Du poulet à la salmonelle

Des bactéries antibio-résistantes dans nos assiettes

  • Publié le 24 novembre 2014 à 05:15

On sait que la viande bovine péi provient malheureusement d'un bétail cruellement affecté par nombre de maladies que les éleveurs, victimes des responsables de leur filière ne peuvent éliminer, et donc que le lait et la viande, sont issus de bêtes souvent malades et traitées d'abondance aux antibiotiques. Inutile de jeter la pierre au boeuf, le poulet n'est guère mieux loti en métropole ainsi que l'a démontré l'association de consommateurs l'UFC-Que Choisir. Et comme 66% du poulet et des volailles consommés à La Réunion sont importés de métropole (19 000 tonnes en 2012), et que l'élevage industriel local fonctionne sur les mêmes bases que celui "de France", il convient d'ouvrir les yeux sur ce que nous consommons, car les épidémies de salmonelle font partie du quotidien de l'élevage aviaire. Le dernier arrêté préfectoral de mise sous surveillance d'un élevage date du 12 novembre dernier, le 88e pour l'année 2014.

Dans les faits, si l’on reprend les termes de l’enquête communiquée par l’UFC-Que Choisir en mars dernier, il apparaît que sur " cent échantillons de poulet et de dinde vendus dans les grandes surfaces, les marchés, et les boucheries françaises (…) pas moins de 61% étaient porteurs de bactéries résistantes à une ou plusieurs familles d’antibiotiques, dont 23% à des antibiotiques critiques… "

Et l’association de consommateurs de préciser que " les antibiotiques critiques sont utilisés en dernier recours en médecine humaine pour des pathologies graves, comme les staphylocoques dorés… "

Les poulets ne sont pas extrêmement sensibles aux maladies par nature, mais les conditions d’élevage industriel, la promiscuité et le caractère artificiel de leur environnement favorisent l’augmentation du nombre de maladies, et une consommation proportionnelle d’antibiotiques, sans parler de l’usage interdit depuis 2006 par l'Union européenne, mais toujours possible, d’antibiotiques qui favorisent la croissance des animaux. Dans l’étude de l’UFC-Que Choisir, certains antibiotiques, tels les céphalosporines de 3ème et 4ème générations et les fluoroquinolones, ont été retrouvés dans 23% des échantillons.

Les poulets importés de métropole vers La Réunion n’échappent pas à ces constatations. Mais quid des poulets péi ? Le développement de la production locale passe par son industrialisation, et ce qui est valable pour les élevages métropolitains l’est aussi vraisemblablement pour les élevages réunionnais.

" La majorité des prélèvements de La Réunion montrent une résistance aux antibiotiques "

De mai 2007 à février 2009, une enquête épidémiologique sur la présence de Salmonella enterica subsp. Enterica, sur la chaîne de production de poulets en zone tropicale et plus particulièrement à La Réunion a été réalisée.  Les résultats étaient les suivants : " Dans notre étude, 22% des lots de poulets de chair étaient infectés par Salmonella enterica subsp. Enterica à la fin de la période d’élevage… " Et de préciser que ce taux de prévalence était légèrement inférieur à celui constaté dans les pays de l’Union européenne (23.7% ). Les sérotypes principaux étaient S. Virchow (38%), puis S. Blockley et S. Livingstone (15%), et S. Typhimurium, S. Hadar et enfin S. Senftenberg (8%)…  Il convient de préciser que seuls deux sérotypes sont soumis à la déclaration obligatoire  des infections à Salmonella dans les troupeaux de l’espèce Gallus (Ndlr : le poulet) en filières chair et ponte, à savoir Salmonella Enteritidis et Salmonella Typhimurium. Les autres ne sont pas pour autant négligées par les éleveurs.  L’enquête 2007-2009 poursuivait : " A l’abattoir, 68% des lots étaient positifs à Salmonella enterica subsp. Enterica (…) La majorité des prélèvements de La Réunion montrent une résistance à l’ampiciline , la streptomycine, les sulfamides et la tetracycline, des antibiotiques qui ont été le plus couramment employés dans la production animale, ce qui explique les cas fréquents de résistance à ces agents antimicrobiens… "

L’ ampiciline est une aminopénicilline, soit un antibiotique à spectre large.

La streptomycine et la tetracycline font partie de la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la Santé. Les sulfamides présentent un risque d'allergie.

La salmonellose persiste. Pire des formes nouvelles se répandent

Cinq ans après cette étude, la volaille péi a pris du volume, s’est industrialisée ; sur  34 000 tonnes consommées, la production avicole locale approche les 15 000 tonnes, dont 60 % issus de la filière professionnelle organisée. Et l’on envisage d’augmenter cette production de 50% d’ici 2020.  Ce qui implique de sortir du poulet moins cher et d’employer pour ce faire des méthodes de production concentrées et moins artisanales.

