique-t-il avant d'aller prendre sa douche.

- "Une vie de famille" -

"Le nombre de restaurants ouverts où on peut manger assis, à l'intérieur, reste restreint", regrette Frédéric Moreau pour qui manger seul dans son camion n'est pas acceptable.

"Dans le camion on y est toute la journée. Est-ce que quelqu'un qui est dans son bureau, il va se dire le soir: +ben tiens, c'est bon, j'ai fini ma journée, je vais me commander un plateau-repas et puis je vais le manger au bureau, après je rentrerai chez moi+ ?", compare le routier.

"Rester enfermé toute la journée dans 3m2, au bout d'un moment... Faut aussi pouvoir se libérer la tête", explique-t-il, attablé avec un collègue. "Souvent on commence très tôt le matin. Donc si on finit la journée à 16h30-17h00 on fait quoi jusqu'au lendemain dans le camion ?", demande cet habitué du "routier" de la Nationale 10.

"Les gens rentrent chez eux le soir pour retrouver quelqu'un, nous aussi on a le droit à un minimum de vie sociale", ajoute Jean-Luc Monteiller, qui comme tous ses collègues est sur les routes du lundi au vendredi.

Les "restaus routiers" sont une institution pour la profession. Peu chers (13 euros pour une formule entrée, plat, dessert, boisson chez "A la grâce de Dieu") et conviviaux, ils sont prisés des chauffeurs, éloignés de leurs proches pendant de longues périodes.

"C'est une vie de famille, les chauffeurs", souligne Didier Huaumé qui prendra sa retraite dans huit mois. Au comptoir, il est entouré d'amis qu'il croise régulièrement sur les routes, mais aussi de nouvelles connaissances rencontrées en début de soirée. "Il se fait une convivialité, on est main dans la main là, le soir", assure-t-il.

AFP

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