Les futurs propriétaires attendent toujours

Chantiers à l'arrêt : le dossier de l'APL accession au point mort

  • Publié le 15 mars 2019 à 02:59
  • Actualisé le 15 mars 2019 à 09:08

Malgré la remise en service de l'APL accession, annoncée par Annick Girardin en octobre 2018, les constructions des maisons concernées semblent toujours rester en suspens. Alors que la ministre des Outre-mer revient sur l'île dimanche 17 mars 2019, la Confédération nationale du logement (CNL) fait le point sur un dossier qui semble s'embourber de plus en plus.

Jackson voulait construire une maison. 4 chambres, 259 mètres carrés en tout. Le projet était viable. En 2007 il signe avec Bourbon Bois pour lancer le chantier, à La Possession. Aujourd'hui en 2019, il attend toujours, dans un appartement, avec sa femme et ses trois enfants. "On ne sait pas si le chantier va continuer", nous explique-t-il.

De fait, Bourbon Bois connaît de sérieuses difficultés financières. "Il a été dit le mois dernier que le constructeur avait été sauvé de la faillite", raconte Erick Fontaine, administrateur de la Confédération nationale du logement à La Réunion. "Mais c'est plus compliqué que ça, les difficultés financières sont toujours là, et il sera trop difficile de poursuivre tous les chantiers".

Lire aussi : APL accession : "rien ne sort de terre" selon la confédération du logement

363 dossiers sont en attente à La Réunion. Quatre opérateurs sont dans le coup : SICA Habitat, PACT Réunion, Sud Habitat Conseil… et bien sûr Bourbon Bois, qui posséderait à lui tout seul 120 dossiers, selon les chiffres avancés par la CNL.

Au Port comme à La Possession, et ailleurs encore, le nombre de terrains avec des panneaux de permis de construire qui datent de 2013 se font nombreux… Derrière eux, le néant, de la broussaille et des terrains vagues, mais aucune construction engagée.

"Le 21 décembre 2017, une date importante dans l’histoire du logement"

Selon Erick Fontaine, tout a basculé fin 2017, le 21 décembre précisément, lorsque le gouvernement a décidé de supprimer l’APL succession pour raisons budgétaires. "Ce sont 4 000 projets qui ont été annulés", explique-t-il.

Dans le projet de loi de finances 2019, nouvelle annonce, faite par la ministre des Outre-mer Annick Girardin : l’allocation va reprendre pour les dossiers signés avant le 31 décembre 2018. Une bonne nouvelle ? Au début, oui. Mais très vite, les bénéficiaires de l’allocation déchantent. "De nombreux permis de construire sont caducs ", explique Erick Fontaine".  Il faut donc tout recommencer, relancer un projet cette année, c’est-à-dire en 2019. Or, le projet de loi précise bien que seuls les arrêtés émis avant le 31 décembre 2018 seront pris en compte. " Pour les chantiers trop vieux, c'est donc peine perdue.

Avec sa maison lancée en 2007, Jackson fait partie des bénéficiaires qui doivent relancer un nouveau permis de construire. Lui perd espoir. Cela fait des années qu’il vit dans un appartement avec sa famille " Nous n’avons plus aucun contact avec le constructeur ". Pour l’instant seules les délimitations ont été faites sur le terrain, mais aucune pierre n’a encore été posée. "Toujours rien, on attend, on attend…" mais les années passent et toujours pas de maison.

Un manque de communication pesant

Pour Erick Fontaine, le manque d’informations transmises aux clients est un problème central. "Ils ne savent pas où en est leur dossier, ils n’ont aucune nouvelle". Quant à la situation actuelle, ils n’en savent pas plus : Annick Girardin va-t-elle pouvoir honorer ses promesses ?

Grand regret de la CNL : l’Etat a essentiellement dialogué avec les entreprises du BTP. "Pourtant le principal concerné c’est bien le futur propriétair ", estime Erick Fontaine. "Le BTP reste le client, c’est une erreur de la part de l’Etat et de la région d’avoir négligé à ce point les propriétaires".