En métropole, l’UFC – Que Choisir critique vertement le Plan Ecoantibio 2012-2017 du gouvernement, lequel table sur une réduction de 25%, sur 5 ans, de la consommation vétérinaire d’antibiotiques. Laquelle a précédemment doublé en 13 ans, de 1999 à 2012.   

Ecoantibio serait un plan en trompe l’œil car fondé sur un mode d’appréciation qui ne prend en compte, sur la foi des éleveurs, que le volume d’antibiotiques utilisés et non l’exposition des animaux à ces mêmes antibiotiques. Avec ce risque de favoriser l’emploi des antibiotiques critiques aux dépens d’une réduction réelle de l’exposition à ces substances et de la lutte contre les antibiorésistances.

Or si ces agents antimicrobiens ne sont officiellement pas utilisés pour traiter des lots de volailles malades, ainsi que l’explique obligeamment Patrick Garcia, la Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt de La Réunion (DAAF), il est certain que ces substances sont employées à titre préventif pour contrer les effets induits du surpeuplement des élevages et les conditions de vie peu naturelles auxquelles sont soumises les poulets, avec pour conséquences stress et maladies sous forme épidémique. D’où le constat fait par l’étude 2007-2009 que nous citions plus haut : "  résistance à l’ampiciline , la streptomycine, les sulfamides et la tetracycline, des antibiotiques qui ont été le plus couramment employés dans la production animale, ce qui explique les cas fréquents de résistance à ces agents antimicrobiens… "

Et dans tout ça, à La Réunion plus particulièrement du fait de sa situation en zone tropicale, et ailleurs dans le monde, la salmonellose persiste. Pire des formes nouvelles se répandent, à l’instar de la Salmonella Kentucky, identifiée en Egypte en 2002, comme étant résistante aux antibiotiques, la ciprofloxacine en particulier. Selon "The Lancet Infectious Diseases ", revue médicale internationalement réputée, la Salmonella Kentucky est passée en trois ans d’Egypte en Afrique du Nord, au Moyen Orient et en Afrique de l’Ouest. Puis, 5 ans plus tard,  s’est répandue  en Inde et l’Asie du Sud-Est, en renforçant sa résistance à toute la pharmacopée connue en matière d’antibiotiques. L’Europe et La Réunion ne sont pas à l’abri.

Et chez nous, en dépit de mesures de contrôle draconiennes, la salmonelle fait partie du quotidien des éleveurs et de la DAAF Réunion. Le dernier arrêté préfectoral visant un lot de volaille contaminé, destiné à l’abattoir, date du 12 novembre dernier, et a été précédé régulièrement par nombre d’autres alertes du même type, 88 pour l’année 2014.

Dans tous les ateliers de plus de 250 poulets de chair, des prélèvements de fientes doivent être réalisés pour que l’analyse soit faite trois semaines avant l’abattage. En cas de résultats positifs sur les prélèvements, l’élevage est placé sous Arrêté Préfectoral de Mise sous Surveillance (APMS).

L’APMS n’est levé qu’après vérification par le vétérinaire sanitaire de l’efficacité du nettoyage et de la désinfection du bâtiment, à la suite de quoi  l’introduction de nouvelles volailles dans l’élevage peut être autorisée. Jusqu’alors, d’une année sur l’autre, les épidémies ont été contrôlées, en dépit d’occurrences régulières. On est entré dans une espèce de routine quand bien même il apparaît que les éleveurs et l’Etat manifestent une extrême vigilance. Et, la parfaite transparence manifestée sur ce sujet par les services de l’Etat, préfecture et Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt de La Réunion, témoigne de ce que le sujet est non seulement pris au sérieux et que les errements constatés au sujet de la filière bovine ne seront pas reproduits s’agissant de la filière aviaire.

Philippe Le Claire pour www.ipreunion.com

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4 Commentaires
matmat
matmat
9 ans

voici un petit lien qui pourrait être utile. On ne peut pas changer l'industrie d'un coup de baguette magique mais on peut s'adapter à ses travers avec les bons comportements en attendant que les choses évoluent.
http://canadiensensante.gc.ca/eating-nutrition/poisoning-intoxication/salmonella-salmonelle-fra.php

mal bouffe , depuis son mobile
mal bouffe , depuis son mobile
9 ans

Merci pour l'article qui ne fait que confirmer notre mal bouffe a la reunion

ouaou, depuis son mobile
ouaou, depuis son mobile
9 ans

2 steaks poulet svp avec de la peau merci

jl Hoarau
jl Hoarau
9 ans

C'est comme le barrage de sivens: on sait qu'on va dans une impasse et on refuse de changer: canne industrielle, ananas chimique, poulet concentrationnaire. On en est au point qu'a defaud de bio on choisi les tomates hors sol dans l'espoir que les pesticides soient mieux controlés.