Santé - Le seuil de diagnostic a été abaissé

Demain, tous hypertendus à La Réunion...

  • Publié le 14 août 2018 à 02:59
  • Actualisé le 14 août 2018 à 10:14

A La Réunion, environ 20% de personnes sont traitées pour hypertension artérielle. Une pathologie en lien direct avec l'obésité et le diabète, maux endémiques sur l'île. Mais ce chiffre pourrait être bien plus élevé si l'on tient compte des modifications récentes des recommandations de l'American College of Cardiology et l'American Heart Association pour la prise en charge de l'hypertension artérielle. Jusqu'à présent, les constantes considérées pour définir un seuil au-delà duquel le patient est hypertendu étaient définies à 140 mm Hg pour la systolique et 90 mm Hg pour la diastolique. 14/9, comme on dit couramment. Désormais, le seuil est fixé à 130 mm Hg et 80 mm Hg (13/8). Autant dire que nous sommes quasiment tous hypertendus.

Vu le niveau relativement bas du nouveau seuil de HTA, une bonne partie de la population, pourtant à faible risque, peut se voir étiquetée hypertendue et estimer devoir repartir de chez son toubib avec une prescription pour un traitement  antihypertenseur (pas forcément utile). Ce ne sont pas les labos qui s’en plaindront. Autre alternative, être un 13/8 sans prescription, donc être considéré comme hypertendu non traité, ce qui peut être anxiogène et faire monter la tension d’un coup… d’où prescription. Et la boucle est bouclée.

Ironie mise à part, selon ces nouvelles recommandations, un traitement antihypertenseur s’impose-t-il dès 13/8 au tensiomètre plusieurs fois par jour et plusieurs jours de suite ? Selon les deux sociétés savantes, le traitement reste recommandé uniquement à partir des anciennes données, 140 mm Hg et 90 mm Hg. A l’exception des gramounes de plus de 65 ans, des patients qui présentent une pathologie cardiovasculaire avec athérosclérose avérée ou un risque supérieur à 10 % à 10 ans, un diabète ou une insuffisance rénale chronique. Dans ce cas, ces patients doivent être traités dès que leur pression dépasse 130 mm Hg pour la systolique et 80 mm Hg pour la diastolique. A La Réunion, ça commence à faire un peu de monde.

Un suivi médical régulier

Faut-il tous sortir le pilulier ? " C’est un choix qui renverse les rôles entre prévention et traitement, estime le Dr Bruno Bourgeon, néphrologue à Sainte Clotilde. Avec un seuil abaissé de HTA, on peut être tentés de prescrire un traitement antihypertenseur là où des mesures diététiques et le sport auraient été suffisants pour répondre aux impératifs de santé publique en matière de prévention de l’obésité et du diabète. "

Osons une question bête : que risque-t-on à prendre un traitement pour faire baisser la tension dont on n’a pas vraiment besoin ? " Le risque d’hypotension existe et dans les cas extrêmes, c’est la mort subite. Mais tous les médicaments ne font pas courir ce risque car la plupart sont des antihypertenseurs plutôt que des hypotenseurs ", nous rassure – ouf ! - le Dr Bruno Bourgeon.

Quelle différence entre les deux catégories ? Les antihypertenseurs adaptent leur effet aux chiffres initiaux de la pression artérielle. Si la pression artérielle est très élevée, ils provoquent en général une diminution importante, et une baisse plus relative si les chiffres initiaux ne sont que très légèrement supérieurs à la normale. Les hypotenseurs ont une action plus drastique sur la tension artérielle : ils la font baisser sans tenir compte des chiffres initiaux.

Abaisser les seuils pour encourager la prévention

Et si on ne prend rien, ni antihypertenseur ni hypotenseur, pour ne pas prendre de risque ? " Alors le risque, sans mesures de prévention, ce sont les maladies cardiovasculaires, l’AVC et les démences avec l’âge ". Entre la lèpre et le choléra… Autant choisir les mesures de prévention : arrêt du tabac, traitement anticholestérol, prévention du diabète et du surpoids. Et consulter régulièrement son médecin traitant  par précaution. En effet, à La Réunion, la mortalité liée à l’hypertension artérielle (HTA) élevée est évaluée à 700 décès annuels, décès qui touchent davantage les femmes (58%) avec un taux de mortalité avant 65 ans deux fois et demi plus élevé qu’en métropole (sources Observatoire régional de la Santé, septembre 2017).

Avant de prescrire un traitement médicamenteux qui est en général de longue durée voire à vie, le médecin, si votre tension reste à la limite haute de la norme, vous suggèrera plus probablement dans un premier temps de réduire les apports en sel et en alcool, de perdre du poids si nécessaire, et de pratiquer une activité physique régulière… Le bénéfice indirect de cette baisse du seuil de HTA à 130 mm Hg et 80 mm Hg, c'est de faire prendre conscience plus efficacement de la nécessité de la prévention du risque que représente l'hypertension artérielle.

Tous hypertendus peut-être, tous sous traitement... pas forcément !

ml/www.ipreunion.com

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