
Les rétentions de migrants augmentent en France, et Mayotte est tristement championne dans ce domaine, selon un nouveau rapport, rédigé par 6 associations sur les conditions d'enfermement des migrants. Plus de 45.000 personnes ont été placées, en tout, dans des lieux de rétention administrative en 2018, dont 18.697 en outre-mer. Ces chiffres se basent sur les CRA de Guyane, de Guadeloupe et de Mayotte.
Celui de La Réunion à Sainte-Clotilde, qui ne contient que 6 places, est fermé depuis 4 ans en raison de travaux de remise en normes. En attendant, un local de rétention administrative a été créé fin 2015. Selon les associations autrices du rapport, "il aurait pourtant été préférable et cohérent de fermer définitivement ce centre qui n’est que très peu utilisé".
Un LRA (local de rétention administrative) se situe à Saint-Denis. 18 personnes y ont été enfermées en 2018, et parmi elles six naufragés d’origine sri-lankaise.
Mayotte représente 36% des rétentions nationales
Parmi les territoires d’outre-mer c’est bien Mayotte qui se démarque. Avec 16.496 personnes "retenues", l’île représente à elle seule 36% du total national. La deuxième place est loin derrière, à Paris-Vincennes, avec 4.504 migrants.
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La politique d’enfermement et d’expulsion est "à son paroxysme dans ce département", dénoncent les associations. Malgré une très forte dénonciation de l’enfermement des mineurs en CRA, et les 5 condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le centre de Mayotte détient le plus grand nombre d’enfants placés en rétention administrative. 1221 enfants ont été enfermés l'année dernière, contre 208 en métropole.
La durée, en moyenne, d’un placement au centre de rétention pour les personnes de nationalité comorienne est de 17 heures. Un éloignement vers l’Union des Comores est organisé chaque jour, vers midi.
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Les personnes comoriennes retenues ne disposent que d’une matinée pour rencontrer les juristes des associations ou pour contacter un avocat. L’accès à l’aide juridique est d’autant plus mis à mal que les migrants ne peuvent téléphoner depuis les zones du CRA. Le droit au crédit téléphonique de 5 euros est garanti par le règlement intérieur du centre, mais il n’est toujours pas mis en place.
Les préfectures d’outre-mer directement visées
Les associations pointent du doigt la gestion des expulsions en outre-mer. "Les expulsions continuent de pouvoir être exécutées sans attendre que le juge saisi en ait vérifié la légalité." Depuis la réforme de 2016, ce caractère suspensif a été reconnu en outre-mer pour le référé-liberté, mais il est souvent difficile à prouver au vu des délais d’expulsion. Selon le rapport, "les préfectures d’outre-mer refusent toujours d’appliquer pleinement l’effet suspensif de ce recours à compter de son dépôt".
Notons aussi un accès aux droits limité. L’enfermement est court et se déroule parfois seulement la nuit. C’est particulièrement le cas à Mayotte où cet enfermement nocturne concerne la majorité des personnes.
La France dans le collimateur
La loi Asile immigration votée l’année dernière et entrée en vigueur au 1er janvier dernier allonge la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours. Selon les associations, "aucun gouvernement français n’avait jusque-là proposé une telle durée de privation de liberté pour tenter d’éloigner des personnes étrangères".
De façon générale, ce rapport dénonce des placements au détriment de toute considération humanitaire. Il s’agit souvent de familles entières. "Nos associations ont ainsi constaté les conséquences inquiétantes de ce durcissement à travers l’angoisse des personnes enfermées, des automutilations, des grèves de la faim, des tentatives de suicide et le décès d’une personne par pendaison", lit-on dans le document.
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L'usage de la rétention par les préfectures est "quasi systématique", sans étudier les situations personnelles des migrants, qui viennent parfois de pays en crise présentant de réels dangers.
Quant à l’accès aux soins, il n’est pas toujours assuré. Un point qui fut largement abordé par la Cimade, association pleinement investie lors de l’arrivée du dernier bateau de migrants à La Réunion le 13 avril 2019.
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Depuis 2012, la France été condamnée à six reprises par la Cour européenne des droits de l'homme. Il était à chaque fois question d'enfants placés en rétention avec leurs parents, dans l'attente d'une expulsion.
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