Manque d'effectifs, schéma sécuritaire non adapté...

Violences urbaines : les policiers se sentent abandonnés par Paris

  • Publié le 22 novembre 2018 à 02:59
  • Actualisé le 22 novembre 2018 à 06:44

Les forces de police sont soumises à rude épreuve après cinq jours et cinq nuits sur le terrain, face à des manifestations de Gilets jaunes en journée et des violences urbaines en marge de l'évènement, de jour comme de nuit. Trois syndicats, UNSA Police, SGP FO et Alliance Police Nationale font le point de la situation. Le manque d'effectifs sur l'île alors que la démographie s'accroit est unanimement reconnu. Des réponses sont à l'étude, comme l'éventuelle venue sur l'île (actuellement à l'étude à Paris) de quelques effectifs du RAID pour aider à rétablir l'ordre et l'arrivée effective de trois escadrons de gendarmerie mobile. Mais au-delà de ces renforts conjoncturels, les policiers attendent des réponses pérennes et adaptées à l'évolution de la démographie sur l'île.

"Nous nous sentons abandonnés par Paris"

Stéphane Lebreton, secrétaire départemental du SGP Police FO

Depuis des années, nous demandons la mise en place d’effectifs massifs, mais nous n’obtenons rien. Pourtant nous sommes trop tributaires de Paris. Le délai pour que des renforts arrivent de Paris est de 1 à 2 jours et on a vu ce qu’il est possible de se passer en un ou deux jours.  Une vingtaine de policiers ont déjà été blessés. Etant en sous-effectifs, nous ne sommes pas en sécurité, et si nous, nous ne sommes pas en sécurité, alors nous ne pouvons non plus protéger la population.
Très sincèrement, nous nous sentons abandonnés de Paris. Depuis le début de cette crise, les collègues tombent comme des mouches. Il faut absolument une arrivée massive d’effectifs.

"Courir à droite à gauche, enchaîner les jours, ça commence à devenir compliqué"

Idriss Rangassamy, secrétaire départemental Alliance Police Nationale

Des nouvelles du chef du GIPN blessé lors des affrontements hier soir au Chaudron, regardez #LaReunion pic.twitter.com/yY9U57ktbh
— Imaz Press Réunion (@ipreunion) 21 novembre 2018

"Le schéma sécuritaire n'est plus adapté à La Réunion"

Jean-Pierre Lauret, secrétaire régional d'Unsa Police

La situation est préoccupante. Depuis plusieurs jours les policiers Réunionnais sont fortement mobilisés. Les collègues sont rappelés alors qu’ils sont en repos, ou alors leurs horaires sont décalés en soirée. On ne sait pas quand ça va s’arrêter. Le risque, c’est qu'on ne puisse pas assurer 24h sur 24 si la situation perdure quinze jours ou trois semaines. On n'a jamais connu ça, sur l'île. Même en 1991. Lors de ces émeutes, la situation était conscrite au Chaudron, tandis qu'aujourd'hui il faut courir à tous les coins de l'île.

Ce mercredi soir 21 novembre, nous avons obtenu un renfort supplémentaire de 25 collègues profilés BAC (ndlr, Brigade anticriminalité) et CDI (ndlr, Compagnie Départementale d'Intervention) ainsi que de 2 officiers et 1 commissaire de police qui arriveront ce jeudi soir en principe, avec du matériel spécifique.

Les renforts ne suffisent pas. Il y a une problématique de schéma sécuritaire. Actuellement, on a quatre commissariats : à Saint André, à Saint Denis, au Port et à Saint Pierre alors que cette ville est très éloignée des autres. Face à l’urbanisation importante sur le littoral, avec des villes de plus de 40 000 habitants, il faut la présence de la police nationale sur d'autres circonscription, avec des commissariats qui fonctionnent 24h sur 24, ce qui n'est pas le cas de la gendarmerie nationale.

Pour cela, il faut faire évoluer le schéma sécuritaire en installant trois ou quatre commissariats de plus. Cela représente 300 à 400 fonctionnaires de police de plus sur l’île en permanence, en ciblant les besoins par zone : brigade des stups, officiers de police judiciaire…

La Réunion évolue avec des zones plus urbanisées. Quand ça dérape, comme en ce moment, si on a les effectifs en suffisance, on n'a plus besoin de renforts de métropole : la réponse des forces de l’ordre est cadrée dans les 48h et c’est beaucoup plus facile de rétablir l'ordre. Au bout de cinq jours, c’est plus compliqué, on le voit actuellement. La Réunion évolue démographiquement et sociologiquement et évoluera encore. Et si on ne prend pas en compte cette évolution en adaptant le schéma sécuritaire, on le payera très cher.

ml/www.ipreunion.com

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1 Commentaires
léo
léo
5 ans

Étant un ancien policier, s'il me rappelle c'est avec plaisir que j'irai leur donner un coup de main :)