La faculté de médecine de Lille suspend son diplôme universitaire (actualisé)

Homéopathie : victime d'une "chasse aux sorcières"

  • Publié le 4 septembre 2018 à 09:39
  • Actualisé le 4 septembre 2018 à 11:34

La Faculté de médecine de Lille a annoncé le samedi 1er septembre qu'elle suspendait son Diplôme d'Université d'Homéopathie, dans l'attente des conclusions de la Haute Autorité de Santé (HAS). Un discrédit de plus pour cette spécialité médicale, enseignée en facultés de médecine depuis 30 ans, qui doit faire face à un feu nourri de contradicteurs depuis quelques mois, entre tribune à charge d'un collectif de médecins anti-homéopathie et décision du Ministère de la santé d'envisager le déremboursement des remèdes homéopathiques en cas d'efficacité non avérée. Des études sont en cours à la HAS, qui rendra son avis en février 2019. Le Syndicat National des médecins homéopathes français dénonce une "chasse aux sorcières".

La décision n’est pas définitive : pour le doyen de la Faculté de médecine de Lille, le Pr Didier Gosset, la décision de suspendre l’enseignement de l’homéopathie pour l’année 2018-2019 ne vaut pas expertise mais attente de la décision des autorités de santé. C’est ce qu’il a expliqué dans un tweet, samedi 1er septembre 2018 : " La faculté de médecine de Lille décide de suspendre son diplôme d’université d’homéopathie pour l’année universitaire débutante dans l’attente de la position de la HAS et d’échanges nationaux sur l’encadrement de cette pratique et de son enseignement".

Pour le Dr Philippe de Chazournes, médecin généraliste à Saint-Denis, la HAS n'a pas les moyens de ces études. "L'homéopathie ne se prête pas à des études randomisées", explique-t-il. Pour lui, rien ne vaut, et pas seulement pour l'homéopathie, l'étude observationnelle : "Dans le scandale du Médiator, ce ne sont pas les études à grande ampleur qui ont révélé les problèmes, mais les études observationnelles du patient". Donc à petite échelle. Justement ce que reproche la faculté de Lille à l'homéopathie : "Force est de constater que les études sont rares sur l’homéopathie et qu’elles sont peu solides, car reposant sur de petites populations ", souligne le Pr Didier Gosset qui s’en tient à un principe-clé : " Nous enseignons une médecine fondée sur les preuves, fondée sur une rigueur scientifique, absolue ".

Ce lundi 3 septembre, le Collège national des généralistes enseignants (CNGE), présidé par le Pr Vincent Renard, a apporté son soutien au doyen de la fac de Lille et invité les autres UFR à suivre l'exemple des Hauts-de-France. " Le CNGE a saisi ce jour la Conférence des Doyens de médecine pour demander la suspension des DU d’homéopathie dans toutes les facultés de France ", a tweeté le Pr Vincent Renard.

Mais joint par Le Quotidien du médecin ce lundi 3 septembre, le Pr Jean Sibilia, président de la Conférence nationale des doyens, se montre plus mesuré : "Il est préférable d'attendre l'avis de la HAS sur la question".

Des études trop rares

Au micro d’Europe 1, le doyen de la Faculté de médecine de Lille a tenu a préciser sa pensée : " On sait que ce qui est efficace dans l'homéopathie, c'est l'effet placebo. L'homéopathie n'a pas d'effets propres. Elle est présentée abusivement comme efficace. L'idée, en mettant fin à cet enseignement, c'est d'affirmer que nous n'enseignons que des éléments scientifiques ", explique le Pr Didier Gosset.

"L'effet placebo, c'est scientifique", pour le Dr Claude Bronner, Président d'Union généraliste (FMF) actuellement à Saint-Denis. "Les patients ont peur qu'on pense que c'est +dans la tête+ quand on parle de placebo, mais le placebo, ça fonctionne et c'est ça peut s'expliquer."

Pour ce généraliste, la qualité d'écoute est essentielle : "Les médecins homéopathes ont des résultats parce qu'ils prennent le temps d'écouter leurs patients. L'être humain a des capacités méconnues de se prendre en charge et quand on se sent écouté, on les sollicite mieux !" Et comme l'explique le Dr Philippe de Chazournes, "la médecine est loin d'être une science exacte".  Sauf que c'est sur cette intransigeance de la théorie de la preuve irréfutable que se base le doyen de la Faculté de médecine de Lille pour décider de suspendre le diplôme d'homéopathie.

Soixante plaintes déposées

L’année 2018 est donc une année à charge pour l’homéopathie. Le 19 mars 2018, le premier tir de sommation était lancé par 124 médecins (généralistes, chefs de services d'urgences, cardiologues) et professionnels de santé, opposés aux médecines alternatives, qui ont publié une tribune dans Le Figaro, réclamant l’arrêt de prise en charge à 30% par l’assurance maladie de certains médicaments homéopathiques. Et suggérant au passage aux pouvoirs publics et à l'Ordre de ne plus autoriser à faire état de leur titre les médecins qui continuent à promouvoir les médecines alternatives.

Le choix des mots était en effet sans concession : les médecins homéopathes y étaient appelés " charlatans en tout genre qui recherchent la caution morale du titre de médecin pour faire la promotion de fausses thérapies à l’efficacité illusoire ". Les " charlatans ", par la voix du Syndicat National des médecins homéopathes français (SNMHF), ont riposté en déposant une soixantaine de plaintes auprès du Conseil de l’Ordre des médecins contre les médecins signataires. Procédures toujours en cours, mais le Conseil national de l’Ordre a bien précisé ne pouvoir se prononcer que sur les entorses à la confraternité mais pas sur le fond du propos, à savoir l’efficacité controversée de l’homéopathie.

Des preuves attendues

C’est à la commission de transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS), saisie le 1er août dernier par la Ministre de la Santé que revient la mission de lancer une évaluation " du service rendu " par les remèdes homéopathiques. Et donc de la légitimité de son remboursement. Depuis quelques temps, les déremboursements sont nombreux autour des médicaments allopathiques au service rendu estimé insuffisant. C’est donc au tour de l’homéopathie de faire la preuve de son efficacité, alors même que les produits homéopathiques disposent en France d’une dérogation les dispensant de publier la preuve scientifique de leur efficacité.

L'expertise de la HAS, qui conditionne le retour ou non du diplôme d’homéopathie à la Faculté de médecine de Lille selon les déclarations du Pr Didier Gosset, est attendue courant février 2019.

Contacté par nos soins, le Laboratoire Boiron, l’un des principaux laboratoires d’homéopathie français, n’a pas souhaité s’exprimer sur la décision de la Faculté de médecine de Lille. En revanche, le Syndicat National des médecins homéopathes français nous a fait part de son incompréhension face à cette "chasse aux sorcières qui tourne le dos à la pratique d’une médecine intégrative et réconciliée telle que la pratiquent les médecins homéopathes dans notre pays". Le SNMHF rappelle que ce diplôme existe depuis une trentaine d'années. "La décision de la Faculté de médecine de Lille a été prise sans consultation préalable ni information des responsables de cet enseignement", regrette le Dr Charles Bentz, président du SNMHF.

ml/www.ipreunion.com

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2 Commentaires
Julius
Julius
5 ans

Pressé de voir ce truc inutile disparaitre

Aterla
Aterla
5 ans

Il était temps...