Une crise qui dure (actualisé)

Plus de 100.000 personnes mal logées à La Réunion

  • Publié le 2 juin 2021 à 15:24

Dans son nouveau rapport régional, la Fondation Abbé Pierre estime que plus de 100.000 personnes sont mal logées à La Réunion. Près de 3 Réunionnais sur 10 sont touchés de près ou de loin par la crise du logement. Une problématique d'autant plus cruciale dans ce contexte de crise sanitaire. (Photo photo imazpress.com)

Cette année, la Fondation Abbé Pierre consacre une partie de son bilan à la lutte contre l'habitat indigne. "Selon l'Observatoire réunionnais de l'habitat indigne, près de 18.000 bâtis sont recensés comme tels sur l'île" indique la Fondation Abbé Pierre. "Or, les actions déployées par les acteurs réunionnais ne sont pas suffisantes pour couvrir l'ensemble des besoins. Les personnes impactées finissent par être épuisées, moralement et physiquement, au point de s'isoler socialement faute de pouvoir accueillir des proches dans un logement digne" ajoute la Fondation.

"Sans compter les aides communales à l’amélioration, et en restant large dans les estimations, on peut estimer qu’à travers ces aides ou procédures, ce sont environ 2.450 logements qui sont améliorés ou sortis de l’indignité chaque année (dans le parc privé)" continue-t-elle. L’action publique reste donc bien en deçà des besoins identifiés. De nombreux ménages font état de problématiques de confort (humidité, chaleur, dégradation, etc.)Les moyens disponibles ne sont pas à la hauteur des besoins, tant pour résorber ces situations (réhabilitation du parc de logements sociaux, amélioration de l’habitat dans le parc privé), que pour accompagner les ménages vers la sortie de l’indignité (amélioration des outils de repérage, de suivi et d’accompagnement des ménages).

D'après la fondation, les actions prises s’inscrivent dans le long terme et ne parviennent pas à sortir "rapidement" les logements des mauvaises conditions d’habitat : sur les trois intercommunalités concernées par les enquêtes (CIVIS, CIREST, TCO), entre 54% et 71% des bâtis identifiés comme indignes en 2016 étaient déjà identifiés 8 ans plus tôt (soit 8 220 bâtis).

Double conséquence : un certain nombre de ménages vivent durablement dans de mauvaises conditions, et le parc insalubre perdure en logeant les plus précaires à un moment de leur parcours résidentiel. En  rapportant le chiffre des bâtis améliorés/sortant de l’indignité par année à celui des bâtis repérés  comme indignes, il faudrait plus de sept ans pour améliorer et/ou résorber les habitats indignes sur le territoire.'

- Plan d'action -

L'occasion de préconiser un plan d'action "objectif 0 (habitat indigne) en 10 ans avec quatre axes qui se déclinent en 23 préconisations concrètes et opérationnelles" :

- Fixer des objectifs de résultat pour l'Etat et les collectivités territoriales (Région, Conseil départemental, intercommunalités, villes) ;
- Mettre les personnes au centre de la lutte contre l'habitat indigne ;
- Développer des réponses adaptées aux besoins des ménages non pris en charge par les dispositifs existants ;
- Réaliser un suivi régulier de la stratégie de lutte contre l'habitat indigne et prévoir un plan de communication ;

La Fondation Abbé Pierre appelle les élus et le préfet de La Réunion à se mobiliser, à "prendre davantage leurs responsabilités et utiliser les moyens préventifs, incitatifs et coercitifs dont ils disposent".

"Le mal-logement est présent dans toutes les communes de l’île, sous différentes formes, à degrés variables, en fonction de la configuration du territoire. C’est pourquoi, à l’occasion des élections municipales, l’Agence Régionale de la Fondation Abbé Pierre avait demandé pour la première fois aux 24 maires de l’île, de signer un contrat d’engagement pour lutter contre les 5 figures du mal-logement, par la mise en œuvre d’actions concrètes" détaille la fondation.

À ce stade, deux intercommunalités (CINOR, TCO) sur cinq et huit communes (Saint-André, Sainte-Suzanne, Saint-Denis, Le Port, La Possession, Saint-Paul, Les Avirons, Saint-Pierre) sur 24 s’apprêtent à signer ou ont déjà signé le contrat. "L’enjeu est désormais de finaliser la contractualisation pour se consacrer au plus vite à la déclinaison opérationnelle des objectifs fixés" rajoute la fondation.

