Au milieu des témoins des manifestations des gilets jaunes à Paris, trois jeunes hommes tranchaient de façon singuliÚre. Appareils photo en main, ils ont pleinement profité de ces moments, en s'échangeant des regards entendus et des blagues à chaque fois qu'ils se croisaient. De temps à autre un souvenir douloureux ou une réflexion a atténué leur légÚreté. Ces trois hommes sont syriens. AprÚs avoir couvert la guerre dans leur pays, avant de pouvoir s'en échapper, Abdulmonam Eassa, Sameer Al-Doumy et Zakaria Abdelkafi sont photographes de presse pour l'AFP. Ils ont suivi les accÚs de violence qui ont marqué la capitale française. Avec le sourire.
Abdulmonam Eassa - En imaginant ma nouvelle vie en France, je voyais une existence paisible, lâapprentissage dâune nouvelle langue, me faire de nouveaux amis et apprĂ©cier la vie dans un pays en paix. Je ne pensais pas voir remonter des souvenirs de frappes militaires en me trouvant sur les Champs-ElysĂ©es.
Pendant sept ans, jâai couvert comme photographe la descente aux enfers de la Syrie. Les deux derniers mois dans ma ville natale de la Ghouta ont Ă©tĂ© particuliĂšrement Ă©prouvants. Jâai vu des amis mourir, entendu les cris animaux de parents dĂ©couvrant le corps de leurs enfants Ă la morgue. Jâai connu la peur, Ă©prouvĂ© la faim, et senti lâanesthĂ©sie qui vous enveloppe avec lâĂ©puisement moral et physique (...) .
Sameer Al-Doumy - La premiĂšre fois oĂč jâai senti du gaz lacrymogĂšne, ça mâa provoquĂ© une agrĂ©able bouffĂ©e de chaleur. Ăa mâa ramenĂ© il y a presque huit ans, au commencement du soulĂšvement populaire en Syrie. Les manifestations y Ă©taient pacifiques au dĂ©but. Les Syriens voulaient juste plus de libertĂ© aprĂšs des annĂ©es de dictature. La police se contentait de tirer des gaz lacrymogĂšnes. Il nây avait encore ni balles, obus de mortiers ou frappes aĂ©riennes. Beaucoup de mes amis et de proches Ă©taient encore vivants. Nos villes nâavaient pas encore Ă©tĂ© rĂ©duites Ă des tas de ruines. En y repensant, câĂ©tait une pĂ©riode bĂ©nie. Et cette bouffĂ©e de lacrymogĂšne mâa ramenĂ© Ă cette Ă©poque (...).
Zakaria Abdelkafi - En Syrie il nây a jamais de photos montrant des policiers et des manifestants ensemble. Ici, on peut en faire beaucoup oĂč on voit des manifestants parler Ă des policiers, ou leur crier dessus. En Syrie, câest impossible (...).
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