Une centaine de familles pratiquantes sur l'île

Foi baha'ie à La Réunion : "notre message fondamental, c'est l'unité"

  • Publié le 26 juin 2022 à 07:19
  • Actualisé le 26 juin 2022 à 08:07

Alors que La Réunion est connue pour son multiculturalisme et la diversité des religions pratiquées sur son sol, la foi baha'ie est aussi implantée. On compte environ une centaine de familles pratiquantes sur l'île. La religion née en Iran au milieu du 19ème siècle prône "l'unité de toute chose" et cherche aujourd'hui à La Réunion à structurer sa communauté (Photo DR, baha'is de La Réunion)

On l'a longtemps appelé le "bahaïsme" mais aujourd'hui ses pratiquants lui préfèrent le terme de "foi baha'ie". Née en 1844 en Iran, cette religion monothéiste est donc relativement récente. Elle doit son nom à son fondateur, Baha'u'llah.

A La Réunion, elle s'est implantée en 1953, à Saint-Pierre. "On comptait environ 1000 baha'is des années 1950 à 1980 environ" raconte E.Baichoo*, baha'i réunionnais. Déjà à l'époque la foi baha'ie pouvait compter sur de nombreuses connexions à travers le monde, avec nos voisins de l'île Maurice, la Métropole ou même les Etats-Unis. "Aujourd'hui on dénombre une centaine de familles, du nord-est de l'île jusqu'à Saint-Pierre et Le Tampon. Nous avons un centre à Saint-Pierre et un à Saint-André."

- "Une unité parmi les religions" -

La foi baha'ie se démarque selon E.Baichoo par un message fondamental : "l'unité de tout". "Il y a une phrase qui résume bien cette foi : la Terre n'est qu'un seul pays et tous les humains sont des citoyens. L'humanité est Une, et si Dieu est un, il n'y a qu'une seule création" explique le pratiquant.

Difficile alors de concevoir cette "unité" pour les non initiés face à la vaste pluralité des religions monothéistes dans le monde. "On peut se dire : comment concilier un seul Dieu et autant de religions ? Eh bien le message du fondateur Baha'u'llah c'est aussi de dire qu'il y a aussi une unité aussi parmi les religions. Les prophètes et les messagers sont envoyés pour guider l'humanité, qui a besoin de principes spirituels pour bien vivre ensemble. Mais de religion en religion, les enseignements fondamentaux sont les mêmes : l'harmonie, l'amour, le pardon etc."

Pour lui, cette diversité s'explique à travers le rôle "social" des religions et leur arrivée à différentes époques, via différentes implantations géographiques. "Pour nous, la foi baha'ie s'inscrit dans une continuité des religions : c'est l'humanité qui évolue. Dans un millier d'années, il y aura un nouveau prophète."

Et peu importe "le nom donné à Dieu, peu importe la langue : ce qui importe c'est qu'il, elle, ça est unique. Dieu n'a pas de genre, ça ce sont des limitations humaines. Dieu c'est le méconnaissable, l'incréé, à l'origine de toute chose" ajoute E.Baichoo.

- Une communauté sans hiérarchie -

A La Réunion, bien que la foi baha'ie soit implantée, elle semble peu connue. "Pourtant nous sommes membres du groupe interreligieux depuis 1998. Et les baha'is ont toujours été très présents au niveau du bureau. A l'ONU également nous avons un bureau permanent et un statut consultatif." Les baha'is s'impliquent notamment autour des questions "d'égalité hommes-femmes, des droits de l'homme, de l'éducation universelle" assure E.Baichoo.

Sur l'île, il n'y a pas de "lieu de culte" à proprement parler et d'ailleurs pas de culte au sens de la "messe", par comparaison avec les chrétiens par exemple. "Il n'y a pas de clergé, pas de prêtre. Nous allons dans des centres. Ailleurs dans le monde il existe des temples ou des maisons d'adoration qui sont des structures plus importantes" indique le pratiquant. Il arrive, faute de centre ouvert, que les baha'is se rassemblent aussi dans les maisons de chacun.

Idem pour la prière qui n'est "pas définie en tant que telle : quand on rend service à l'autre et à l'humanité, c'est aussi une forme de prière pour nous". Il n'y a pas non plus de système hiérarchique : "impossible, puisque nous prônons l'unité. Il faut donc l'égalité" ajoute-t-il.

- Une communauté en construction -

Ce n'est pas pour autant que la foi baha'ie est déstructurée et les pratiquants de l'île cherchent justement à organiser leur communauté. En seulement 170 ans d'existence, la religion continue constamment d'évoluer, à La Réunion comme ailleurs.

Des ateliers et programmes sont donc développés, axés sur l'éducation des enfants, des actions de service, d'action sociale dans les quartiers. Pour les baha'is, la maturité individuelle est essentielle : "les parents ont le devoir d'éduquer leur enfant, et leur insuffler des valeurs spirituelles mais pas pour devenir nécessairement baha'i. Il y a l'éducation spirituelle d'un côté et le choix d'adhérer à une religion de l'autre. Prendre part à la foi baha'ie relève d'une démarche personnelle, chaque personne doit être libre."

Le calendrier baha'i, lui, se compose sur 19 mois de 19 jours : "le premier jour de chaque mois, c'est la Fête des 19 jours. Ce sont des moments de rencontres entre institutions - assemblées locales, nationales - et la communauté". Car des institutions il y en a forcément, construction communautaire oblige, mais toujours dans cet esprit anti-hiérarchie, assure E.Baichoo. "Tous les baha'is sont électeurs et éligibles dans ces assemblées. Ce n'est pas la structure qui est la plus importante, il n'y a donc ni campagne, ni candidatures. Les individus élus doivent être mû par la notion de service."

Dans chaque localité, neuf personnes sont élues pour gérer les affaires, organiser les célébrations dans les centres, mener des actions et structurer les consultations si des décisions sont à prendre concernant les actions à mener, l'organisation des classes enfants, l'achat de matériel, de moyens techniques, etc.

Et comme toute religion, la foi baha'ie a ses pélerinages. Ainsi deux mausolées implantés en Israël sont concernés : les tombeaux des deux fondateurs : Bab et Baha'u'llah, qui incarnent deux "branches" du bahaïsme, le premier étant à l'origine du "babisme", mouvement religieux réformateur né en Iran également. Bien que ces religions soient d'origine iranienne, leurs fondateurs ont désormais leurs tombeaux en Israël : les restes de Bab ont été transférés au Mont Carmel où se situe désormais le mausolée. Quant à Baha'u'llah, ce sont ses exils successifs qui l'ont emmené à Saint-Jean d'Acre.

mm/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

* Professeur d'anglais, E.Baichoo réalise actuellement une thèse sur la foi baha'ie aux Etats-Unis et souhaite donc préserver son anonymat.

guest
1 Commentaires
Cindy
Cindy
1 an

J'ai rencontré les baha'is de la Réunion il y a 3 ans. Petit à petit j'ai appris à connaître quelques uns de leurs principes. C'est vraiment ce qu'il faut dans ce monde actuel. En ce moment ils parlent de reconstruction de la société en utilisant les conseils que leur Foi donne offre et ce qui est formidable c'est quils accueillent tous ceux qui veulent contribuer à cette reconstruction avec eux quelques soient leurs religion ou croyance, classe ou nationalité.Bon courage et félicitations à eux...