Et si c'était la fin ?

Filière canne-sucre: un modèle économique à bout de souffle

  • Publié le 23 juillet 2019 à 15:13
  • Actualisé le 23 juillet 2019 à 16:13

Il aura suffi d'une phrase de la ministre des Outre-mer pour mettre le feu aux poudres. Mi-juin dernier, Annick Girardin, avait indiqué que la reconduction de l'aide à la filière canne n'était pas garantie. S'en est suivi un long mois de tergiversations, d'atermoiements, d'incertitude où la ministre semblait jouer la montre. Les acteurs de la filière, élus et parlementaires sont montés au créneau, agitant l'épouvantail de la mort de la filière canne-sucre. En même temps, au coeur du débat, il était question d'une enveloppe de 28 millions d'euros... Au final, l'aide nationale est maintenue et sera répartie sur trois ans. Cela repousse donc le problème à 2021... Car la vraie question, c'est après, on fait quoi ?

Ça se joue sur le long terme

Il faut être lucide, le modèle économique de la filière canne-sucre tel qu’on le connaît aujourd’hui est à bout de souffle. Longtemps sous perfusion de subventions européennes, il (sur)vit maintenant aux crochets de l’État. Pour compenser la fin des quotas sucriers en octobre 2017, Emmanuel Macron fraîchement élu et en opération séduction dans les territoires ultramarins avait promis une aide nationale, cette fameuse enveloppe, mais pas fou, son engagement avait une durée limitée, le temps de voir venir...

Déjà trop tard ?

Mais 2021, c’est demain et force est de constater que rien n’est prêt. Le modèle économique de la filière canne-sucre est le même qu’il y a cinquante ans mais la conjoncture n’a plus rien à voir. Protégé jusqu’en octobre 2017, à la fin des quotas, les prix du sucre de canne se sont effondrés. Car en face, la concurrence est âpre, l’Inde, le Brésil, la Chine, la Thaïlande ont déferlé sur le marché, le cours du sucre a chuté. Les géants du secteur y ont laissé leur chemise.

Aujourd’hui, le sucre de canne n’est plus considéré comme un investissement sûr et rentable. D’ailleurs, au moment où le doute planait sur la reconduction de l’aide nationale, le groupe Tereos, seul industriel implanté à La Réunion, n’a pas hésité à dévoiler sa stratégie: en cas de non reconduction, il quitterait La Réunion. Simple chantage ou réalité ? Quoi qu’il en soit, cette annonce a fait l’effet d’une douche froide pour les agriculteurs. Un réveil brutal. 


Car cette aide ne sera reconduite que pour trois ans. Du très court terme. Après cela, Tereos pourrait bien retirer ses billes et pas sûr que ça se bouscule au portillon pour prendre la suite…

Un manque d'anticipation

Et aujourd’hui, personne n’a les outils ou la solution miracle pour faire face. La canne est le fleuron de l’agriculture réunionnaise. Un pan de notre patrimoine, un héritage, une histoire, un savoir-faire. La Réunion s’est construite en partie autour de cette culture mais aujourd’hui, elle pourrait bien disparaitre, par manque d’anticipation, manque de volonté ou d'actions fortes. Des lanceurs d’alerte s’époumonent depuis plusieurs années mais les acteurs de la filière ont préféré ne pas écouter, se berçant d’illusions.

Des alternatives solides ? 

Plusieurs pistes ont été évoquées, la filière canne-énergie pour tendre à l’autosuffisance énergétique mais aujourd’hui, l’énergie produite avec la bagasse ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan de la consommation des Réunionnais…  La piste de la diversification des cultures pour en arriver à l’autosuffisance alimentaire est aussi dans les tuyaux mais cela prend du temps et nécessite un changement radical dans la manière de consommer des Réunionnais car à l’heure actuelle, on produit beaucoup à La Réunion mais ce qui manque, ce sont les gros volumes d’importation.

De plus, se diversifier prend du temps et à un coût. Du temps et de l’argent, à trois ans de la fin de l’aide nationale, c’est justement tout ce qui manque…

Tout miser sur la jeunesse

La seule note positive dans tout ce pessimisme, c’est sans doute la fougue de la jeunesse. Motivée, formée et déterminée, elle pense que tout est encore possible, que la cette filière canne-sucre peut survivre en changeant radicalement de modèle économique. Les jeunes veulent tenir les rênes, être maîtres de leur destin. L’idée, c’est de se regrouper en coopératives, car à plusieurs, on est plus forts. On tient peut-être là, la solution pour préserver la canne réunionnaise. 

Mais là encore, cela prend du temps… En 2021, à la fin des aides nationales, il se pourrait que la filière canne-sucre traverse une période sombre, une période de flottement car personne n’est prêt pour faire face… Mais on peut, raisonnablement penser que la filière se relèvera comme elle l’a toujours fait à travers les âges car La Réunion sans cannes à sucre n’est pas vraiment La Réunion.

fh/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
GERARD97460
GERARD97460
4 ans

Cette culture aurait du être abandonnée depuis fort longtemps car elle n'est plus rentable depuis longtemps déjà, elle aurait du être abandonné lors de la fermeture de l'usine BAGAPAN en 1984.Comment la Réunion pourrait se mettre au niveau du Brésil qui ont des plantations de canne à sucre beaucoup plus importante que la Réunion sur des surfaces cultivées représentant plus de 10 419 678 Ha et plus de 768 090 444 tonnes de sucre sans compter 27,7 milliards de litres d'éthanol pour faire fonctionner les voitures de ce pays ou le diesel est interdit.La Réunion devrait se lancer dans une toute autre culture pour nourrir sa population et cela aurait du être fait depuis longtemps, maintenant il faut juste assumer votre connerie en cultivant quelque chose de totalement subventionnée par l'état, surtout que cela ne représente presque rien pour notre île question de recette financière..Il faut vous refaire rapidement en plantant autre chose pour que vous vous en sortez financièrement sans aucune aide de l'état ou de l'EUROPE, il ne faut plus compter là dessus.

Rata
Rata
4 ans

Si le modèle coopératif fonctionnait ça se saurait. Dans le fruit et légumes les grande coopérative de la place sont aussi elles qui importent... et écrase leur coopérateurs. Si a plusieurs ont est plus forts pourquoi ne pas bloquer les importations massive de carottes/oignons/pomme de terre/oignons et ail quand l'île est à son pic de production? Pourquoi de pas imposer un octroi de mer important à ces périodes? Cela permettrait garantir un prix convenable aux producteurs et favoriserai l'implantation de nouveaux ha de production pays. Mais rien dans les discours des politiques ni des syndicats.