Enfin, la suppression de l’allocation en 2017 a été justifiée par un besoin urgent d’économies. Mais les calculs d’Erick Fontaine prouvent que l’argument ne tenait pas debout. " Quand on est locataire, on coûte cher à l’Etat en terme d’allocations. Si on est propriétaire, on paye une taxe foncière et des taxes sur le prêt fait à la banque, on devient donc beaucoup plus rentable. " La logique d’économies n’est pas viable selon lui.

Des logements insalubres… jamais reconstruits

L’APL accession concerne aussi les familles qui habitent des maisons hors normes et indignes, nécessitant des améliorations. Frédéric, 37 ans, en garde un souvenir amer… "Nous vivions à Trou d’eau avec ma mère, dans la maison familiale". Une petite case de deux chambres et un salon, avec jardin, arbres fruitiers, et une vue imprenable sur la mer. "J’ai grandi dans cette maison, ma mère l’a quasiment construite de ses mains et elle y a élevé tous ses enfants".

Oui mais voilà, le logement est insalubre, et la vie n’y est plus possible. Frédéric et sa mère font alors une demande d’aide pour améliorer leur logement, et partent vivre à Plateau Caillou, dans un appartement. C’était il y a une dizaine d’années.

Un jour, Frédéric reçoit un courrier : la maison a été démolie. Un logement neuf sera reconstruit sur le même terrain. "Nous n’avons eu aucune information avant. Ma mère était très triste, c’était un choc pour elle". Mais la garantie de revenir sur leur terrain leur donne espoir.

Pourtant la sentence tombe au moment de l’abandon de l’APL accession : " on nous a rappelés pour nous dire que la maison ne pourrait finalement pas être construite. " Frédéric se sent un peu trahi. " On a fini par laisser tomber. Bourbon Bois nous a rendu notre chèque et c’est tout. Nous n’avons pas cherché plus loin, la paperasse et les coups de fil administratifs, c’est compliqué. Et nous sommes fatigués… " Il économisait depuis le collège pour rénover un jour cette maison.

Des promesses au point mort…

La CNL compte-t-elle sur la venue d’Annick Girardin pour relancer ces discussions ? "La dernière fois qu'Annick Girardin est venue, c'était un monologue, pas un dialogue", explique Erick Fontaine. Les mots sont durs mais ils reflètent une réalité : la communication avec le gouvernement est au point mort à ce sujet.

La situation semble embourbée au point de ne plus pouvoir évoluer du tout. "Il y a trop de points de blocage", explique Erick Fontaine. "Les constructeurs ne pourront jamais sortir de terre 363 logements en un an, trop de dossiers nécessitent un nouvel avenant, trop de permis de construire sont caducs… Quant au logiciel de la CAF, il n’est toujours pas opérationnel, Réunion Habitat ne peut donc pas faire de simulation". Autant de difficultés qui font perdre espoir aux bénéficiaires de l’allocation. " Les annonces faites par Annick Girardin ont du plomb dans l’aile ", estime la CNL.

… et des attentes fortes

Deux hauts fonctionnaires venus à La Réunion au moins de novembre dernier doivent rendre un rapport au Premier ministre sur l’état des choses d’ici la fin du mois de mars 2019. "Nous attendons les conclusions de ce rapport, mais avons peu d’espoir", déclare Erick Fontaine.

La CNL demande en tout cas une réunion avec l’Etat, les constructeurs et Réunion Habitat d’ici fin avril 2019 pour évaluer la situation tous ensemble et discuter sérieusement des chantiers à mettre en œuvre avant l’automne. "Il est urgent d’accélérer les procédures", estime Erick Fontaine. "Nous réclamons aussi la mise en place d’un comité de suivi, pour l’avancement de tous les dossiers". Plus de transparence donc, et de réactivité.

mm/www.ipreunion.com

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1 Commentaires
Tambi
Tambi
5 ans

Moi et ma famille sommes dans une situation angoissante telle que décrite ci-dessus.La case familiale à été détruite en zone RHI à St Leu et notre mère décédée entre-temps n'a pas vu la reconstruction du nouveau logement promis..Notre frère âgé et à l'AAH se morfond toujours dans un logement transit depuis 2014, en dépit des promesses de l'opérateur..Merci qui ? Merci la Sidr et Bourbon Bois...