Déjà 1.300 étudiants de plus que l'année dernière

Boum d'inscriptions à l'université : la rentrée de tous les défis

  • Publié le 8 septembre 2020 à 15:06
  • Actualisé le 8 septembre 2020 à 15:07

À deux semaines de la fin des inscriptions, l'Université de La Réunion compte déjà plus de 1.300 étudiants supplémentaires par rapport à l'année dernière. Une hausse record directement imputable au fort taux de réussite au baccalauréat et à la crise sanitaire incitant les néo-bacheliers à rester sur l'île. Les cours en distanciel permettent pour le moment de compenser les conséquences de cette hausse des effectifs, tant pour les étudiants que pour les enseignants. Mais à terme, les professeurs pourraient ne pas être assez nombreux. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Jamais l'Université de La Réunion n'a eu autant d'étudiants inscrits que pour cette année scolaire 2020-2021. Mais au-delà de la hausse, normale et attendue au vu des caractéristiques démographiques de l’île, c’est son intensité qui est à souligner. L’Université compte d’ores et déjà 1.300 étudiants de plus que l’année précédente, alors que la période d’inscription ne prendra fin que le 21 septembre.

“On risque de s’acheminer vers une augmentation qui va dépasser les 1.500, ce qui est énorme pour l’établissement. Nous avons quatre années d'augmentation en une”, expliquait le président de l’université Frédéric Miranville, lors d’un point presse de rentrée lundi 31 août. “Les filières les plus concernées par cette hausse sont les filières de Lettres et Sciences Humaines, de Droit et d'économie et de Santé.”

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Derrière cette augmentation soudaine, les effets de la crise sanitaire : d’abord, la validation des épreuves du bac par le biais du contrôle continu et le fort taux de réussite en découlant ; ensuite, la situation sanitaire poussant les étudiants à rester à La Réunion plutôt qu’étudier en mobilité.

“Pour nous, ce n’est pas un problème. Nous sommes contents que les élèves s’inscrivent et puissent poursuivre leurs études”, se félicite Joël de Palmas, secrétaire général adjoint de la CGTR Educ'Action. “À l’Université de trouver les moyens et les locaux.”

- Le recrutement d’enseignants “un peu prématuré” -

Devant une telle hausse des effectifs, la question du recrutement de nouveaux enseignants se pose logiquement. “À situation exceptionnelle, mesure exceptionnel, il faut recruter des profs. Il y a la possibilité de le faire, c’est une question de volonté politique”, affirme Katell Louarn, secrétaire départementale du SNUDI-FO.

Et Samantha Pothin, présidente de l'UNEF (Union nationale des étudiants de France) Réunion, d’abonder en son sens : “on n’a pas arrêté de dire ces dernières années qu’il y avait un manque de professeurs. On est la seule université française et européenne de l’océan indien, on a un taux d’attractivité qui est très fort. Cette année, on le ressent beaucoup parce qu’on une augmentation très importante sur le site de l’Université. On peut considérer ça comme la rentrée de tous les défis.”

En revanche, pour Jean-Marc Rizzo, doyen de l’UFR droit et économie, la situation actuelle ne nécessite pas de recrutement massif dans l’immédiat. “Quand on a des besoins subits comme ça, on complète avec des contractuels. C’est comme ça qu’on fera s’il s’avère qu’on a des besoins, c’est la solution à court terme. La solution de moyen terme c’est effectivement d’embaucher des titulaires, mais pour cela il faut des postes. C’est un peu prématuré pour le moment.”

Même pour sa faculté, l’une où la hausse d’étudiants et la plus importante, la question n’est pas encore d’actualité, du fait des cours hybrides et en distanciel. “Ça pose un problème si on veut accueillir tous les étudiants en présentiel. Il faudrait démultiplier les cours, mais on ne peut pas le faire parce qu’on n’a pas suffisamment d’amphithéâtre. Si on avait pu, on aurait fait les cours en deux ou trois exemplaires, et il aurait fallu des enseignants. Mais le problème ne se pose pas.”

Frédéric Miranville indique que "même si nous allons pouvoir faire face à cet afflux plus important d'étudiants, j'ai prévu de solliciter le Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, afin de bénéficier d'un accompagnement renforcé en moyens."

- Enseignement hybride, changement total -

Le nombre de places en présentiel étant réduit de moitié pour satisfaire les mesures de distanciation sociale, les capacités d’accueil de l’établissement sont, en effet, tout aussi inédites que le nombre d’étudiants.

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Ainsi, l’université a mis en place un enseignement hybride mêlant présentiel et distanciel. “La seule solution” pour Frédéric Miranville, “les murs n’étant pas extensibles”. Certains cours sont enregistrés et mis en ligne, d’autres sont délivrés via les applications de visioconférence. Une gymnastique loin d’être évidente, à plus d'un titre.

