Entretien avec le docteur Catherine Gaud

Vaccin : "les risques d'allergies graves sont extrêmement rares"

  • Publié le 20 janvier 2021 à 14:16

Le docteur Catherine Gaud est bien connue à La Réunion pour son combat contre le VIH, à l'époque où elle était cheffe du service d'immunologie de l'hôpital Felix Guyon. Depuis septembre 2020, elle est première conseillère au ministère de la Santé mauricien, où elle participe à la lutte contre l'épidémie de Covid-19. Dans un entretien accordé à Imaz Press, elle détaille la situation sanitaire dans les Mascareignes, et fait le point sur l'avancée des recherches sur les vaccins anti-covid (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

• Quelle est la situation sanitaire dans les Mascareignes ?

La situation est très hétérogène, chaque pays a géré la crise sanitaire de façon différente. A Maurice par exemple, le pays est considéré "covid safe" depuis avril 2020. Le gouvernement a en effet rapidement fermé ses frontières dès le mois de mars. Depuis, toute personne souhaitant rentrer dans le pays doit obligatoirement effectuer une quatorzaine en hôtel, et se faire dépister à l'arrivée à l'aéroport, et sept et 14 jours après l'arrivée.

Tous les cas de Covid-19 déclarés sont des cas importés : quand une personne est dépistée positive, elle est envoyée en centre de soin, la séparant donc du reste des personnes en quatorzaine. Il n'y a aucun brassage avec la population. Excepté deux cas locaux en novembre, Maurice n'a connu aucun cas autochtone depuis le mois d'avril. L'île de Rodrigue de son côté n'a eu aucun cas depuis le début de l'épidémie. La campagne de vaccination a d'ailleurs commencé.

Cette situation permet à Maurice de continuer à vivre comme avant, à l'exception du secteur touristique qui connaît des difficultés. Il faut tout de même noter que de plus en plus de personnes acceptent de se soumettre à une quatorzaine afin de rester plusieurs mois dans l'île.

Les Seychelles ont aussi connu une épidémie extrêmement bien maîtrisée pendant des mois, grâce à des mesures fortes, notamment une fermeture rapide de ses frontières. Ce n'est qu'au mois de décembre que l'archipel a connu un bond dans le nombre de contaminations, ainsi que son premier décès.

L'archipel est par ailleurs le premier pays de l'océan Indien à avoir commencé sa campagne de vaccination en janvier. 50.000 doses du vaccin chinois Sinopharm lui ont été offertes, et le gouvernement a montré l'exemple en se faisant vacciner devant les médias. Ils espèrent désormais être le premier pays à vacciner la totalité de sa population (95.000 habitants ; ndlr)

Les Comores connaîssent une situation extrêmement compliquée actuellement : les trois îles sont touchées, avec une situation particulièrement inquiétante à Mohéli. L'île a été isolée pour limiter la propagation du virus. Le variant sud-africain a par ailleurs été détecté dans l'archipel.

Enfin, à Madagascar, il est difficile d'évaluer la situation, le territoire étant large et certaines populations ne se faisant pas testées. Selon les chiffres officiels, le nombre de cas n'est pas alarmant, mais le système de veille du pays n'est pas des plus performants. De plus, le pays a refusé de participer au programme Covax, qui pourrait le fournir en vaccin : le gouvernement promeut l'utilisation du " tambavy CVO", une tisane à base d'artémésia, une plante locale.

Concrètement, il n'y a pas de secret : les pays ayant fermé leurs frontières et ayant imposé des mesures très strictes s'en sortent le mieux. Il n'y a qu'à regarder à Maurice, aux Seychelles, ou encore en Nouvelle-Zélande ou en Australie.

• Quelle est la différence entre les différents vaccins ?

Il y a trois sortes de vaccin proposées aujourd'hui : tout d'abord l'ARN messager, qui est utilisé pour les vaccins BioNtech/Pfizer et Moderna – les deux autorisés en France et en Europe pour le moment. Dans ce cas, une séquence génétique du virus est injectée et entre à l'intérieur de la cellule humaine. Celle-ci va l'utiliser pour produire la protéine virale associée qui va faire réagir le système immunitaire. La technique a été développée par la start-up BioNtech par exemple, mais est déjà utilisée depuis longtemps dans la recherche contre le cancer ou les maladies auto-immunes par exemple.

