Tribune libre de Patricia Coutandy

"Vous ne pouvez pas combattre un incendie les yeux bandés".

  • Publié le 2 avril 2020 à 21:25

Un déconfinement à l'aveugle. 281 cas de coronavirus confirmés sont comptabilisés à La Réunion au 1er avril 2020, une hausse vertigineuse dans notre département démuni en moyen de protection alors que le gouvernement annonce le déconfinement. (Photo d'illustration)

Le même jour se déroule, l’audition d'Edouard Philippe, premier ministre, et d'Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé à l'Assemblée qui interviennent sur une sortie probable du confinement avec des " scénarios en fonction des hypothèses " pour " un déconfinement régionalisé "...Le même jour la ministre de l’Outre-mer annonce qu’un dépistage massif est impossible alors que l’aéroport a été pendant près de 2 mois la porte d’entrée du virus sur La Réunion. Le 2 avril 2020, 27 cas supplémentaires sont diagnostiqués soit 308 cas signalés.

C’est bien là que réside l’enjeu et la difficulté de sortie du confinement à La Réunion. Compte tenu de l'exiguïté du territoire, le virus a circulé sans contrainte. Le chiffre des 1600 cas contacts est une évaluation sous-estimée car les arrivants étaient autorisés à...circuler librement. Le confinement strict est intervenu seulement le 17 mars 2020.

Il y a 3 semaines, des voyageurs inquiets ont demandé de faire un test de dépistage à leur débarquement. A l’aéroport, il leur a été simplement conseillé " de rester chez eux s’ils n’avaient pas de fièvre et de ne sortir pour leurs courses que s’ils ne peuvent pas faire autrement". Pour le test qu’ils réclament, c’est à leur initiative " prévoir 50 euros et de s’orienter vers un laboratoire au Port ".

C’est pourquoi la demande des soignants relayés par les parlementaires réunionnais pour un dépistage massif doit rapidement trouver une suite favorable à la menace d’un déconfinement à l’aveugle.

Un dépistage massif

Notre insularité, notre isolement est un facteur aggravant de propagation. La proximité, et malheureusement dans certains cas la promiscuité font interagir plus de 859 959 habitants sur une superficie de 2 512 km2.

Les personnels de santé, d’entretien, les commerçants, les chauffeurs de bus... tous attendent leur masques et leurs équipements de protection individuelle.
L’heure n’est plus au constat ou à " l’étonnement sur le manque de masque " mais à l’action.

Nous sommes une région ultra-périphérique, aucun stade 1,2,3,4... de l’épidémie n’est adapté à notre insularité. Hier, le premier ministre a reconnu " la fragilité des territoires d’outre-mer " " où le virus circule plus facilement ".

Ce qui veut dire que notre situation exige une prise en compte hors norme.

Il est important d’agir sur 2 leviers l’adaptation et l’atténuation. L’adaptation est faite à minima au vue avec des moyens manquants toujours lot koté la mer. Mais l’atténuation est encore possible et passe par la connaissance de son territoire avec un dépistage massif.

"Nous avons un message simple pour tous les pays : testez, testez, testez", a martelé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l'OMS, lors d'une conférence à Genève. Il y a désormais "plus de cas et de décès dans le reste du monde qu'en Chine", "Vous ne pouvez pas combattre un incendie les yeux bandés". " Et nous ne pourrons pas stopper cette pandémie si nous ne savons pas qui est infecté "

A l’heure actuelle, aucune sortie du dispositif de confinement ne peut-être envisagée sérieusement sans la possibilité de faire des tests comme l'Allemagne et la Corée du Sud.

Inventés en France pour les Etats-Unis

Hier, la mission d’information renseigne qu’actuellement, seulement 20 000 tests par semaine sont possibles en France quand l'Allemagne en fait 500 000 par semaine. https://twitter.com/i/broadcasts/1MYGNkARNjRJw

Comment croire à l’incapacité de produire des tests en nombre et en qualité suffisante quand le laboratoire français Biomérieux communique qu’ils ont développés des tests disponibles depuis le mois de mars ?

" BioMérieux a finalisé le développement du test SARS-COV-2 R-GENE®. Ce test PCR (Polymerase Chain Reaction) en temps réel a été validé cliniquement sur un type de prélèvement respiratoire et sera disponible dès fin mars. Il devrait bénéficier rapidement d’un marquage CE et fera l’objet d’une demande d’autorisation d’utilisation en urgence (EUA- Emergency Use Authorization) auprès de la Food and Drug Administration américaine ". https://www.biomerieux.fr/actualites-et-evenements/actualite/biomerieux-met-a-disposition- le-premier-de-ses-trois-tests-de

Un autre laboratoire Français Biosynex commercialise également des tests pour diagnostiquer le COVID-19 et recevrait des commandes, sauf de La France

En cette période de crise du Covid-19, l’heure n’est pas à la polémique, nous ne pouvons que saluer la transition économique et industrielle sur le sol français pour répondre à l’urgence médicale.