“Clairement, ça change les choses” décrit Jean-Marc Rizzo. “Depuis la rentrée, on a trois façons d’enseigner : le tout présentiel, où les étudiants sont face à nous dans des conditions presque normales, le cours en hybride, qui se met en place tout doucement parce qu’il fallait le matériel et que les enseignants soient formés, et le tout distanciel. Ce n’est plus du tout le même rapport, l’interaction n’est plus la même.”

Joël de Palmas, lui, prévient des soucis logistiques que peuvent rencontrer les étudiants : “c'est au niveau de la conception des emplois du temps qu’il faut être vigilant. Si l’élève doit rester chez lui une demi-journée parce qu’il sait qu’il a des cours en distanciel, c’est faisable. S’il doit se déplacer pour finalement avoir une heure en présentiel, la suivante en distanciel etc... ça peut poser problème.”

- Accompagner les étudiants de première année -

Une semaine après la rentrée, Samantha Pothin tire un premier bilan : “on a des liens Zoom qui parfois ne fonctionnent pas. Il faut aussi avoir à l’esprit que des étudiants sont en rupture numérique, n’ont pas d’ordinateur ou pas internet à la maison. Des ordinateurs sont mis à disposition par l’Université, mais il ne faut pas s’arrêter là, il ne faut pas que ça pénalise les étudiants.”

Frédéric Miranville rappelle que l'université a établi un partenariat avec les collectivités territoriales et un fournisseur d'accès internet, pendant le confinement, afin de mettre des ordinateurs et des forfaits internet à disposition des étudiants en situation de fracture numérique. “Aujourd'hui, nous comptons poursuivre cette offre, avec la possiblilité pour les étudiants d'emprunter un ordinateur connecté comme ils empruntent un ouvrage au centre de documentation. Les modalités seront validées au prochain conseil d'administration et permettront de valider un formulaire pour le prêt d'ordinateurs, avec une priorité aux étudiants boursiers.”

“Par ailleurs”, poursuit-il, “depuis le début du mois, nos bibliothèques universitaires ont rouvert leurs portes. Bénéficiant d'horaires de grande amplitude et de bornes wifi en fonction, elle permettent de pouvoir se connecter dans des conditions propices au cadre d'étude.”

L"UNEF préconise, elle, une priorisation des étudiants de première année, pour éviter qu’ils se retrouvent livrés à eux-mêmes pendant cette période de transition. “Les néo-bacheliers découvrent un nouvel environnement, avec une nouvelle organisation et un nouveau mode d’apprentissage. C’est important de les accompagner.”

Deuxième solution, la généralisation du dédoublement déjà en vigueur dans les filières de droit, AES (Administration économique et sociale) et STAPS. “Nous sommes conscients qu’on ne peut pas pousser les murs de l’Université. Il doit y avoir une vraie optimisation des moyens. Il faut que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche entende qu’il y a une vraie tension aujourd’hui”, note Samantha Pothin.

Même avec le dédoublement, les filières aux effectifs étudiants les plus importants font face à des difficultés. En STAPS, les étudiants de M2 le souhaitant ne peuvent par exemple plus assister aux cours de préparation au concours de l'enseignement, comme c'était le cas aupravant.

“L'offre de formation est nouvelle cette année et il est important que les étudiants prennent de nouveaux repères pour mieux cerner le nouveau périmètre des formations proposées. Les équipes pédagogiques sont aussi à l'écoute des besoins des étudiants et en mesure de les orienter dans le cadre d'une offre de formation modulaire, organisée en parcours et permettant de multiples possibilités”, se défend le président de l'université. 

Une autre conséquence fortuite est l'augmentation à prévoir du taux d'échec. “En général ce qu’il se passe, c’est que le surcroît d’étudiants sont des gens plutôt surpris d’avoir eu le bac ou qui n’étaient peut-être pas très décidés sur leur futur. Dans ce cas, ils choisissent des filières pluri-disciplinaires comme l’AES et les sciences sociales”, explique Jean-Marc Rizzo.

“Ce sont aussi des filières où on a rapidement un taux de déperdition très fort, où beaucoup vont renoncer. Malheureusement, on risque d'avoir encore plus de déperdition parce que ceux qui se sont inscrits ne sont peut-être pas les plus motivés à rester.”

aa / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
Stean
Stean
3 ans

Et un boom attendu en juin de recalés de première année!

la vérité si je mens !
la vérité si je mens !
3 ans

Avec un Bac COVID-19 , tous les dangers sont permis