Les vaccins AstraZeneca, Johnson et Johnson, et Spoutnik sont des vaccins à vecteurs viraux, qui consistent à injecter un virus atténué contenant des particules du coronavirus pour véhiculer les éléments nécessaires jusqu'à nos cellules et ainsi les exposer à notre système immunitaire.

Enfin, les vaccins chinois, notamment Sinopharm, utilisent un vaccin "inactivé", c'est-à-dire qu'ils utilisent une méthode traditionnelle faisant appel à un virus "tué" pour déclencher une réaction immunitaire chez le patient.

• Faut-il s'inquiéter de l'apparition de variants ?

Tout d'abord, il faut préciser que les mutations de virus sont quelque chose de commun, il existe des dizaines de milliers et même des centaines de milliers de mutations du coronavirus par exemple.  Par ailleurs, les avis divergent sur la question. D'après une étude britannique, le variant anglais est par exemple de 30 à 60% plus contagieux. D'autres scientifiques contestent ces chiffres, arguant que la multiplication du nombre de cas qui explosent ne Angleterre peut aussi s'expliquer par des mesures sanitaires peu strictes au moment de la montée en puissance du nombre de cas. Le port du masque n'était par exemple pas obligatoire en Grande-Bretagne.

On suppose aussi que les variants brésiliens et sud-africains seraient aussi plus contagieux, mais surtout que la mutation toucherait non seulement la partie de la protéine spike, qui permet au virus, de pénétrer dans nos cellules,(comme pour le variant britanique) mais aussi une mutation supplémentaire qui modifierait la partie immunogène , c’est-à-dire celle au niveau de laquelle se produit la réaction antigène /anticorps, ce qui nous protège contre l’infection. Ce qui serait beaucoup plus ennuyeux, surtout pour la zone océan Indien où le variant sud-africain a été détecté.

• Les variants du virus auront-ils un impact sur les vaccins ?

Pour l'heure, on peut supposer que l'efficacité des vaccins pourraient être amoindries par les variants sud-africains et brésiliens. Ces variants touchent à la protéine spike. La mutation s'est effectuée à l'endroit où les anticorps – et donc le système immunitaire – réagissent à un virus, on peut donc supposer qu'une personne ayant déjà contracté la Covid-19 pourrait de nouveau être contaminée par l'un de ces variants, son système immunitaire n'étant pas protégé contre la mutation.

Cela veut aussi dire que l'efficacité des vaccins développés pourraient être amoindries, mais on sait que ce n’est pas le cas pour le variant anglais Cependant, un vaccin est modifiable, et donc adaptable à ces variants, comme les scientifiques modifient chaque année avec le vaccin contre la grippe.  

• Y a-t-il des risques d'allergies ou d'effets secondaires ?

30 millions de personnes ont été vaccinées à l'heure actuelle dans le monde, on sait donc que les vaccins entraînent très peu de graves réactions allergiques. Deux cas d'allergies graves ont été rapportés en Grande-Bretagne suite à l'administration du vaccin Pfizer, mais il s'agissait de personnes gravement allergiques qui doivent transporter de l'adrénaline sur elles. Mais, il y a aussi eu de cas graves, notamment en Alaska, chez des personnes n’ayant pas d’allergies connues. Concernant les treize décès en Norvège, il s'agissait de personnes très âgées et malades et il est très probable que le virus n’y soit pour rien.

On estime aujourd'hui le risque d'allergie à une personne sur 100.000 contre une sur 1 million en temps habituel, le risque est donc un peu plus élevé. Ce n'est pas négligeable, mais dans le cas d'une vaccination en lieu sûr, équipé d'adrénaline et d'un chariot de réanimation les risques sont bien moindres.

Un cas en particulier attire cependant l'attention de la communauté scientifique aujourd'hui : un médecin de 56 ans, en pleine santé semble t-il aux Etats-Unis, est décédé dix jours après avoir reçu le vaccin. Une chute importante de son taux de plaquette a été observé, et il a succombé à une hémorragie cérébrale. Une enquête est en cours pour déterminer si cette chute de plaquettes, pourrait ou non être attribuable au vaccin.

