Des restes mineurs de la pollution pourraient arriver à La Réunion

Marée noire : la menace plane sur récif corallien de Maurice

  • Publié le 28 août 2020 à 11:14
  • Actualisé le 28 août 2020 à 11:20

Un mois après l'échouage du Wakashio dans les eaux mauriciennes, des experts ont évalué l'impact de la marée noire sur sur les coraux de l'île. S'ils estiment l'impact direct limité, ils préviennent de conséquences plus graves dans les semaines et mois à venir. Une évaluation corroborée par Pascale Chabanet, directrice de recherches à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) de La Réunion, explique pour Imaz Press les conséquences possibles de la marée noire pour lé récif corallien de Maurice.

Les experts japonais dépêchés sur l'épave du Wakashio ont estimé, ce mardi 25 août 2020, que les coraux de Maurice n'ont pas été directement endommagés par la marée noire provoquée par le naufrage du vraquier. Après l’examen d’une douzaine de zones sous-marines à 800 mètres au nord-ouest de l'épave, ils ont cependant conclu que les coraux et les mangroves sont menacés à long terme.

Pour rappel, le Wakashio, exploité par la compagnie japonaise Mitsui OSK Lines, avait heurté un récif de l’Île Maurice, le 25 juillet dernier. L'épave s'est brisée en deux, trois semaines plus tard, après une course contre la montre pour pomper le carburant qu'elle contenait encore. Le navire a laissé échapper au moins 1.000 tonnes d’hydrocarbures de ses flancs, qui ont souillé les côtes, notamment des espaces protégés abritant des forêts de mangrove et des espèces menacées.

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“Pour l’instant, les hydrocarbures sont en majorité la nappe en surface”, confirme Pascale Chabanet, directrice de recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de La Réunion. “Il n’y a pas eu encore de grandes marées. Avec les grandes marées d’équinoxe en septembre, les nappes d’hydrocarbures pourraient toucher le corail. Il ne résisterait pas à cette pollution.”

- Des dégâts immédiats limités mais des conséqences à long terme -

Sans même toucher les coraux, les nappes à la surface pourraient, avec les marées, bloquer les rayons de soleil nécessaires à leur survie “Les coraux ont besoin de soleil pour faire leur photosynthèse, parce que ce sont des organismes qui vivent en symbiose avec des algues. Si les nappes sont trop importantes, ils ne pourront pas capturer les rayons de soleil”, explique la chercheuse.

Les experts japonais dépêchés sur place ont expliqué ne pas avoir découvert de dommages sur les fonds marins et leurs récifs coralliens. La plus longue partie de l'épave, débarrassée des hydrocarbures et débris présents, a été coulée lundi à grande profondeur au large, selon les autorités. Le reste du navire reste, en revanche, échoué sur le lieu du naufrage.

Une constatation logique pour Pascale Chabanet. “Aujourd’hui, on ne voit peut-être pas les effets directs sur le corail, parce que les nappes flottent en surface. Les effets directs sont l’impact du cargo qui a cassé le corail sur la zone, tous les cordage pour limiter la dispersion des hydrocarbures qui doivent être pris dans le corail. Tout cela s’accroche et détruit”, indique-t-elle.

Les experts japonais ont par ailleurs noté que de minuscules débris de l’épave tombaient dans la mer, l'ensemble oscillant au gré des vagues sur le récif. Pascale Chabanet y voit même un risque pour la faune. “Le cargo va se démanteler, il va y avoir des morceaux qui vont aller partout. Des éléments toxiques, que les poissons ingèrent de manière accidentelle, peuvent entrer dans la chaîne alimentaire.”

La situation présent un véritable casse-tête pour les autorité mauriciennes, puisque selon les experts japonais, les initiatives pour retirer les particules du vraquier tombées dans l'eau risqueraient par ailleurs d'abîmer le corail. Pour eux, la meilleure option serait de retirer la partie restante de l'épave du récif.

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- Les conséquences d'un récif corallien endommagé - 

Il est d’abord important de mentionner que le corail est à la base de l’écosystème. S’il est endommagé, toute la biodiversité de la zone en ressent l’impact. Mais au-delà de cela, ce sont les services, dits écosystémiques, qui en payent le plus lourd tribut.

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Les services écosystémiques sont les avantages qu’apporte la nature à une société. Il y a d’abord les services d'approvisionnement, une source de revenus associée à la biodiversité et à la pêche. Ensuite les services de régulation d’une barrière de corail, qui protège les côtes lors d’un tsunami et les coques des bateaux de l’érosion des vagues.

“On parle beaucoup du changement climatique et de l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère. Le corail permet d’atténuer les effets du changement climatique en absorbant le carbone de l’air”, ajoute Pascale Chabanet.

Enfin, les service culturels liés au récif corallien sont menacés. Il s’agit des aménités et tous les aspects récréatifs agréable pour l’Homme. Les eaux cristallines de Maurice qui attiraient de nombreux touristes avant la pandémie de coronavirus sont effectivement moins attrayantes avec des nappes de fioul.

La menace est d’autant plus réelle que l’été austral et les fortes hausses de températures arriveront dans les prochains mois. Les coraux, en phase de rémission de la marée noire, subiront une nouvelle agression.

“Le problème est que le récif est aujourd'hui plus vulnérable et que d’autres événements peuvent l’impacter dans les mois à venir. Si vous laissez un écosystème se restaurer, il a des capacités de résistance et de résilience. Avec une augmentation forte de température, les récifs on de plus en plus de mal à résister”, précise la directrice de l'IRD. “Ils sont très vulnérables à cause du changement climatique et des pressions humaines.”

- "On pourrait avoir des restes de pollution sur l'île" -

Quelles conséquence donc pour La Réunion ? “Je ne pense pas que ça impactera nos récifs”, présume Pascal Chabanet, expliquant toutefois que des résidus de la marée noire pourraient arriver sur l’île dans les prochaines semaines.

Une hypothèse fondée sur une ancienne étude montrant que des oeufs de poissons pondus à Maurice pouvaient atteindre La Réunion en 45 jours.

“C’est difficile de comparer des larves de poissons à des nappes d’hydrocarbures, mais La Réunion est en face de Maurice dans le sens du courant sud équatorial. Si les nappes d’hydrocarbures étaient à La Réunion, ça aurait été plus difficile d’atteindre Maurice. Dans ce sens-là, il y a une courantologie favorable”, expose-t-elle. “Même si elle sera minimisé par cette traversée, on pourrait avoir des restes de cette pollution sur l’île, en forme de petites boulettes.”

Cela dépendra de plusieurs éléments, au premier lieu desquels le temps, les conditions météorologiques, et la gestion du reste de l'épave par les autorités mauriciennes. 

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