Des armes non létales mais dangereuses (atualisé)

Des caméras-piétons pour filmer les lanceurs de balles : des policiers s'offusquent, d'autres non

  • Publié le 24 janvier 2019 à 11:02

La mesure fait grand bruit et elle n'est pas forcément bien accueillie côté forces de l'ordre. Devant une commission de l'Assemblée nationale, ce mardi 22 janvier 2019, Christophe Castaner annonce que policiers et gendarmes porteurs de lanceur de balles de défense (LBD) seront dorénavant équipés de caméras-piétons, du moins, "dans la mesure du possible". Un désaveu pour certains policiers qui voient là une décision politique stigmatisant les fonctionnaires de police et censée calmer la vindicte populaire quand d'autres y voient un moyen de mieux protéger les policiers et les victime en ayant un support fiable qui permettrait de donner les circonstances et le contexte de l'utilisation du LBD.

Le lanceur de balle de défense est une arme certes non létale mais elle peut provoquer de graves blessures. Successeur du flash-ball (retiré depuis deux ans), le LBD est accusé - par les Gilets jaunes - d’avoir causé des dommages importants allant jusqu'à l'éborgnement de manifestants. À l’aube de l’acte 11 du mouvement social, Christophe Castaner tente de faire descendre la pression en annonçant cette mesure quitte à se mettre à dos, une partie de la corporation qu’il chapeaute. La caméra-piéton, les fonctionnaires de police n’y sont pas opposés. Ce qui les dérange, " c’est d’être jetés en pâture, sacrifiés sur l’autel du populisme " affirment certains d’entres eux.

Les flics fliqués, un comble ! 

Cet avis est défendu localement par Idriss Rangassamy, le secrétaire national de Alliance police nationale " on nous demande de nous justifier encore et encore ". Le syndicaliste est remonté " on en a assez de servir de chair à canon "  répète-t-il à deux reprises. Dans tous les sens du terme, car le policier a surtout l’impression qu’à travers cette mesure, Christophe Castaner veut juste se " dédouaner sur les policiers " et calmer la vindicte populaire.

Idriss Rangassamy s’offusque " veut-on nous donner les moyens de maintenir l’ordre, la sécurité des biens et des personnes ou juste que nous nous justifions encore ? " Un policier en colère qui doute de l’efficacité du dispositif proposé par le ministre de l’Intérieur " on va encore rajouter un élément à notre équipement, nous alourdir, ce sera encore plus difficile d’être mobile tout en sachant qu’avec les mouvements etc, quand on court, qu’on se déplace, il est fort probable que seuls 20 à 30% des images seulement soient exploitables, tout ça pour ça. Pourquoi chercher la petite bête ? "

Un policier meurtri qui se sent injustement pris à parti " il faudrait aussi que notre hiérarchie prenne ses responsabilités, les fonctionnaires de police ne sont " que " des exécutants, lorsque l’un d’entre nous utilise le LBD, c’est qu’il en a reçu l’ordre. "

LBD, quel est le protocole ? 

En effet, l’utilisation du lanceur de balle de défense se fait sur ordre de la hiérarchie des fonctionnaires de police. Il faut aussi qu’il y ait eu plusieurs sommations. C’est aussi une arme régie par un cadre juridique très précis. L’usage du LBD ne peut se faire que dans ces trois cas :
• à titre de riposte dans une situation de légitime défense de personnes ou de bien
• si cela est nécessaire et proportionné dans le cadre de l’état de nécessité
• lors d’un attroupement en cas de violence ou de voie de fait commise à l’encontre des forces de l’ordre ou si elles ne peuvent défendre autrement le terrain qu’elles occupent.

Tous les fonctionnaires de police ne sont pas habilités à utiliser un lanceur de balle de défense. Pour cela, il doivent être formés. À La Réunion, c’est environ un tiers des effectifs qui le serait. L’habilitation est obtenue au bout de 6 heures de stage, un suivi régulier le reste du temps et tous les 24 mois, de nouveaux tests complets. Les policiers apprenant la distance à respecter pour utiliser le LBD - 20 à 50 mètres - et les zones à proscrire - tête, organes génitaux, poumons, foie… organes vitaux - les zones ciblées étant les bras et les jambes.