Nous ignorons par ailleurs les effets sur le long terme de ces vaccins : en raison de l'urgence de la crise sanitaire, les essais ont été effectués beaucoup plus rapidement que d'habitude. Nous n'avons pas le recul nécessaire pour évaluer les éventuels effets secondaires sur le long terme.

A noter que les pays où la population est plus pauvre, et donc pourrait être plus fragile, ne sont pas exposés à des risques allergiques plus élevés. En effet, les allergies sont aléatoires, et la pauvreté n'est pas un facteur de risque 

• Quel vaccin choisir ?

Pour l'heure, l'Union européenne a approuvé les vaccins Pfizer et Moderna. Le problème avec le premier, c'est qu'il se conserve à -80 degrés, et nécessite donc un super-congélateur. Cela signifie qu'il faut une logistique efficace afin de ne pas perdre de vaccin : en cas de mauvaise logistique, on estime les pertes à 20%.

Pour Moderna, le vaccin se conserve à -20 degrés, et nécessite donc un congélateur classique. Côté logistique, c'est donc beaucoup plus simple. Pour le reste des vaccins – AstraZeneca, Sputnik, Sinopharm, ils peuvent se conserver au réfrigérateur. En dehors de La Réunion, on peut donc estimer que l'océan Indien devrait favoriser les vaccins demandant le moins de logistique possible.

En ce qui concerne l'efficacité des vaccins, Pfizer et Moderna tournent autour de 95 et 94% d'efficacité. Si on sait qu'ils protègent des formes graves du virus, les laboratoires sont par contre incapables de dire s'ils empêchent d'être porteur du virus, et donc d'être contagieux.

Cependant, une petite sous étude dans les phases 3 du vaccin Moderna, a permis d’effectuer une recherche systèmatique de PCR, et a montré qu’elles étaient toutes négatives. Cela demande confirmation, mais si c’est bien le cas, ce serait une excellente nouvelle, indiquant que les vaccins protégeraient contre les formes graves, mais aussi permettraient de prévenir la contamination d’autrui. Mais à ce stade cela demande à être confirmé.

Le vaccin Spoutnik, développé par la Russie, est efficace à 91,4%, et le Sinopharm, développé par la Chine, le serait à 93%. Nous n'avons aucune étude internationale concernant le second cependant et seulement une étude préliminaire de phase ½ pour le vaccin russe.

A noter qu'aucun vaccin n'est 100% efficace : certaines personnes sont "non-répondeurs" à certains vaccins, on ne peut pas l'expliquer. C'est un problème connu mais pas entièrement élucidé.

Propos recueillis par as/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

 

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7 Commentaires
john
john
3 ans

Les médecins c'est des menteurs et des voleurs

THOR
THOR
3 ans

"Concernant les treize décès en Norvège, il s'agissait de personnes très âgées et malades et il est très probable que le virus n'y soit pour rien" !!!!! donc on a compris que c'est pas le virus qui les a tué, mais docteur on parle du vaccin alors ? et de la façon dont sont retranscris les propos on dirait qu'elle veut dire "bon ils étaient malades et très âgés alors hein c'est normal"....n'importe quoi, encore un médecin qui veut se faire de la pub

Fermeture des frontières
Fermeture des frontières
3 ans

La lutte contre Covid semble plus facile à Laurice qu'à la Reunion. Maurice a fait le choix de fermer ses frontières.

Anti covid
Anti covid
3 ans

Madame Gaud, comme à son habitude, ne manie pas la langue de bois ! C'est pour ça qu'elle est crédible

Joseph, depuis son mobile
Joseph, depuis son mobile
3 ans

#lle est à Maurice, qu'elle continue d'exercer dans ce pays. Je pense qu'il y a des personnes capables à la Réunion.
Elle n'est pas le bon exemple. Après ce qu'elle a fait!

Barbara
Barbara
3 ans

Interview très clair car basée sur des propos scientifiques vulgarisés. Merci Madame Gaud et bravo pour votre travail. Merci aussi à IPR

Daniel FAIVRE
Daniel FAIVRE
3 ans

Pourquoi vous donnez la parole a cette femme qui n'est plus crédible, demandez lui ce quelle a fait avec l'argent qu'elle a garder pour elle en 2006 la région de Franche Comté a envoyé des aides pour la Réunion pour le Chikungunya