Cette mobilisation représente un pas supplémentaire pour faire de la lutte contre le mal-logement une priorité politique majeure afin de répondre aux besoins des Réunionnais mal logés, en souhaitant à terme que toutes les collectivités puissent porter cet enjeu à la bonne échelle.

À La Réunion, plus de 100 000 personnes souffrent du mal-logement ou d’absence de logement personnel d'après les estimations de la fondation. Parmi ces personnes, près de 35.000 sont dépourvues de logement personnel, dont a minima 500 personnes à la  rue.  Ensuite,  les  mal-logés  se  composent de 31 .000 personnes vivant dans des conditions de  logement  très  difficiles  du  point  de  vue  du  confort,  dont certaines n’ont pas d’eau courante (chaude / froide), et parfois ni douche ou ni WC intérieurs.

Enfin, près de 30.000 personnes vivent en situation de surpeuplement dit " accentué ", c’est-à-dire qu’il leur manque deux pièces par rapport à la norme de peuplement. Autour  de  ce  noyau  dur  du  mal-logement,  avec  les  situations  les  plus  graves,  se  dessine  un  halo  beaucoup  plus  large,  a  minima  de  200  000  personnes  fragilisées  par rapport au logement, avec des répercussions sur la vie  de  famille,  la  santé,  l’environnement  quotidien,  le  confort ou les fins de mois difficiles. Nous avons essayé pour  la  première  fois  de  produire  une  estimation  qui  nécessite d’être consolidée et comparée dans le temps, avec l’appui d’organismes comme l’Insee.

- La crise sanitaire, moteur de solidarité -

Un plan contre le sans-abrisme est largement réalisable aux yeux de la fondation, suite aux observations faites lors du confinement de 2020. La crise sanitaire a en effet eu un impact direct sur les personnes sans-abri de l'île : en raison de la fermeture de certains lieux et de la perte de leurs revenus issus (le plus souvent) de l’économie informelle (mendicité, travail non déclaré) elles ont tout d’abord rencontré d’importantes difficultés pour se nourrir. L’accès à l’eau, pour boire, se laver, cuisiner et respecter les mesures barrières, s’est révélé très complexe, par manque de fontaines, de douches ou de toilettes publiques en fonction des territoires.

De nombreuses solidarités se sont donc mises en place dès lors que notre île s’est retrouvée confinée. "La crise sanitaire a eu un effet accélérateur sur les dynamiques autour du Logement d’Abord" souligne la Fondation. Plusieurs places d’hébergement ont permis d’éviter tout retour à la rue à la sortie du confinement. Ainsi, l’État a réquisitionné 94 places, remplissant les conditions de dignité et de confort (une chambre, un lit, une douche, des espaces communs, etc.)

Au total, 100 personnes ont été hébergées, à Saint-Pierre, à Saint-Paul et à Saint-Denis. Parmi ces personnes, 71 sont relogées dont 59 avec une mesure d’accompagnement social (AVDL), 13 sont hébergées dans des structures d’hébergement d’insertion, 6 sont retournées dans leur famille, 4 ont quitté le territoire (retour à Maurice, en France), 6 ont quitté par elles-mêmes le dispositif avant la fin du confinement.

Tout cela a pu se faire grâce à la mobilisation de plusieurs acteurs, services de l’État, certains CCAS, les associations et les bailleurs sociaux. En l’espace de deux mois, il a été possible de créer ces places d’hébergement. En 3 mois, des solutions de logement et d’hébergement d’insertion ont pu être trouvées. "Ces initiatives montrent s’il en était besoin, qu’avec une volonté politique et des moyens financiers, l’objectif de faire de La Réunion un territoire O personne SDF est possible. Il est primordial d’amplifier la dynamique autour du Logement d’Abord, puisque les appels au 115 ont repris pour atteindre dès le mois de juillet le même niveau qu’en mars" fait remarquer la fondation.

- Des difficultés de maintien en logement -

Près de 6 Réunionnais sur 10 sont éligibles à du logement très social. "Tous ne formulent pas de demandes de logement social, ce qui signifie que la majorité des ménages avec des faibles revenus se logent dans le parc privé" souligne la fondation. Et plus les revenus sont faibles, plus la part consacrée au logement est élevée dans le budget de consommation des ménages.

"La réforme sur le mode de calcul de l’Allocation Logement (contemporanéité) risque de fragiliser également des ménages et nous ne connaissons pas l’impact de ce changement crucial. Les effets de la crise sanitaire sur la crise sociale laisse à craindre une accentuation de la précarisation des ménages les plus modestes" alerte-t-elle.

 

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