Facebook à la conquête du monde financier

Libra, la nouvelle monnaie virtuelle qui inquiète les gouvernements

  • Publié le 24 juin 2019 à 05:37
  • Actualisé le 24 juin 2019 à 07:11

Vous en avez sans doute entendu parler : Facebook lance sa nouvelle monnaie virtuelle. Appelée "Libra", elle devrait servir à effectuer des transactions, à savoir envoyer de l'argent, sans frais, via internet, mais également régler certains commerçants en ligne. Comment ça marche ? Et surtout quels sont les risques ? Les banques sont inquiètes, et les réactions ne se font pas attendre, le Crédit mutuel par exemple appelle déjà les Etats à s'opposer fermement à cette cryptomonnaie. Le ministre de l'Economie, lui, met en garde Facebook. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

  • Libra, c'est quoi ?

Le projet Libra verra le jour au premier semestre 2020. Premier objectif de cette cryptomonnaie : s’envoyer des fonds entre internautes. Aucune limite de montant n'a encore été spécifiée... On pourra également, en fonction des commerçants partenaires, payer en ligne grâce à cette monnaie. Tout se passera via les plateformes Facebook. Ce sera donc le cas sur WhatsApp et Messenger. Une application autonome sera également dédiée sur iOS et Android, développée par Facebook. Comme Lydia ou d'autres applications du même genre, elle permettra de recevoir et envoyer des fonds. Appelée "Calibra", elle pourra s'utiliser sans compte Facebook.

Comment s'est organisé le réseau social ? C'est simple, Facebook s’est associé à 27 entreprises internationales, pour créer une association à but non lucratif – Libra – qui chapeautera cette monnaie depuis Genève. Plusieurs grands noms de l'économie mondiale ont rejoint le projet, comme Spotify, eBay, Uber... ainsi que plusieurs spécialistes du paiement, comme Paypal.

Facebook dit espérer une centaine de partenaires avant le lancement officiel de la cryptomonnaie en 2020. Mais chacun devra investir 10 millions de dollars minimum. C'est ce qui constituera un fond de départ, avec des monnaies réelles. C'est l'association Libra qui se chargera ensuite de convertir ce fond en cryptomonnaie (monnaie virtuelle).

  • Qui serait client ?

Facebook a des arguments de taille, notamment 2 milliards d'utilisateurs. Le réseau social assure que les transactions seront immédiates et quasiment gratuites. Bien entendu, il veut rassurer aussi ses potentiels clients en garantissant une vraie "stabilité" de cette cryptomonnaie, tout en assurant également que les transactions seront simplifiées au maximum par la création d'une application dédiée.

Les achats en ligne ont la cote, notamment à La Réunion. Selon une récente étude menée par la Région, 70% des internautes ont déjà acheté en ligne, dont 86% sur ordinateur et 33% sur smartphone. Ce sont surtout les vêtements et les chaussures qui sont commandés sur internet. Plus récemment, l'Insee remarque quand même que les habitants de La Réunion achètent moins en ligne que ceux de Métropole. Les délais de livraison sont trop longs notamment... Le commerce en ligne est donc peu développé en Outre-mer comparé à l'Hexagone, mais les achats en ligne existent malgré tout. À La Réunion, 35% des personnes ont fait un achat sur internet au cours des douze derniers mois. Il y a donc un marché.

  • Quel est le risque ?

Sur le plan de la protection des données, cette nouvelle monnaie pose question. Facebook assure bien entendu que les données financières seront séparées de celles du réseau social et que les utilisateurs seront protégés. Mais les critiques fusent de toute part. Le réseau social pourrait avoir accès à une quantité d’informations sur les comportements d’achat des utilisateurs. Voire même sur leur niveau de ressources.

Il y a de fortes chances pour que Facebook engrange beaucoup d'argent avec cette nouvelle cryptomonnaie, grâce à une hausse du trafic sur le réseau. Et il n'y aura sans doute aucune surveillance particulière sur l'association et la gestion de Libra.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire lui-même a mis en garde Facebook et s'est dit inquiet en refusant la mise en place d'une "monnaie souveraine".

 

 

Autre risque non négligeable : l'inflation. Car, puisqu'elle est virtuelle, cette monnaie échappera complètement à la surveillance des banques centrales, qui ont pour mission de contrôler le volume de la masse monétaire en circulation. Normalement, les banques centrales ajustent leurs taux en fonction de la consommation des ménages. Si beaucoup d'argent circule, elles peuvent augmenter les taux pour ralentir la consommation et baisser le risque d'inflation. S'il y a au contraire elles constaent trop de monnaies en circulation, les banques centrales vont diminuer les taux pour relancer le crédit et accélérer la croissance.

Or tout ceci n’est possible que si les banques connaissent le volume de la masse monétaire par le biais des banques qui donnent les chiffres. La monnaie de Facebook, elle, ne serait pas comptabilisée. Résultat : aucun contrôle possible de l’évolution de la masse monétaire en circulation, ce qui représente un réel danger pour le suivi des monnaies réelles, et l'évolution des taux.

  • Qui s'y oppose ?

Le président du Crédit Mutuel appelle les États à s'opposer à la cryptomonnaie Facebook. Les gouvernements et les banques centrales de la planète doivent faire barrage au projet de monnaie virtuelle, selon lui. Car le système financier mondial pourrait être perturbé.

 

 

Attention à l'illusion de la simplicité technologique, préviennent les banques. Car derrière, se cachent bien entendu des intentions de profit de la part de ces grandes multinationales.

La monnaie Libra serait donc une façon de concurrencer les banques, concurrencer les Etats et leurs monnaies réelles, tout en ayant accès à une très vaste base de données virtuelle.

La cryptomonnaie est une mode depuis quelques années. Le bitcoin est bien sûr la plus célèbre d'entre elles. Pour l'instant il s'agit surtout d'investir, et de spéculer, sans utiliser cette monnaie pour effectuer des achats, puisque les frais sont élevés. Ici Facebook garantit une absence de frais, et une simplification des démarches. La concurrence n'est donc pas très forte : le réseau social est plutôt tranquille. Et c'est bien ce qui inquiète les Etats.

mm/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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