Politique

Ministère des Outre-mer sous tutelle : "un recul historique" selon les élus réunionnais

  • Publié le 5 juillet 2022 à 03:00
  • Actualisé le 5 juillet 2022 à 17:44

En 2012, sous la présidence de François Hollande, le ministère des Outre-mer était devenu un ministère de plein exercice. Dix ans après, le gouvernement fait marche arrière. Les Outre-mer sont rétrogradées au rang de ministère délégué attribué à Jean-François Carenco, sous la tutelle de Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer et du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Une "mauvaise surprise" pour les DOM, quelques jours après le passage éclair de Yaël Braun-Pivet à la tête du ministère - alors de plein exercice -, avant d'aller se faire élire présidente de l'Assemblée nationale. Cette situation fait réagir les élus Réunionnais. Ils parlent de "recul historique" et de "mépris". (Photo AFP)

Perceval Gaillard, député de la 7ème circonscription, estime que cette nomination est "un vrai retour en arrière, un recul historique"."On perd un ministère de plein exercice qui existe depuis 2012. On est revenu dans le giron du ministère de l’Intérieur comme en 2011 et pour nous c’est un recul" estime-t-il. Le député se questionne également sur le signal politique qu’envoie cette décision. "Cela veut dire qu’on cantonne les Outre-mer dans le cadre des compétences du ministre de l’Intérieur. Ça veut dire que c’est une approche sécuritaire des problématiques de l’Outre-mer. Comment traiter le social, l’économie, la politique de la mer ? "s'interroge-t-il.

Pour Perceval Gaillard, cette nomination pourrait être due aux élections législatives. "J’espère que ce n’est pas en réaction aux résultats électoraux. On espère que cette organisation n’est pas soumise à des votes électoralistes".

De plus, l’élu de la 7ème circonscription considère que l'élection de Gérald Darmanin, "aile droite du macroniste", est un signal de l’ordre du sécuritaire. "C’est comme si l’on cantonnait La Réunion à des problèmes de sécurité", ajoute-t-il.

Pour conclure, il dénonce ce "contre-sens" de l’histoire. "Avant, en 2011, on considérait ça comme une avancée", dit-il lorsqu’il évoque le plein exercice du ministère des Outre-mer. "Mais là c’est la surprise de voir Emmanuel Macron revenir sur cette avancée."

En tant que député, Perceval Gaillard se réserve le droit de solliciter d’autres ministères, quelles que soient leurs compétences, tant que cela est en lien avec La Réunion.

- Une grande déception –

Pour Emeline K/Bidi, députée élue dans la 4ème circonscription, "c’est un sentiment de déception qui prédomine à l’annonce de cette nomination". "Une déception qu’Emmanuel Macron, par l’intermédiaire d'Elisabeth Borne, ait choisi de placer à la tête des Outre-mer un haut fonctionnaire et une double déception que les Outre-mer soient sous la tutelle du ministère de l’Intérieur", dit-elle. Selon la députée, "quand on envoie un haut fonctionne en général c’est pour régler les problèmes". Or à La Réunion, "il y a également des problèmes sociaux, environnementaux, on a des territoires singuliers", dit-elle.

La députée se dit même navrée pour le message que cela renvoie. "On jugera en fonction du travail mais l’impression donnée c’est que les Outre-mer sont punies de leur vote aux élections." Émeline K/Bidi rappelle que lors des élections, les DOM ont majoritairement voté à gauche. Elle interprète ce choix du gouvernement comme, "puisque vous n’avez pas voté pour moi, je vous envoie un message de rejet des Outre-mer." La députée espère cependant se tromper sur le message du gouvernement. "J’espère me tromper mais ce message n’est pas positif."

- "Une menace pour nos territoires"

Pour la députée réélue dans la 2ème circonscription, Karine Lebon, il s'agit également d'un "recul historique". Mais même plus dit-elle, "une menace pour nos territoires". Pour l’élue de l’Ouest, "on revient à l’ère Sarkozy où l’on brandit le prisme sécuritaire. Cette situation ne va pas permettre de construire un dialogue entre les Outre-mer et le gouvernement. On ne se sent pas écoutés, on se sent méprisés, voire même menacés."

Karine Lebon déplore que "nos urgences sociales passent au second plan car nos territoires ne sont vus désormais qu’à travers cette approche sécuritaire". Elle dénonce également le fait que ce ne soit pas un ultra-marin nommé à ce poste.

- Une confiance fragilisée –

Philippe Naillet, député de la 1ère circonscription est du même avis que ses collègues élus. "C’est un recul pour les Outre-mer. On passe d’un ministère de plein exercice à un ministère sous la tutelle du ministère de l’Intérieur". "Toutes les grandes décisions concernant nos territoires seront prises par le ministère de l’Intérieur et le ministre délégué aura comme mission de le seconder" ajoute-t-il, estimant que cela "n’est pas de nature à rétablir la confiance entre nos territoires et la majorité actuelle. Cela s’avère même inquiétant".

