VIDEO - Signature d'une convention de partenariat

La lutte contre la radicalisation, c'est l'affaire de l'Etat mais aussi des collectivités

  • Publié le 23 février 2017 à 03:00

A La Réunion, une centaine de personnes sont "fichées S", c'est-à-dire mises sous surveillance car elles pourraient représenter une menace pour l'Etat français, selon les estimations de la préfecture. Mais derrière ces profils identifiés, toute une catégorie d'individus en voie de radicalisation reste difficile à appréhender. C'est pour mieux lutter contre ce phénomène qu'une convention de partenariat a été signée ce mercredi 22 février 2017, par le préfet de La Réunion, le conseil régional, le conseil départemental et l'association des maires du département de La Réunion (AMDR). L'un des enjeux de cette lutte contre la radicalisation est aussi d'éviter la stigmatisation.

"Nous ne sommes pas dans une région où ces phénomènes de radicalisation sont les plus importants, mais nous ne sommes pas à l'abri", a rappelé Dominique Sorain. Pour preuve, en août dernier, deux opérations simultanées étaient menées à Sainte-Suzanne et à Saint-André, chez deux personnes fichées S. Un an auparavant, en juin 2015, une filière jihadiste supposée avait  été démantelée à Saint-Denis, entraînant la mise en examen et le transfert en métropole d'un prédicateur salafiste présumé de 21 ans, surnommé "l'Égyptien". Il est notamment soupçonné d'avoir convaincu un jeune homme de Saint-André de se rendre en Syrie. Le jeune radicalisé aurait été tué en Irak quelques semaine plus tard.

A ce jour il s'agit de la seule affaire de ce type dans tout l'outre-mer

Pour le préfet, ces affaires "qui ont été judiciarisées", ne représentent que la partie émergée de l'iceberg. Entre ceux qui font du prosélytisme pour envoyer des combattants en Syrie et ceux qui disent soutenir Daesh par exemple, "il y a toute une graduation de situations qu'il faut prendre en compte. D'où l'importance d'avoir des actions de formation qui permettent de savoir de quoi on parle, pour reconnaître ce qui est pénalement répréhensible et ce qui représente un danger pour la société", insiste Dominique Sorain.

 

Tout l'enjeu pour les services de l'Etat et les collectivités est donc d'apprendre à repérer les individus les plus exposés aux discours radicaux, avant qu'ils ne dérapent et ne commettent des actes violents.

 

"Les agents de terrain sont un relais important, souligne Patricia Assoune, directrice des projets au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Qu'il s'agisse d'assistants sociaux éducatifs ou d'éducateurs sportifs, ils sont en contact permanent avec les jeunes et leurs familles. Ils sont en demande, notamment pour savoir comment et à qui signaler un comportement qui les inquiète", résume-t-elle. Après cette journée, qui a réuni quelque 200 élus, cadres et agents de collectivités territoriales, le CNFPT va lancer une offre de formation spécifique, sur trois jours, pour approfondir ces questions.

 

A La Réunion, plusieurs collectivités ont déjà mis en place des dispositifs de prévention, actuellement testés sur le terrain. Saint-Pierre, le Port et Saint-André sont ainsi venues présenter leurs bonnes pratiques, mercredi après-midi.

La ville de Saint-André travaille en étroite collaboration avec les mosquées

A Saint-André, la ville a mis en place une charte avec les quatre mosquées de la ville, pour lutter contre la radicalisation. "Le déclencheur de cette démarche a été la mort d'un jeune Saint-Andréen, il y a deux ans", rappelle Viviane Ben Hamida , adjointe au maire de Saint-André en charge de la politique de la ville et de la culture. Nassirdine Mzé, 23 ans, aurait été tué en Irak le 7 avril 2015, lors d'une opération de l'armée menée contre les forces de Daech. C'est lui que l'Egyptien aurait convaincu de partir faire le Jihad

Alçay Idriss Mourouvaye, ancien President de la mosquée de Saint-André, a participé à l'élaboration de cette charte avec la municipalité. "Suite aux événéments tragiques de novembre 2015, nous avons été sollicités par la ville qui souhaitait structurer le dialogue, qui se faisait jusque-là de manière informelle", résume-t-il.

Concrètement, "chaque mosquée a un référent, qui est souvent le président de la mosquée, et tout comportement anormal, tout propos qui sort d’un cadre qui respecte les engagements de la républiquen sont identifiés et nous le traitons. Des informations sont communiquées aux services de renseignements. Mais nous avons aussi un rôle d’accompagnement pédagogique, éducatif", souligne Alçay Idriss Mourouvaye, qui estime que la communauté s'est fortement impliquée dans cette démarche.

En plus de ces actions spécifiques, Viviane Ben Hamida met également l'accent sur "les actions menées avec les établissements scolaires et les associations de quartier. Plus les jeunes et les moins jeunes sont dans des associations, plus nous avons de chances de repérer une déviance ou quelqu’un qui bascule", juge Viviane Ben Hamida. Selon l'élue, les signalements restent tout de même rares sur la commune, "mais nous restons tout de même vigilents, et nous continuons notre travail de fourmis".

À noter que l'un des enjeux de cette lutte contre la radicalisation est aussi d'éviter la stigmatisation. "Ce n'est pas parce que l'on s'habille de manière traditionnelle que l'on est intégriste (...)" avait ainsi mis en garde Houssen Amode, président du Conseil régional du culte musulman, lors de la visite début février de François Fillon à la mosquée de Saint-Denis. "Nous sommes atterrés par l'utilisation du terme islamiste pour désigner un intégriste"(...) Nous attendons de nos élus politiques un grand sens des responsabilités et de courage, pour promouvoir l'apaisement et la tolérance. Les calculs politiciens sont à déplorer en ce sens" avait-il ajouté.

"Ce n'est pas parce que l'on s'habille de manière traditionnelle que l'on est intégriste et encore moins terroriste" avait ainsi mis en garde Ikbal Ingar, président de la mosquée de Saint-Denis lors de la visite de François Fillon au début du mois de février

ch/mb/www.ipreunion.com, jeudi 23 février, 3:00

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