Cependant, nous pouvons nous interroger sur les communiqués qui nous expliquent que l’on peut ni soigner, ni dépister, ni protéger les professionnels et la population alors que les tests de dépistage sont inventés en France pour ... les Etats-Unis !

Sursaut sur les réseaux

En 2017, l’Etat mobilisait 17,5 millions d’euros dans l’achat de grenades lacrymogènes pour 4 ans. Et pour maintenant qu’est ce que l’on attend pour acheter en masse, les masques, des tests, des respirateurs tout simplement pour sauver des vies, sauver nos vies ?

Ce n’est pas à la population de payer, le peuple ne doit pas être le parent pauvre de la République. Serions-nous en guerre contre l’épidémie mais sans armement ?

Comment dans ce cas envisager une sortie du confinement sans déclencher une vague meurtrière : " La vague meurtrière arrive, les institutions sont sourdes ou défaillantes, et notre peuple tout entier est pétrifié devant l’incurie du discours étatique. Un drame est en train de s’écrire sous nos yeux, nous ne savons sans doute aucun, que notre île se réveillera dans l’incrédulité, la stupeur et les larmes. Actuellement, peu importe les raisons qui ont mené à ce désastre sanitaire qui est à l’œuvre – le temps viendra -, nous, soignants, hurlons à vos oreilles de nous venir en aide. Cette pandémie étant un événement de l’ordre de l’impensable, nous mesurons tous les jours la difficulté de notre population, des autorités, et des acteurs de terrain à en prendre l’entière mesure. " Dr Kathia Cadinouche, Médecin de terrain, régulatrice SAMU.

Considérant les appels répétés de l’OMS en faveur du dépistage massif ;

Considérant que les résultats encourageants de l’Allemagne qui projette de réaliser jusqu’à 200 000 tests par semaine ;

Considérant la dotation insuffisante en équipement de protection ;

Les citoyennes et les citoyens plaident également pour un " dépistage massif " et en appelle à un sursaut sur " le balcon des réseaux " pour faire entendre la voix du peuple, confinée mais active.

A Sainte-Suzanne, le 2 avril 2020

Patricia COUTANDY

guest
2 Commentaires
ss
ss
3 ans

Effectivement, il y a 3 semaines je suis allée chercher une amie à l'aéroport de Gillot.Aucun test, mais même pas un questionnaire sur votre état de santé comme on en trouve 365 jours par an sur tous les vols à destination de l'île Maurice. Concernant la dangerosité à la Réunion, c'est quitte ou double. L'inconvénient c'est qu'on est une forte densité en terme de population. L'avantage c'est que l'aéroport étant maintenant fermé, il suffirait de tester tous les cas potentiels ( soignants douaniers, stewards etc y compris), et de confiner fermement dans un centre par exemple les cas positifs, et de ne pas faire rentrer d'autres passagers à moins d'urgence et sous réserve de test et de confinement eux aussi, pour ne plus avoir à rester confiner, ( et autre sujet pour en profiter pour développer l'économie locale). Il nous suffirait donc de peu de moyens ( oui relativement à d'autres régions, car nous n'avons pas encore beaucoup de cas et la frontière maritime nous protège), mais rigoureux et intelligents, pour permettre à notre île de recommencer à travailler, pas forcément comme avant tout à fait, mais peut être mieux! Ensuite n'oublions pas le facteur température, qui explique peut être aussi que le virus se protège tout de même relativement peu ici ( la propagation est trèèèès loin d'être exponentielle). Cela fait qu'un bon plan et intelligent plan de sortie de crise aurait toute les chances d'être un succès ( sans parler si on ajoutait le protocole efficace-c'est largement prouvé et approuvé en France ET à l'étranger, mais on n'ajoutera pas volontairement ce point très brÃ"lant de la chloroquine+antibiotique). Conclusion à mon pavé: on a tous les moyens ( si on se les donne) pour sortir relativement facilement de cette épidémie ( contrairement à l'Europe aux frontières grandes ouvertes), encore faudrait il que nos dirigeants régionaux soient plus préoccupés de la santé de leurs administrés que de leur allégeance au pouvoir en place.

Sapoties
Sapoties
3 ans

Qu'est-ce que vous avez tous à monter au créneau au travers de "Tribunes libres" AVEC UN MOIS DE RETARD. Où étiez-vous lorsque les Réunionnais suppliaient de fermer l'aéroport parce que pour une fois nous avions l'incroyable chance d'être épargnés ??Mais, j'imagine que vous n'auriez pas eu l'immense plaisir de lever les poings s'il n'y avait pas eu de raison de se plaindre ou de cause à défendre.C'est lamentable!!