Cour internationale de justice

Le Royaume-Uni doit mettre fin à son administration des Chagos

  • Publié le 26 février 2019 à 06:20
  • Actualisé le 26 février 2019 à 06:43

La Cour internationale de justice (CIJ) a déclaré lundi que le Royaume-Uni devait rapidement mettre fin à son administration des Chagos, archipel britannique de l'océan Indien qui accueille une importante base militaire américaine et dont la souveraineté est revendiquée par l'île Maurice.

Dans un avis consultatif, les juges de la plus haute juridiction des Nations unies ont estimé que le Royaume-Uni avait "illicitement" séparé l'archipel des Chagos de l'île Maurice. "C'est un moment historique pour Maurice et ses peuples, incluant les Chagossiens qui ont été déraisonnablement chassés de leur pays et empêchés d'y retourner pendant un demi-siècle", a déclaré le Premier ministre mauricien, Pravind Jugnauth. "Nous allons retrouver notre intégrité territoriale" et "les Chagossiens et leurs descendants vont enfin pouvoir rentrer chez eux".

Lire aussi : La Cour internationale de justice rend son avis sur l'archipel des Chagos

"Le temps est arrivé pour le démantèlement de la dernière colonie britannique en Afrique", a-t-il annoncé lors d'une conférence de presse à Port Louis lundi soir, ajoutant "espérer" que le Royaume-Uni "respecte" l'avis de la Cour, qui ne dispose d'aucun moyen pour faire appliquer ses avis ou ses décisions.

"C'est une grande victoire sur une injustice commise par le gouvernement britannique. Nous avons souffert pendant de nombreuses années", a réagi Olivier Bancoult, président du Groupe des réfugiés des Chagos. De son côté, la Grande-Bretagne a insisté sur le rôle défensif de la base de Diego Garcia, qui selon le ministère britannique des Affaires étrangères permet de défendre le monde contre "les menaces terroristes, le crime organisé et la piraterie".

Lors de sa conférence de presse, le Premier ministre mauricien a précisé que Port Louis ne réclamait pas le démantèlement de la base américaine mais demandait à Washington de reconnaître que les Chagos font partie de la République de Maurice.

Un responsable du département d'Etat américain a déclaré que les Etats-Unis considéraient l'affaire comme un "différend purement bilatéral" entre le Royaume-Uni et l'île Maurice, tout en questionnant l'autorité de la CIJ. "Il est inapproprié de chercher à utiliser la fonction consultative de la Cour pour régler les différends entre Etats", a-t-il affirmé sous couvert d'anonymat.

- "Fait illicite" -

L'avis de la CIJ n'est pas contraignant mais revêt un caractère hautement symbolique et constitue un coup dur diplomatique pour le Royaume-Uni, mis sous "pression". "Le maintien de l'archipel des Chagos sous l'administration du Royaume-Uni constitue un fait illicite", a déclaré le juge président de la Cour, Abdulqawi Ahmed Yusuf.

"Le Royaume-Uni est tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin a son administration de l'archipel des Chagos, ce qui permettra à l'île Maurice d'achever la décolonisation de son territoire", a-t-il poursuivi. L'assemblée générale de l'ONU avait adopté en 2017 une résolution présentée par l'île Maurice et soutenue par les pays africains réclamant que la CIJ donne son opinion sur l'avenir des îles Chagos.

Les Chagos se trouvent au coeur d'un litige vieux de cinq décennies, depuis la décision britannique de séparer de l'île Maurice cet archipel en 1965 et d'y installer une base militaire commune avec les Etats-Unis sur l'île principale de Diego Garcia. Cette base avait joué un rôle stratégique clé lors de la Guerre froide avant d'être utilisée dans les années 2000 lors des conflits en Irak et Afghanistan.

Le Royaume-Uni avait expulsé environ 2.000 Chagossiens vers Maurice et les Seychelles pour faire place à cette base, qui a depuis joué un rôle clé dans les opérations militaires américaines.

Estimant que Londres "avait illégalement démembré" son territoire, Maurice a depuis engagé une série de procédures judiciaires, dont la première a été introduite en 1975, afin d'obtenir le retour des îles Chagos dans son giron. Un avis parfaitement clair et sans aucune ambiguité, s'est réjoui l'avocat de l'île Maurice, Philippe Sands, selon lequel le Royaume-Uni n'a pas de marge de manoeuvre.

Lire aussi : Les Chagos, litige international et drame humain de cinq décennies

Les juges "ont essentiellement dit que la loi avait été enfreinte, que l'autodétermination n'avait pas été respectée et que les droits de l'homme avaient été violés", a-t-il déclaré devant les journalistes. "Face à cela, je suppose que le Royaume-Uni va se demander quelle résistance il pourrait opposer. Et particulièrement dans le contexte du Brexit, alors que le Royaume-Uni se trouve un peu isolé dans le monde", a-t-il ajouté, soulignant la "pression importante" qui repose désormais sur le Royaume-Uni. M. Sands a appelé les deux pays à s'asseoir autour de la table pour trouver "un moyen sensé de faire avancer les choses".

- "Manière honteuse" -

Lors d'audiences tenues à La Haye en septembre, Londres avait exprimé ses "regrets" pour la "manière honteuse" dont les habitants des Chagos avaient été traités en 1965, tout en estimant que la Cour n'était pas l'endroit adéquat pour régler son différend avec l'île Maurice. La CIJ a "le devoir de refuser" de prendre position sur le sort réservé à l'archipel des Chagos, avaient abondé les Etats-Unis.

Les représentants mauriciens avaient quant à eux argué que "le processus de décolonisation de l'île Maurice restait incomplet", plus de 50 ans après son indépendance obtenue en 1968.

Créée en 1946 pour régler les différends entre Etats membres, la CIJ donne généralement des avis consultatifs à des organes de l'ONU tels que l'assemblée générale.

AFP

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1 Commentaires
Didier
Didier
5 ans

La Cour Internationale de Justice a donné un avis CONSULTATIF !
Les Chagossiens honteusement exilés de leur île par les impérialistes anglais et américains, avec la complicité du gouvernement mauricien, ne sont donc pas près de rentrer chez eux.
Crier victoire aujourd'hui, c'est tromper la population. Mais le combat continue pour rendre justice à ce peuple déracinné.