"On est dans un climat qui est très dégradé, avec une urgence sociale à laquelle il faut répondre." Pouvoir d’achat, carburant, augmentation des prix… Pour le député, "il ne faut pas sous-estimer le risque pour la cohésion de notre territoire car nous sommes dans un climat vraiment délétère." Ce qu’il espère, c’est qu’à 10.000 kilomètres de là, le gouvernement s’en rende compte. "On est sur un fil", conclut-il.

- Un gouvernement à l’opposé des urnes -

Jean-Hugues Ratenon considère de son côté que cette nomination ne mérite même pas une réaction. "C’est un non-évènement", dit-il. Pour lui, avoir Gérakd  Darmanin signifie "de la macronie pure et dure". Il ajoute, "c’est le gouvernement. On reprend les mêmes et on recommence". Pour le député de la 5ème circonscription, "ce gouvernement ne reflète pas le paysage politique sorti des urnes lors des législatives".

Ce qu’il assure, c’est qu’il espère que lors de la prise de parole devant l’Assemblée d'Elisabeth Borne, "la confiance sera demandée à l’Assemblée nationale".  Une option écartée par Olivier Véran, porte-parole du gouvernement.

- Les Outre-mer ne méritent pas d'être réduits à une annexe -

Pour Nathalie Bassire, députée de la 3ème circonscription, "il s’agit plutôt d’un jeu de chaises musicales et que les principaux ministres de la Macronie restent aux commandes". "Je regrette que le Ministère des Outre-Mer, qui était un ministère à part entière depuis de nombreuses années, devienne une annexe, un appendice du ministère de l’intérieur … Nos territoires ultramarins méritent tellement mieux que d’être considérés comme une " France de seconde zone ", des territoires secondaires " sous tutelle " ! Et je déplore que ce ne soit pas un ultramarin qui ait été nommé car une bonne connaissance de nos territoires et de leurs enjeux est crucial pour un tel ministère" déclare-t-elle.

Elle s'interroge sur une possible "sanction" face aux résultats électoraux des présidentielles et législatives. "Je ne pense pas que cela permettra de combler le fossé entre le Président de la République et sa majorité relative au Parlement. Je souhaite néanmoins que ce " nouveau " Gouvernement travaille dans l’intérêt supérieur de la France Hexagonale et d’Outre-Mer, au service de notre population et notamment des Réunionnais !"

- D’autres personnalités réagissent -

"Il a déjà servi en outre-mer comme préfet. C'est quelqu'un qui travaille avec rigueur et sérieux. Je le rencontrerai très rapidement afin de travailler avec lui sur les dossiers qui touchent les territoires ultra-marins et notamment ceux de La Réunion" a réagi de son côté le sénateur Michel Dennemont. "Les priorités seront bien entendu les dossiers du pouvoir d'achat, du logement et des déplacements" a-t-il ajouté.

"Ce nouveau gouvernement n’est qu’une continuité dans l’entre-soi de la social-démocratie. Il n’y a pas d’audace pour une politique libérale assumée, même s’il est plus politique. Mais il n’y a pas d’autres choix lorsque personne d’autre dans les oppositions ne veut travailler et faire confiance à cette majorité présidentielle qui est une minorité législative. Le rattachement de l’Outre-mer au Ministère de l’Intérieur ne peut être bénéfique que si le Cabinet s’occupant de nos territoires ne soit constitué que de membres ultramarins issus et représentant chaque territoire", a aussi déclaré Cyrille Hamilcaro.

"La réponse du Président Macron aux Outre-mers ayant porté les extrêmes : suppression du ministère des outre-mers, lequel sera géré par un secrétaire d’état rattaché au ministère de l’intérieur ; comprenons ainsi que le Président " respecte " le choix des ultramarins d’avoir confié leur destin durant 5 ans à la "Nupes" qui n’existe quasiment plus ! Attachons nos ceintures, ça va être compliqué ! Les élus ont l’assurance d’avoir leurs indemnités, la population risque de trinquer encore plus ! Les extrêmes n’ont jamais été une solution pour régler les problèmes !", a indiqué Léopoldine Settama-Vidon face à ce nouveau gouvernement.

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ma.m/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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5 Commentaires
Missouk
Missouk
1 an

Ce n'est pas seulement un "recul historique", c'est une punition parce que les outre-mer ont voté contre sa majesté. Qu'on s'en rappelle quand ce "pseudo ministre" viendra nous voir...

eve
eve
1 an

etour en arrière historique pour les #outremer : plus de ministère de plein exercice mais sous la houlette du ministre de l'intérieur' quel message envoie t-on aux ultramarins ' Prière de ne pas déranger ' Le #mepris continue'

zavoca marron
zavoca marron
1 an

La belle giflée du 55 Faubourgs St-Honoré vis-à-vis de toute la classe politique des outre-mer et tout particulièrement d'ici... jugée manifestement incapable pour occuper ledit poste ministériel de plein exercice et surtout assorti de son portefeuille...Continuez de faire votre courbette lécheuse...

HULK
HULK
1 an

Les Outremers ont voté MÉLENCHON,MACRON s'en est souvenu.

THOR
THOR
1 an

Nos députés pays toujours aussi ridicules......