Harcèlement de rue, culture du viol, sexisme ordinaire

"Té Madmoizel" pour libérer la parole des femmes réunionnaises

  • Publié le 28 janvier 2020 à 02:59
  • Actualisé le 28 janvier 2020 à 06:54

Inspiré du tumblr "Paye ta shneck" , "Té Madmoizel" c'est une page Facebook et un compte Instagram qui donnent la parole aux femmes réunionnaises. La possibilité pour des milliers d'entre elles de s'épancher, de s'abandonner, de lâcher prise, de livrer des témoignages souvent effarants de leur quotidien. Du sexisme ordinaire, en passant par le harcèlement de rue, les agressions sexuelles et la culture du viol. Mis en ligne le 12 janvier dernier "Té Madmoizel" rassemble déjà une vingtaine de témoignages crus, nauséabonds, sans fard pour mettre en lumière des sujets dont on parle... mais pas assez.

C’est une réalité que certains éludent, minimisent ou raillent, pourtant, dans l’espace public, dans leur vie privée ou sur leur lieu de travail, les femmes, sont souvent victimes de phrases, de gestes déplacés et parfois, ça va plus loin, d'agressions sexuelles ou de viols. C’est cette réalité indéniable qui a poussé la créatrice de "Té Madmoizel" à donner la parole à ces femmes "autour de moi, je ne connais pas de femme qui n’ait pas subi au moins l’une de ces agressions, peu importe l’âge, le milieu social, la culture…" explique celle que nous appellerons Lilia.   

Elle admet ne pas être féministe mais la jeune femme d’une trentaine d’années est sensibilisée à la question "je ne suis pas une militante mais c’est une actualité que je suis de près, je partage énormément d’articles sur le sujet sur mes réseaux sociaux". Puis est venue l’envie d’en faire plus "à La Réunion, on a loupé le coche, on est en retard, "Paye ta sneck" est sorti en 2012, il y a eu les mouvements "Mee too", "Balance ton porc"… la caisse de résonnance à La Réunion a été quasi inexistante. Je me suis dit que j’allais amener ma petite pierre à l’édifice à l’échelle de La Réunion."

"Té Madmoizel" est né un soir, lancé un peu à la légère. Les témoignages ont commencé à arriver "ça a mis en lumière une réalité violente, on va du harcèlement au viol. Les situations décrites sont choquantes et l’âge des victimes l’est aussi, des jeunes femmes de 13 ou 14 ans… Ce qui revient souvent, c’est la confrontation avec un exhibitionniste souvent à la plage, c’est dur et brutal" détaille Lilia.

La trentenaire espère réussir à libérer la parole des femmes réunionnaises "sur l’île, on parle beaucoup de féminicides, de violences intrafamiliales qui sont des fléaux et c’est très important de le faire. Mais on a un peu oublié le reste." Un espace sûr pour que les femmes puissent se raconter, pour certaines, c’est une planche de salut "j’ai l’impression qu’à La Réunion, on s’est habitué à ça, on est résigné, un sentiment d’impuissance face à la situation. " plaide Lilia avant d’ajouter " une fois leur témoignage publié, la première chose que ces femmes me disent, c’est ‘merci’."  Des victimes qui se sentent moins seules et qui avaient besoin de parler de ce qu’elles ont vécu.

Lilia espère aussi que "Té Madmoizel" permettra de lancer la conversation notamment auprès des jeunes. C’est à l’adolescence que la construction femme-homme se fait, c’est à cet âge là qu’il faut sensibiliser les marmailles notamment les garçons "il faut que la gente masculine soit un allié, ces jeunes hommes doivent prendre conscience que ces comportements sont inappropriés et créent un traumatisme chez les victimes" termine Lilia.

La jeune femme a reçu une vingtaine de témoignages qu’elle publie tel quel, parfois avec des prénoms d’emprunt pour les victimes qui le désirent. Sous chaque témoignage, il est rappelé que ces actes sont punis par la loi. Elle, son nom, elle a choisi de ne pas le dévoiler pour ne pas subir de représailles, de menace ou même d’agression comme cela a pu arriver à bon nombre de femme derrière ce genre d’initiative.

Lilia n’écarte pas l’hypothèse de créer une association si "Té Madmoizel" prend plus d’ampleur, elle admet être déjà un peu dépassée par l’engouement autour de sa page Facebook et de son compte Instagram.

fh / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com 

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