Selon Marc Lesage, secrétaire régional adjoint de l’UNSA Police " cette formation n’est pas anodine, pas juste une formalité, les policiers sont conscients du danger et de la maîtrise nécessaire pour utiliser un LBD ". D’ailleurs, le syndicaliste insiste sur un point " nous sommes gardiens de la paix, nous ne sommes pas là pour frapper, mutiler ou tuer des gens. "

Les caméras-piétons, Marc Lesage est à 100% pour " c’est une bonne chose pour les deux parties, cela permettra au policier de se défendre juridiquement, de se couvrir et à la victime, si il y a eu une utilisation à mauvais escient de montrer les circonstances, d’avoir un support fiable."

Au-delà de cette mesure, le syndicaliste a du mal à comprendre la controverse autour du LBD " c’est une alternative à l’arme de poing est au corps à corps entre force de l’ordre et manifestants et c’est très encadré. Évidemment, l’utilisation de pistolet n’est pas envisageable mais si nous en arrivions à du corps à corps avec les manifestants, il y aurait beaucoup plus de blessés d’un côté comme de l’autre, ce n’est pas ce qu’on veut. "

" Pour la caméra-piéton mais contre la stigmatisation des policiers "

La position intermédiaire, c’est celle de Gilles Clain secrétaire départemental SGP police FO. L’annonce de Christophe Castaner a tout de suite suscité de nombreuses interrogations " comment va-t-on faire pour trouver suffisamment de caméras ? Comment les fonctionnaires vont-ils pouvoir les déclencher sans se mettre en danger ? (ces caméras ne fonctionneront pas en permanence) Et pourquoi de nouveau stigmatiser les policiers ? "

Malgré cela, le syndicaliste affirme être pour ces caméras-piétons. Ce qui le dérange, c’est le contexte dans lequel l’annonce a été faite " c’est une décision politique, on a l’impression que Christophe Castaner a sorti cela pour calmer la grogne populaire, c’est une décision politique qui laisse entendre qu’on avait tort, que l’on est coupable de violence, comme si il n’y avait aucun contrôle alors que l’utilisation d’arme est très encadrée et très réglementée ".

Le fonctionnaire fait le parallèle avec les Taser " les Taser sont tous équipés de caméras, cela a toujours été le cas depuis qu’ils sont mis en place, on est totalement pour. Ça n’a pas été une décision prise quand les politiques ont senti le vent tourner. " s’indigne Gilles Clain.

Certes, les avis des trois syndicalistes divergent mais ils s’accordent tous sur un point : ils ne peuvent pas croire que des fonctionnaires de police aient volontairement tiré au LBD en visant la tête de manifestants.

Volontaire ou accidentel, le gouvernement fait état de quatre personnes éborgnées suite à des tirs de LBD depuis le début du mouvement des Gilets jaunes. Le collectif militant "Désarmons-les" et le journaliste indépendant David Dufresne en comptabilise 17. Des enquêtes sont en cours pour déterminer les circonstances de ces faits graves. 

À La Réunion, deux cas sont emblématiques de l'utilisation controversée d'arme : celui de Steven, un garçon de 16 ans atteint au visage par un tir de flash ball dans la nuit du samedi 1er février au dimanche 2 février 2014 au Port. Il a été blessé rue Rico Carpaye alors des heruts opposaient des jeunes aux forces de police. Le jeune homme a perdu un œil. Il a toujours nié faire partie des manifestants.

Les policiers mis en cause ont ensuite été mis en examen pour "violences volontaires avec usage d'une arme ayant entraîné une mutilation", et ce avec les circonstances aggravantes de "violences commises en réunion et par des dépositaires de l'ordre public". L'un des policiers est également mis en examen pour "non assistance à personne en danger"et "modification de la scène de crime"

Lire aussi : Le Port - Un jeune de 16 ans blessé au visage par un tir de flash ball

Lire aussi : Selon le procureur  "le tir n'était pas accidentel mais volontaire"

Lire aussi : Une vingtaine de policiers devant le tribunal pour soutenir leurs collègues du Port

L’autre affaire est celle de Théo Hilarion, un docker éborgné suite à un coup de feu qui, selon lui, avait été tiré par un gendarme le 7 mars 1994. 

Lire aussi : Justice - affaire Théo Hilarion - les témoins parlent de loi du silence

Des affaires qui remettent localement aussi en cause l'encadrement de l’utilisation des armes létales ou non par les forces de l’ordre. Selon une source policière, durant le mouvement des Gilets jaunes à La Réunion, environ 500 tirs de LBD auraient eu lieu. 

fh/www.ipreunion.com

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1 Commentaires
Titi974
Titi974
5 ans

syndicaliste est remonté " on en a assez de servir de chair à canon En attendant, la chair à canon, ce sont les manifestants même sur les vieillards vous tirez à vue